Test Blu-ray 4K Ultra HD : Coffret Gamera – Les années Showa – Volume #1

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Coffret Gamera – Les années Showa – Volume #1

Japon : 1965 – 1967
Titre original : –
Réalisation : Noriaki Yuasa, Shigeo Tanaka
Scénario : Nisan Takahashi, Yonejiro Saito
Acteurs : Eiji Funakoshi, Kojiro Hongo, Kichijiro Ueda
Éditeur : Roboto Films
Durée : 4h30 environ
Genres : Fantastique, Kaiju Eiga
Dates de sortie cinéma : 1965 – 1967
Date de sortie BR/4K : 16 décembre 2025

Gamera – Daikaiju Gamera (1965) : Suite à une explosion nucléaire, une tortue préhistorique émerge de l’océan et détruit des villes au large du Japon. Son nom est Gamera… Gamera contre Barugon (1966) : Barugon, créature reptilienne mythologique, ravage le Japon. Gamera, protecteur de la Terre, se mettra au travers de sa route… Gamera contre Gyaos (1967) : Une créature volante nommée Gyaos terrorise le Japon en se nourrissant d’énergie humaine. Alors que des scientifiques essayent de comprendre l’origine de Gyaos, Gamera intervient pour sauver l’humanité…

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

Les films

[4/5]

Le monstre Gamera naît en 1965, et dès le premier film de la saga Gamera produit par la Daiei, il flottait déjà dans l’air la vague impression qu’à l’image de son grand frère Godzilla, la tortue géante n’était pas simplement une créature sortie d’un cauchemar reptilien, mais une métaphore ambulante de la peur nucléaire. Dans Daikaiju Gamera, les flammes qui jaillissent de son corps rappellent évidemment les bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki, mais aussi la fascination morbide pour la puissance destructrice. L’animation des monstres, les effets spéciaux artisanaux, tout cela respire le bricolage génial. Alors bien sûr, le spectateur contemporain pourra occasionnellement sourire devant les maquettes et les décors en carton-pâte, mais derrière la naïveté formelle se cache une réflexion sur la fragilité des villes modernes, prêtes à s’effondrer au moindre souffle de feu.

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

Daikaiju Gamera est donc un film qui parle autant de l’enfance fascinée par les monstres que de l’âge adulte hanté par les cicatrices de la guerre. A ce titre, la caméra de Noriaki Yuasa s’attarde régulièrement sur les visages effrayés, les foules paniquées, et l’on comprend que le véritable sujet n’est pas la tortue géante mais la réaction humaine face à l’inconnu. Le monstre devient miroir des angoisses collectives. Au-delà de Godzilla, le film s’inscrit également dans la lignée d’autres kaijū eiga d’Ishirō Honda tels que Rodan (1956) ou Mothra (1961), qui utilisent la figure du kaiju pour interroger la modernité. Daikaiju Gamera se distingue par son énergie brute, son refus de l’élégance, et sa volonté de montrer un monstre qui ne cherche pas à séduire mais à écraser. Et pourtant, derrière cette brutalité, il y a une tendresse inattendue : Gamera y sauve un enfant, et cette scène annonce déjà la mutation du personnage vers une figure protectrice…

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

L’année suivante, Gamera contre Barugon (1966) élargit le champ, et s’offre la couleur. Le monstre n’est plus seul : il affronte Barugon, créature amphibie dotée d’une langue meurtrière et d’un souffle glacé. Le film devient duel, et ce passage du monstre solitaire au combat de titans traduit une évolution du genre : le film interroge la confrontation des forces, et derrière les coups de griffes et les jets de flammes, on perçoit une réflexion sur la guerre froide, sur l’équilibre des puissances, sur la peur de l’autre. Les maquettes s’améliorent, les effets spéciaux gagnent en fluidité, et l’on sent que la saga cherche à rivaliser avec les productions Toho. Les séquences de combat sont chorégraphiées comme des ballets grotesques : les monstres se déplacent avec une lenteur pachydermique, mais chaque geste est chargé de symboles. Derrière la caméra, Shigeo Tanaka insiste sur les destructions, mais aussi sur les regards humains, comme pour rappeler que ces affrontements ne sont pas abstraits : ils touchent des vies, des familles, des villes entières. Le film joue sur cette tension entre le spectaculaire et le tragique. Et si certains spectateurs pourront sourire en découvrant la langue extensible de Barugon, on se dira néanmoins que derrière cette absurdité se cache une métaphore sexuelle à peine voilée (celle de la peur du désir incontrôlable, de la pulsion qui détruit).

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

En 1967, Gamera contre Gyaos marque une étape décisive dans la saga. Gyaos, chauve-souris géante au cri strident, incarne une menace plus abstraite, plus inquiétante. De fait, le film, cette fois signé Noriaki Yuasa (qui prendra définitivement les rennes de la saga pour la Daiei), s’impose comme plus sombre, plus tendu, alors que Gamera se transforme définitivement en protecteur des enfants. L’animation des monstres, les effets spéciaux et les maquettes atteignent une efficacité nouvelle, les combats nocturnes gagnent en intensité, et la saga trouve son rythme. Le spectateur est pris entre fascination et malaise, comme si le film cherchait à montrer que le monstre n’est pas seulement une menace physique mais aussi une perturbation symbolique. La mise en scène de Noriaki Yuasa joue sur les contrastes : la lumière des projecteurs contre l’obscurité de la nuit, le cri strident contre le silence des humains. Le film interroge la capacité de l’homme à contrôler la nature, à domestiquer le chaos. Gamera devient un monstre protecteur qui incarne la possibilité d’un équilibre. L’idée était d’ailleurs dans l’air du temps, puisque la même année dans La Revanche de King Kong, Ishirō Honda faisait de sa créature est à la fois une menace et un allié. Gamera contre Gyaos s’inscrit dans cette logique : le monstre n’est plus seulement destructeur, il devient également gardien.

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

Ainsi, redécouvrir aujourd’hui les trois premiers films de la saga Gamera produite par la Daiei nous permet de nous rendre compte de l’évolution du monstre, de la menace brute à la figure protectrice. Et derrière les costumes en caoutchouc, il y a une poésie étrange, une tendresse inattendue, une réflexion sur l’enfance et le rêve. Ces films rappellent que le cinéma de monstres n’est pas seulement un spectacle, mais aussi une manière de voir le monde ! On notera par ailleurs que la Daiei produira encore cinq films consacrés à Gamera entre 1968 et 1980, tous réalisés par Noriaki Yuasa : il s’agit de Gamera contre Viras (1968), Gamera contre Guiron (1969), Gamera contre Jiger (1970), Gamera contre Zigra (1971) et Gamerak (1980).

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

Le coffret Blu-ray 4K Ultra HD

[5/5]

Le coffret Gamera : Les années Showa – Volume #1 édité par Roboto Films est une véritable pièce de collection. Le packaging impressionne : coffret rigide, trois digipacks, livret de 60 pages, dix cartes postales et un poster. Le design de l’ensemble, signé Kevin West, joue sur l’esthétique rétro, avec des visuels qui rappellent les affiches originales. L’objet est pensé pour séduire autant les amateurs de cinéma que les collectionneurs. Côté technique, l’image des Blu-ray 4K Ultra HD restitue avec une précision étonnante les détails des costumes et des maquettes. Les couleurs, parfois ternes dans les copies anciennes, retrouvent une vivacité qui redonne au film tout son éclat. Les noirs sont profonds, les contrastes équilibrés, et la définition permet d’apprécier chaque détail du décor. Quelques séquences montrent encore des limites liées aux matériaux d’origine, mais l’ensemble est remarquable. Le son, en DTS-HD Master Audio 2.0, offre une clarté nouvelle. Les dialogues sont clairs et nets clarinette, les cris des monstres sont d’une puissance assourdissante, et la musique bénéficie d’une bonne dynamique. Le mixage respecte l’esprit des films, sans chercher à moderniser artificiellement.

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

Les suppléments du coffret Gamera : Les années Showa – Volume #1 sont généreux et passionnants. Outre le passionnant livret de 60 pages et les goodies, sur les galettes Katka, chaque film est présenté par Fabien Mauro (qui ressemble étrangement à Cyril Hanouna), ce qui sera l’occasion de replacer l’œuvre dans son contexte et de souligner ses spécificités. La présentation de Daikaiju Gamera par Fabien Mauro (22 minutes) revient donc sur la genèse du premier film, alors que le Kaiju Eiga n’était pas forcément dans les habitudes de la Daiei. Il nous expliquera que le projet avait été lancé dans le but de recycler les décors fabriqués pour un film abandonné en cours de tournage. La présentation de Gamera contre Barugon par Fabien Mauro (21 minutes) est l’occasion de revenir sur la production du deuxième film, avec un plus gros budget et un réalisateur plus expérimenté. Il y revient également sur les acteurs principaux, et les effets spéciaux. Enfin, la présentation de Gamera contre Gyaos par Fabien Mauro (19 minutes) est l’occasion de revenir sur le fait qu’avec le retour des grands mythes du fantastique (notamment avec le succès au Japon des films de la Hammer), les producteurs avaient dans l’idée de voir Gamera affronter un monstre convoquant le mythe du vampire. Il y souligne le retour du point de vue de l’enfant, ainsi que la nouvelle structure narrative, qui sera régulièrement réutilisée par la suite au cœur de la saga. Il nous explique qu’en dépit de sa nature de film pour enfants, il abordait quelques sujets sérieux, et termine en affirmant qu’il considère cet opus comme le meilleur Gamera de la période Showa.

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

Pour chaque film, Roboto Films nous propose également un entretien avec Shinji Higuchi et Shunichi Ogura, superviseurs de la restauration, qui reviennent sur le travail accompli pour redonner aux films leur éclat d’origine. Dans l’interview consacrée au premier film (8 minutes), ils évoquent la question des contrastes et des scènes de nuit, et le fait qu’ils ignoraient si certaines scènes, absentes du scénario, étaient censées se dérouler de jour ou de nuit. Dans l’interview dédiée au deuxième film (11 minutes), ils s’attardent principalement sur l’étalonnage des couleurs, et sur celle consacrée au troisième film (8 minutes), ils mettent en évidence quelques curiosités de Gamera contre Gyaos, telles que le passage du temps parfois incompréhensible ou le fait que le rayon projeté par Gyaos, annoncé « vert » dans les dialogues, est clairement jaune à l’image. On terminera le tour des suppléments par une large sélection de bandes-annonces éditeur (Gamera, Zatoïchi, Lady Battle Cop, Kamen Rider ZO/J, Roaring Fire…).

© Kadokawa Corporation 1965 – 1967

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