Critique Express : Howard Zinn, une histoire populaire américaine 2

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Howard Zinn, une histoire populaire américaine 2 

France : 2025
Titre original : –
Réalisation : Olivier Azam, Daniel Mermet
Scénario : Olivier Azam, Daniel Mermet
Distribution : Les Films des Deux Rives
Durée : 1h53
Genre : Documentaire
Date de sortie : 28 janvier 2026

4/5

Synopsis : Le best-seller « Une Histoire populaire des États-Unis » a révélé aux Américains une part de leur passé longtemps ignorée par eux-mêmes, redonnant une place dans l’histoire aux Amérindiens, aux Noirs, aux ouvrières et aux ouvriers pris dans la grande fabrique du rêve américain. Le travail d’Howard Zinn s’est opposé aux mythes fondateurs depuis Christophe Colomb et s’impose aujourd’hui comme un contre-feu à la guerre idéologique menée par Donald Trump, qui en a fait sa bête noire en histoire.

« Tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs ». Cette citation de l’historien américain Howard Zinn, on l’entend à 2 reprises, au début puis à la fin du film, dans Howard Zinn, une histoire populaire américaine 2. On pourrait rajouter une autre citation de Howard Zinn : « L’histoire est importante. Si vous ne la connaissez pas, c’est comme si vous étiez né hier. Et si vous étiez né hier, n’importe qui au pouvoir pourrait vous raconter n’importe quoi, sans que vous puissiez vérifier ses dires ». Il y a 10 ans, le réalisateur Olivier Azam et le journaliste Daniel Mermet avaient proposé le premier des 3 volets cinématographiques qu’ils entendent consacrer à l’œuvre majeure de Howard Zinn, « Une histoire populaire des Etats-Unis ». En s’attachant à montrer la face cachée du rêve américain, ce livre, vendu à plus de 2 millions d’exemplaires, dont la première parution date de 1980 et qui, depuis, a été l’objet de nombreuses rééditions, a permis aux américains de porter un regard nouveau, un regard très différent sur leur propre histoire. Le but recherché par Howard Zinn au travers de ce livre n’était pas de déboulonner systématiquement toutes les statues des personnages considérés jusque là comme étant les grands hommes de l’histoire des Etats-Unis (Le fait de n’évoquer que les grands hommes n’est pas dû à un oubli, il est dû au fait que dans cette histoire il n’y avait pratiquement pas de grandes femmes !), il était plutôt d’amener sur le devant de la scène, au minimum sur un pied d’égalité avec ces « grands hommes », toutes celles et tous ceux qui, jusque là, avaient été oublié(e)s des livres d’histoire faits par les chasseurs et de faire enfin raconter l’histoire des Etats-Unis par les « lapins » que sont les amérindiens, les afro-américains, les femmes et les classes populaires. Une telle approche ne pouvait que fortement déplaire à Donald Trump qui, le 17 septembre 2020, s’est attaqué à Howard Zinn : « Nos enfants sont instruits à partir de tracts de propagande comme celle de Howard Zinn, qui tente de faire honte aux étudiants de leur propre histoire. La gauche a dénaturé et souillé l’histoire américaine ». Howard Zinn n’a pas eu besoin de faire de longues études en économie pour comprendre ce qu’était la pauvreté et ce qu’était l’existence des gens qui vivaient cette pauvreté de l’intérieur : il est né de parents immigrés, juifs des pays de l’Est,, père ouvrier, ainé d’une famille de 4 enfants dont il n’est exagéré de dire qu’elle a connu la misère, une famille devant souvent déménager du fait de loyers qui ne pouvaient pas être payés. De même, il n’a pas eu besoin de faire de longues études de sociologie pour comprendre ce qu’étaient le racisme et la ségrégation raciale : ayant volontairement rejoint l’Air Force durant la Seconde Guerre mondiale afin de combattre le fascisme, il a pu constater de visu, dès le transport vers l’Angleterre sur le Queen Mary, combien le traitement accordé aux soldats afro-américains était différent de celui accordé aux soldats aux origines européennes. Ayant commencé à travailler comme ouvrier à l’âge de 18 ans, ce n’est qu’en revenant de la guerre et grâce à la loi G.I. Bill adoptée en juin 1944 par le Congrès des États-Unis que Howard Zinn a pu commencer des études universitaires.

Alors que le premier volet de la trilogie, pour beaucoup consacré aux luttes sociales, avait pour sous-titre « Du pain et des roses » (en relation avec « Bread and Roses », le slogan des ouvrières textiles de Lawrence, Massachusetts lors de la grève qu’elles ont menée au début de l’année 1912), le volet n°2 n’a pas de sous-titre, sauf à considérer qu’on puisse le trouver dans la citation sur les lapins et les chasseurs. D’autant plus, que, dans ce deuxième volet, à côté du rappel d’épisodes faisant partie de ce que nous connaissons ou croyons connaitre de l’histoire des Etats-Unis comme le mythe de Thanksgiving, l’affaire Sacco et Vanzetti, les deux New Deals, les accointances nazies et l’antisémitisme de Henry Ford, la mise en image du travail de Howard Zinn insiste beaucoup sur son rôle d’historien des lapins qu’ils soient amérindiens tels les membres de cette « race exécrables » exterminés par des couvertures infectées par la variole offertes aux chefs indiens en 1763, lors de la guerre de 7 ans, ou les 250 à 350 Lakotas massacrés en 1890 à Wounded Knee ; qu’ils soient afro-américains avec l’évocation des 4742 afro-américains qui ont été lynchés entre 1882 et 1968 ou celle des procès inéquitables aboutissant à la condamnation à mort d’afro-américains innocents, le cas plus emblématique étant peut-être l’affaire des Scottsboro Boys, commencée en 1931, qui vit neuf garçons afro-américains, âgés de 12 à 20 ans, être accusés sans preuve d’avoir violé deux femmes blanches dans un train de marchandises traversant l’État du Tennessee et qui n’ont gardé la vie sauve que grâce à un shérif intègre qui a réussi à éviter qu’ils soient lynchés et au parti communiste américain qui réussit à obtenir des procédures d’appel (on notera toutefois qu’il fallut attendre 1950 pour que le dernier de ces innocents soit libéré !) ; qu’ils fassent partie des populations pauvres, en particulier suite à la Grande Dépression de 1929 avec la migration vers l’ouest des Etats-Unis de milliers de fermiers des Grandes Plaines, touchés par la baisse du prix des prix agricoles et aussi par le phénomène météorologique des Dust Bowls, des tempêtes de poussière qui ont durement touché, au début des années 30, la région à cheval sur l‘Oklahoma, le Kansas et le nord du Texas ; qu’ils fassent partie des vétérans de la première guerre mondiale qui ont été réprimés en 1932 par l’armée américaine sous la présidence de Herbert Hoover lorsqu’ils se sont organisés pour recevoir leur prime d’ancien combattant ; etc… On ne peut qu’être admiratif devant l’impressionnant travail qu’ont dû faire les réalisateurs pour réunir les exceptionnelles archives illustrant les différents chapitres de ce film et procéder à son montage. Lorsqu’on voit ce film passionnant et oh combien instructif qu’est une histoire populaire américaine 2, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il serait souhaitable qu’un historien français reprenne l’histoire de France vue du point de vue des lapins. En fait, de tels ouvrages existent déjà : Michelle Zancarini-Fournel a publié « Les luttes et les rêves: Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours », paru en 2016 ; Gérard Noiriel a publié « Une histoire populaire de la France : de la guerre de Cent Ans à nos jours », paru en 2019 ; Laurence de Cock a publié « Histoire de France populaire: D’il y a très longtemps à nos jours », paru en 2024.

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