Test Blu-ray : La trilogie Pusher

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La trilogie Pusher

Danemark, Royaume-Uni : 1996-2005
Titre original : –
Réalisation : Nicolas Winding Refn
Scénario : Nicolas Winding Refn, Jens Dahl
Acteurs : Kim Bodnia, Mads Mikkelsen, Zlatko Buric
Éditeur : The Jokers
Durée : 5h18
Genre : Thriller
Date de sortie BR/4K : 4 novembre 2025

Réalisée par Nicolas Winding Refn en pleine ascension, la trilogie Pusher (1996-2005) s’impose comme un pilier du cinéma danois et européen. Plongée nerveuse et réaliste dans la pègre de Copenhague, elle révèle trois rôles-chocs : Kim Bodnia (Frank), Mads Mikkelsen (Tonny) et Zlatko Buric (Milo). Dans Pusher, Frank, un dealer d’héroïne, s’endette auprès de Milo. Désormais en grave danger, il décide de monter une ultime arnaque avant de quitter le pays. Dans Pusher II, Tonny, fraîchement sorti de la prison, retourne auprès de son père qui règne sur la mafia locale. Soucieux de passer pour un vrai caïd aux yeux de son paternel, Tonny va devoir accomplir une dernière mission de confiance. Dans Pusher III, Milo reçoit des pilules d’ecstasy, alors qu’il attendait une livraison d’héroïne. N’étant pas familier avec ce nouveau marché, le vieux dealer toxicomane doit faire confiance à un petit caïd arrogant afin d’écouler le stock rapidement. Rien ne se passe comme prévu, et Milo a de plus en plus de mal à garder son calme…

Les films

[4/5]

La trilogie Pusher, signée Nicolas Winding Refn, n’a pas attendu Drive pour faire vrombir les tripes. Avant les néons, les gants en cuir et les silences stylisés, il y avait les cris, la sueur et les regards qui puent la peur. Pusher, Pusher II et Pusher III, c’est du cinéma qui ne demande pas la permission : ça entre dans le crâne comme une seringue dans une veine, sans anesthésie ni consentement. Et pourtant, ça soigne. Pas les plaies, mais le regard. Sur la violence, sur la masculinité, sur la chute. Et sur le Danemark, qui n’est pas que le pays des Lego et des pulls tricotés.

Pusher, le premier, sorti en 1996, pose les bases. Frank, petit dealer à la gueule de poisson-chat, se retrouve dans la merde jusqu’au cou après une transaction foireuse. Le film suit sa dégringolade, heure par heure, comme un compte à rebours vers l’humiliation. Pusher, c’est l’urgence : caméra à l’épaule, lumière crue, montage sec. On pense à Mean Streets, à Trainspotting, mais sans les effets de style. Ici, tout est brut. Même les dialogues, qui claquent comme des gifles dans un vestiaire. Et pourtant, derrière cette brutalité, il y a une tendresse. Frank n’est pas un monstre. Juste un mec paumé, qui croit encore qu’il peut s’en sortir. Spoiler : non.

Pusher II, sorti en 2004, change de point de vue. Exit Frank, bonjour Tonny, son acolyte chauve tatoué « Respect » sur le crâne, ce qui est déjà une forme de poésie. Tonny sort de prison, veut renouer avec son père, un caïd local, et découvre qu’il a un fils. Pusher II, c’est le film du rejet. Rejet du père, rejet du gang, rejet de soi. Tonny est un enfant dans un corps de brute. Il pleure, il rate tout, il se fait humilier. Et pourtant, il avance. Pusher II est sans aucun doute le plus mélancolique des trois. La caméra se fait plus posée, la lumière plus travaillée, les silences plus lourds.

Pusher III, sorti en 2005, boucle la boucle avec Milo, le parrain serbe qui faisait trembler Frank dans le premier. Ici, Milo est vieux, fatigué, accro aux cachets, et dépassé par les jeunes loups. Pusher III, c’est le film de la décadence. Milo veut organiser une fête pour sa fille, mais se retrouve à gérer une cargaison d’ecstasy et une bande de crétins. Le film est plus lent, plus noir, plus désespéré. Milo est un roi sans royaume, un chef sans soldats. Et pourtant, il reste digne. Pusher III, c’est la tragédie. La vraie. Celle qui ne fait pas pleurer, mais qui laisse un goût amer. Comme une fellation ratée dans les toilettes d’un club techno. Oui, c’est une image douteuse. Mais elle colle parfaitement au film.

La trilogie Pusher, dans son ensemble, s’avère plutôt solide. Pas de scénario alambiqué, pas de musique envahissante, pas de morale. Juste des corps, des regards, des cris. Et une mise en scène qui épouse le chaos. A l’époque, Nicolas Winding Refn filmait sans fioriture, mais avec précision. Chaque plan est pensé, chaque mouvement de caméra raconte quelque chose. Et les acteurs, tous incroyables, donnent une vérité rare à leurs personnages. Frank, Tonny, Milo : trois hommes, trois figures de la masculinité, trois échecs. Trois tentatives de s’en sortir, de se faire respecter, d’aimer. Et trois chutes. Le respect n’est qu’une illusion. Un tatouage, un regard, une posture. Mais jamais une réalité. Et c’est là que le film touche juste. Il montre que derrière la violence, il y a souvent une peur. Peur de ne pas être à la hauteur, peur d’être seul, peur d’être inutile. Et ça, c’est universel, même pour ceux qui ne dealent pas dans les rues de Copenhague.

A sa façon, la trilogie Pusher nous livre également un portrait du Danemark au tournant des années 2000. Pas celui des guides touristiques, mais celui des marges. Des immigrés, des junkies, des paumés. Nicolas Winding Refn y filme une ville grise, sale, violente. Mais jamais caricaturale. Il y a du respect dans son regard. Même pour les pires salauds. Chacun des trois films explore une facette différente de la vie de ces truands : l’urgence (Frank), la reconstruction (Tonny), et enfin la déchéance (Milo). Ensemble, ils forment une fresque. Pas une saga, pas une épopée – juste une suite de portraits, de vies ratées, gâchées, mais vécues. Le tout avec une force rare. Une force qui fait mal, mais qui fait du bien.

Le coffret Blu-ray

[4/5]

Le coffret de la trilogie Pusher vient de sortir en Blu-ray et Blu-ray 4K Ultra HD, mais malheureusement, l’éditeur n’a pas été en mesure de nous faire suivre les galettes Katka, ce qui empêche ce beau coffret de finir en une du site. Ne fuyez pas pour autant : on se contentera pour cette fois des Blu-ray classiques, et franchement, vu le boulot abattu par The Jokers, on ne va pas pleurnicher comme Tonny devant son gosse. Les films de la trilogie Pusher sont répartis sur des Blu-ray séparés, avec une image propre, stable, et respectueuse du grain d’origine. Pas de lissage numérique, pas de bidouillage chromatique : juste une restitution fidèle de la crasse visuelle voulue par Nicolas Winding Refn. Les contrastes sont bien gérés, les noirs profonds, et les visages transpirent comme il faut. Le piqué est correct, sans être chirurgical, mais vu le style brut des films, ça colle parfaitement. Côté son, c’est du DTS-HD Master Audio 5.1 en VF, et du Dolby Atmos en VO. La version originale, en danois sous-titré, sera évidemment à privilégier : les intonations, les silences, les cris sont plus justes, plus incarnés. La version française, bien que soignée, perd un peu de la rugosité des dialogues originaux. Mais les deux mixages assurent une bonne spatialisation, une clarté des voix, et une immersion sonore qui fait honneur à l’ambiance poisseuse des films. Pas de saturation, pas de déséquilibre : juste du son bien calibré, comme un bon coup de poing dans l’oreille.

Côté bonus, The Jokers ne fait pas les choses à moitié. En plus des trois films, le coffret inclut Gambler (1h21, VOST), un documentaire signé Phie Ambo sur Nicolas Winding Refn. On y découvre le cinéaste en pleine galère financière, tentant de monter Pusher II tout en jonglant avec les dettes et les doutes. C’est passionnant, intime, et ça montre que derrière le style, il y a un mec qui rame. Et qui rame bien. Trois entretiens inédits avec Philippe Rouyer (environ 20 minutes chacun) viennent compléter le tableau. Rouyer, toujours aussi pertinent, revient sur les enjeux de chaque film, les choix de mise en scène, les thématiques, et le parcours de Refn. C’est clair, dense, et ça donne envie de revoir les films avec un œil neuf. Enfin, le livret d’accompagnement de 88 pages nous propose un entretien fleuve entre Refn et Bruno Icher. On y parle de cinéma, de violence, de paternité, de style, de politique. C’est riche, bien écrit, et ça prolonge l’expérience de manière intelligente. Bref, un coffret généreux, complet, et indispensable pour tout amateur de cinéma qui gratte là où ça fait mal.

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