Critique : American Pastoral

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american-pastoral-afficheAmerican Pastoral

Etats-Unis, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Ewan McGregor
Scénario : John Romano, d’après l’oeuvre de Philip Roth
Acteurs : Ewan McGregor, Jennifer Connelly, Dakota Fanning
Distribution : Mars Films
Durée : 1h49
Genre : Drame
Date de sortie : 28 décembre 2016

Note : 3/5

Première réalisation pour le comédien Ewan McGregor, American Pastoral est l’adaptation du roman éponyme de Philip Roth paru en France en 1997. Présenté en première mondiale au festival de Toronto, les avis ont été mitigés le concernant, les déçus mettant en avant la mise en scène jugée trop sage du réalisateur débutant. Si le sujet du film et le contexte dans lequel il s’inscrit pouvaient laisser attendre un film plus ample, une sorte de fresque dramatique à la forme flamboyante, l’approche est ici plus modeste, plus académique, ce qui ne signifie pas que le résultat soit indigne d’intérêt, loin s’en faut. La distribution, outre McGregor lui-même se mettant en scène dans le rôle principal, comprend des comédiens que l’on apprécie particulièrement tels que Dakota Fanning et Jennifer Connelly, cette dernière retrouvant un rôle consistant dans lequel elle nous régale de son talent et de son charme qui nous avaient bien manqués, faute de rôles marquants ces dernières années.

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Synopsis : À la fin des années 60, Seymour Levov est un homme paisible vivant une existence tranquille avec sa femme et sa fille, atteinte d’un bégaiement que tous ont du mal à gérer, mais rien qui ne mette à mal leur vie sans histoire. Jusqu’au jour où sa fille, farouchement opposée à la guerre du Vietnam, rejoint un groupe d’anarchistes l’embrigadant, et se retrouve impliquée dans l’explosion d’un bureau de poste faisant une victime …

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Humain avant tout

Avec un sujet aux telles résonances dramatiques, l’apprenti cinéaste avait tout loisir de se faire plaisir, avec un film qui soit à la fois puissant émotionnellement et ample formellement, avec grosse reconstitution d’époque et mise en scène extravertie. À une telle approche, il préfère se concentrer sur l’intime et ses personnages, s’effaçant derrière ses comédiens. Si, par conséquence, la réalisation manque quelque peu d’idées ou de parti pris un peu radicaux, ce choix sert au final plutôt joliment le film, sa modestie louable permettant de se concentrer principalement sur le jeu des acteurs, et sur ce qui pousse les personnages à agir comme ils le font. Quels que soient leurs actes et leurs conséquences, ils ne sont jamais jugés par le réalisateur, qui les filme avec empathie, et leur donne à chacun leur moment fort. Bien entendu, le récit reste focalisé sur le point de vue de ce père de famille interprété par McGregor lui-même, dont l’amour inconditionnel pour sa fille le pousse à la protéger en toute circonstance, même si cette dernière commet un acte irréparable. Cet amour d’un père pour son enfant, chaque spectateur, quel que soit son âge et qu’il soit parent ou non, pourra le comprendre et l’assimiler, tant l’écriture et l’interprétation de l’acteur / cinéaste le rendent humain. Si la mère interprétée par la superbe Jennifer Connelly n’est pas en retrait, c’est bel et bien par lui que le récit avance et captive si durablement le spectateur.

L’aspect purement historique de l’intrigue, focalisé sur les mouvements révolutionnaires ayant agité l’Amérique à partir de la fin des 60’s, en protestation contre la guerre du Vietnam ou le traitement de la population noire, est évidemment au centre de ce que raconte le film, mais celui-ci reste toujours focalisé sur les enjeux purement humains de ses personnages centraux, évitant de s’éparpiller dans trop de sujets qui auraient de quoi former plusieurs métrages. Là encore, la modestie dont fait preuve Ewan McGregor est estimable, cette façon qu’il a de rester focalisé sur l’essentiel permettant d’être touché sincèrement par la tragédie se jouant sous nos yeux, jusqu’à ce que l’on soit amené à se poser la question de comment l’on réagirait dans pareille situation. Pas de morale assénée lourdement ici, seulement des êtres humains travaillés par leur conscience, que ce soit l’adolescente dont l’évolution psychologique évite tout raccourci primaire, ou les parents persuadés d’avoir raté quelque chose dans leur éducation, et cherchant le pardon pour ce que leur fille a commis.

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Des acteurs investis

Une scène particulièrement poignante dans son absence d’effets dramatiques trop appuyés, met face à face les parents déboussolés face à la famille proche de la victime de l’attentat dont leur fille est responsable. A ce moment précis, les comédiens atteignent une vérité humaine suffisamment rare au cinéma pour être appréciée pleinement. Ewan McGregor est particulièrement impliqué dans le rôle, et même si son visage reste encore un peu lisse, il se montre totalement convaincant dans l’émotion à fleur de peau, réussissant à communiquer tous les sentiments contradictoires qui l’animent. Dakota Fanning, ex enfant prodige du cinéma américain, dont la carrière a eu du mal à décoller pleinement depuis qu’elle est rentrée dans l’âge adolescent, trouve ici l’un des meilleurs rôles de sa carrière, ne tombant jamais dans la performance qui lui tendait les bras. Ses dialogues bégayés sonnent toujours juste, et elle transmet bien la rage de son personnage qui ne se reconnaît pas dans un monde sans idéal, reprochant à ses parents de rester passifs face aux événements agitant le pays. Ainsi, même si ses actes sont condamnables et qu’à aucun moment le film ne justifie la moindre action terroriste, l’absence de manichéisme du scénario permet de s’attacher à chaque personnage.

La structure du film est en elle-même assez classique, débutant sur une soirée de promo réunissant d’anciens élèves, pour ensuite dérouler, par l’intermédiaire d’un personnage, le cœur de l’intrigue, sous forme d’un long flash-back constituant l’essentiel du film. Si la construction et la réalisation n’offrent que peu de surprises ou de fantaisie, l’emballage reste d’un professionnalisme tout à fait estimable. La qualité de la photographie due au chef opérateur Martin Ruhe, est également appréciable, évitant l’impression de téléfilm, qui aurait peut-être dominée si l’on s’en était tenu à la simple mise en scène.

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Conclusion

Il est difficile de dire sur la base de ce premier long, si Ewan McGregor est promis à un brillant avenir de metteur en scène, mais au moins pouvons-nous lui reconnaître d’avoir su tirer le meilleur d’un scénario dont on sent l’origine dans ses dialogues très écrits, mais passant très bien l’épreuve du cinéma, et de ne pas être tombé dans le piège de l’arrogance, se focalisant principalement sur la performance des comédiens, la sienne et ses partenaires, rendant le film, malgré son académisme et ses maladresses, très agréable à regarder. L’ennui de pointe jamais le bout de son nez, ce qui est déjà beaucoup. Et il est à noter que le dernier plan est l’un des plus beaux de l’année, intelligemment elliptique, provoquant une émotion sincère sans être forcée.

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