The shameless
Suisse, Bulgarie, France, Taïwan, Inde : 2024
Titre original : –
Réalisation : Konstantin Bojanov
Scénario : Konstantin Bojanov
Interprètes : Mita Vashisht, Auroshikha Dey, Tanmay Dhanania
Distribution : L’Atelier Distribution
Durée : 1h56
Genre : Policier, Drame, Thriller
Date de sortie : 14 mai 2025
3.5/5
Synopsis : AAu cœur de la nuit, Renuka s’échappe d’un bordel de Delhi après avoir poignardé à mort un policier. Elle se réfugie dans une communauté de travailleurs du sexe dans le nord de l’Inde, où elle rencontre Devika, une jeune fille condamnée à une vie de prostitution. Leur lien se transforme en une romance interdite. Ensemble, elles entreprennent un voyage périlleux pour échapper à la loi et se frayer un chemin vers la liberté..
Un pays dur et coloré
Il faudra attendre pas mal de temps pour qu’on sache qui est cet homme qui, manifestement, vient d’être tué à l’arme blanche par Renuka et pourquoi elle l’a tué. Par contre on comprend très vite que Renuka est une prostituée et que, vu ce qu’elle vient de faire, elle a tout intérêt à s’échapper fissa du bordel du quartier de GB Road à Dehli dans lequel elle travaille, non sans avoir pris soin d’emporter ses économies. C’est tout à fait par le hasard du camion qui l’a prise en stop qu’elle se retrouve à Chhatrapur, bien loin de Dehli, où elle arrive très vite à louer une chambre pour laquelle est évoqué un supplément de 50 roupies (environ 50 centimes d’Euro) par client qu’elle ramènera. Alors qu’elle entretenait l’espoir de trouver, grâce à son ami Murad, une place dans un bateau partant de Kutch pour aller se réfugier aux Philippines, la rencontre qu’elle va faire avec Devika, la petite dernière d’une famille de travailleuses du sexe devadasi qui loge à proximité de sa chambre, va complètement métamorphoser cet horizon en lui apportant un sentiment nouveau pour elle. Dans cette communauté des devadasi, la signification de ce mot étant « servante de la divinité », une très ancienne pratique religieuse fait que les femmes sont consacrées au temple dès leur plus jeune âge, considérées en fait comme des épouses de la divinité, ce qui, autrefois, leur donnait une liberté, en particulier sexuelle, que les femmes mariées à des humains n’ont pas. Cette pratique a petit à petit été dévoyée et les femmes devadasi sont dorénavant condamnées à la prostitution. Un type de prostitution que pratique la mère de Devika et qui, pour elle, n’a rien de comparable avec celle pratiquée par Renuka, qualifiée par elle de prostituée des rues, de prostituée de bas étage. Face à sa mère qui fait tout pour l’écarter de Renuka et qui attend le moment où elle pourra vendre sa première nuit à un homme riche, Devika se rêve en compositrice et interprète de rap et essaye de trouver un semblant de protection auprès de sa grand-mère. Toutefois, son attirance pour Renuka est ce qu’elle ressent de plus fort.
Présenté en 2024 dans la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes, The shameless est un film tourné en hindi qui, sans jamais verser dans un sordide racoleur, nous plonge dans une réalité particulièrement glauque de l’Inde contemporaine, celle de la prostitution, et qui a été réalisé par un … bulgare, Konstantin Bojanov, dont on avait apprécié Avé, son premier film, il y a 13 ans et que, depuis, on avait perdu de vue. On sent que le réalisateur a beaucoup travaillé sur son sujet et qu’il a su s’entourer de très bons conseillers. Renuka, son personnage principal, est une femme attachante, dont on n’a pas de mal à comprendre les raisons du côté abrupt de son comportement, une femme qui n’a pas froid aux yeux, une femme indépendante qui, financièrement, a besoin des hommes mais qui aimerait bien en être débarrassée. Tout au long du film, Konstantin Bojanov fait très souvent appel à des ellipses, ce qui n’est pas sans poser de temps à autre quelques menus problèmes de compréhension. A côté de la prostitution, son sujet principal, il se frotte à la perception de l’homosexualité en Inde et aux interdits imposés aux femmes et, de façon moins appuyée, à la dépendance à la drogue, à la corruption policière, à la situation politique et au rejet des musulmans par de nombreux indiens. Tout cela donne un film qui tient à la fois du film social et du polar, un film qui, par ailleurs, donne une image très fidèle de cet immense pays qu’est l’Inde, un pays à la fois très dur et très riche en couleurs. La face dure est particulièrement bien représentée par le personnage de Renuka, dont l’interprète, Anasuya Sengupta, a obtenu l’an dernier le Prix d’interprétation féminine de la sélection Un Certain Regard. Concernant la couleur, le Directeur de la photographie, le suisse Gabriel Lobos a su en tirer la substantifique moelle, même dans les scènes d’intérieur, même dans les scènes nocturnes, nombreuses dans le film.