Un simple accident
France, Luxembourg, Iran : 2025
Titre original : Yek tasadef sadeh
Réalisation : Jafar Panahi
Scénario : Jafar Panahi
Interprètes : Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi
Distribution : Memento
Durée : 1h42
Genre : Drame
Date de sortie : 1er octobre 2025
3.5/5
Synopsis : Iran, de nos jours. Un homme croise par hasard celui qu’il croit être son ancien tortionnaire. Mais face à ce père de famille qui nie farouchement avoir été son bourreau, le doute s’installe.
L’an dernier, beaucoup de cinéphiles espéraient que, 27 ans après Le goût de la cerise de Abbas Kiarostami, un film iranien, Les graines du figuier sauvage, de Mohammad Rasoulof, obtienne à nouveau la Palme d’or cannoise. Il n’en fut rien, le jury présidé par Greta Gerwig préférant couronner le très discutable Anora de Sean Baker. Finalement, il n’aura fallu qu’un an de plus pour que la Palme d’or soit décernée à nouveau à un film iranien : Un simple accident de Jafar Panahi. Un film moins plébiscité que Les graines du figuier sauvage par les cinéphiles durant le Festival, un film qui n’est probablement pas le tout meilleur de son réalisateur mais qui n’en est pas moins un film de grande qualité qui, en mélangeant drame et humour, traite d’un sujet particulièrement important, celui de la vengeance : est elle inévitable ? Sert elle à quelque chose ou bien entraine-t-elle inéluctablement un phénomène n’ayant jamais de fin ? Alors qu’il était en prison, de juillet 2022 à février 2023, puis après sa libération, Jafar Panahi s’est demandé à plusieurs reprises ce qui se passerait si, une fois remis en liberté, un des détenus qu’il côtoyait rencontrait un de ses bourreaux. Une interrogation qui s’est transformée en scénario, un scénario que Jafar Panahi a écrit avec l’aide de 3 amis, Nader Saïvar, Shadmehr Rastin et Mehdi Mahmoudian. Dans ce scénario, c’est à la suite d’ « un simple accident », une simple histoire de chien écrasé, que Vahid, modeste travailleur qui avait été envoyé en prison pour avoir réclamé qu’on lui paye son salaire, se retrouve en contact avec Eghbal dans lequel il est persuadé de reconnaître le tortionnaire éclopé qui lui a fait subir des tortures et des humiliations. Une quasi certitude qui va se transformer en doute quand Eghbal va clamer son innocence lorsque Vahid l’emmène dans le désert afin de l’enterrer vivant.
Afin de lever ce doute, Vahid va chercher et réussir à se rapprocher d’autres anciens prisonniers ayant subi des tortures dans le même environnement que lui, Salar, un homme rencontré dans une librairie, Shiva, une photographe de mariages, Golrokh et Ali, un couple sur le point de se marier, Hamid, un homme particulièrement exalté, et chacune et chacun va avoir une vision qui lui est propre de ce qu’il faut faire de Eghbal. Est-il envisageable de le tuer tant qu’on n’a pas la certitude qu’il s’agit bien de leur tortionnaire, tant qu’il n’a pas avoué ? Et puis, « ce n’est pas parce qu’ils ont eu recours à la violence qu’on doit le faire aussi ». L’incertitude, donc, entrave ce désir de vengeance qui, en plus, n’est donc pas partagé par tous les protagonistes. La crainte aussi de subir des représailles. Seul Hamid se montre certain d’avoir reconnu son bourreau Pourquoi ? Comment ? En palpant ses jambes : il avait un bandeau sur les yeux lorsqu’il était prisonnier, son gardien n’arrêtait pas de lui faire palper sa jambe et il est certain de l’avoir reconnue au toucher. Ce sujet très grave de la vengeance est traité avec de nombreuses pointes d’humour, et Jafar Panahi ne se prive pas d’y ajouter une dénonciation pleine d’acidité de la tradition des pots de vin dans la bureaucratie iranienne. Quand bien même la situation de Jafar Panahi s’est améliorée après sa 2ème incarcération,le jugement qui lui interdisait de filmer, d’écrire, de répondre à des interviews et de voyager ayant été abrogé, il a choisi de continuer à travailler hors système, sans demander une autorisation que, pense-t-il, il n’aurait de toute façon pas obtenu. Cela explique que, dans Un simple accident, il arrive souvent à Shiva et à Golrokh d’apparaître sans voile. Il est intéressant de noter que, actuellement, la situation en Iran est telle que, contrairement à ce qui, auparavant, se passait le plus souvent pour les films se montrant critiques envers le régime, tous les interprètes et tous les techniciens ont souhaité que leur nom apparaisse au générique et la plupart sont venus à Cannes avec le réalisateur.