Horizonte
Colombie: 2024
Titre original : –
Réalisation : César Acevedo
Scénario : César Acevedo
Interprètes : Claudio Cataño, Paulina García, Edgar Duran Galindo
Distribution : Bobine Films
Durée : 2h05
Genre : Drame, Fantastique
Date de sortie : 4 juin 2025
4/5
Synopsis : Séparés pendant des années en raison d’un conflit armé, Basilio et sa mère se retrouvent enfin et se mettent en quête du père disparu. Mais tous deux sont désormais morts. Cherchant à expier ses crimes passés, commis à l’époque où il était un criminel de guerre, Basilio va tenter d’obtenir le difficile pardon de ses victimes. Mais aussi celui de sa propre mère…
La recherche du pardon
Malgré un remarquable premier long métrage, La terre et l’ombre, qui lui avait permis d’obtenir la Caméra d’or au Festival de Cannes 2015, il aura fallu attendre 10 ans pour que le réalisateur colombien César Acevedo puisse nous proposer son 2ème long métrage de cinéma. Problème de financement ? Problème d’inspiration ? Impossible à savoir. En tout cas, quelle que soit la raison, on ne peut que se réjouir de l’arrivée de Horizonte sur nos écrans, un film à la fois très proche et très différent de La terre et l’ombre ! Très proche car on y retrouve le goût du réalisateur pour les longs plans séquences avec une caméra qui balaie doucement son environnement, son goût pour une recherche esthétique très poussée au niveau d’une image au format scope, sa référence, totalement revendiquée, au cinéma de Andreï Tarkovski. Très différent car, au contraire de La terre et l’ombre, film très réaliste qui raconte les rapports d’un homme revenu au pays après une longue absence avec celle qui est toujours sa femme, avec son petit-fils, avec sa belle-fille, tout cela sur fond de lutte sociale de la part d’ouvriers agricoles qui ne supportent plus de se tuer au travail pour une paye qui est sans cesse retardée, Horizonte est un film qui fait plus que flirter avec le fantastique, avec le passé et le présent qui cohabitent, avec des personnages qui sont morts mais qui continuent à vivre. Un fantastique particulier dans lequel le seul « effet spécial » consiste à faire s’envoler en l’air une maison installée en plein champ.
La Colombie a connu une guerre civile particulièrement meurtrière qui a duré une quarantaine d’années et qui mettait aux prises des guérillas, marxistes ou castristes, les forces gouvernementales et des groupes paramilitaires se prétendant groupes d’autodéfense. Entre 1985 et 2018, cette guerre civile qui a partagé des familles dont les membres pouvaient se retrouver dans des camps différents, aurait fait au moins 450 000 morts, 120 000 disparus et près de 8 millions de déplacés. Il n’est donc pas vraiment étonnant que la première scène du film se déroule dans un cimetière, avec un homme, Basilio, à la recherche de Inès Oto, sa mère. « Quand est-elle morte ? », lui demande le fossoyeur à qui il s’adresse. Question qui restera sans réponse. Quand il arrive à la porte de la maison de sa mère, celle-ci dit ne pas reconnaître la voix de son fils. En fait, c’est alors qu’il était adolescent que Basilio avait été enlevé à sa famille par un des camps et depuis ce temps Basilio et Inès ont été séparés. Bien que cela ne soit jamais précisé dans le film, il est probable que l’enfant a été enlevé par des membres d’un groupe paramilitaire qui ont fait de lui un monstre sanguinaire et sans pitié. Les colombiens auront beaucoup plus de certitudes quant à cette hypothèse que nous européens qui n’avons qu’une vague connaissance des évènements qui ont ensanglanté leur pays. Face à ce fantôme dont elle devine les monstruosités qu’il a commises et qui lui demande son pardon, Inès reste une mère aimante et tous les deux vont partir à la recherche du père qui a disparu tout en effectuant une sorte de pèlerinage sur des lieux où Basilio a sévi ou auprès de familles qui ont eu à souffrir de son comportement. Face à sa mère qui pense que toute vérité n’est pas forcément bonne à dire, Basilio tient à ne rien cacher de ce qu’il a fait à l’une de ces familles. En fait, c’est sans beaucoup d’illusion que Basilio est à la recherche de sa rédemption : « pourquoi voudrais tu qu’ils m’accordent leur pardon simplement car je me suis tenu devant eux et le leur ai demandé ? », dit-il à sa mère. Toutefois, ce périple va quand même lui permettre d’ouvrir les yeux, au propre comme au figuré.
A bien réfléchir, ce que raconte Horizonte n’est pas très différent de ce que raconte Un simple accident, la très récente Palme d’or cannoise du réalisateur iranien Jafar Panahi. En effet, dans les 2 films, il est question de vengeance et de pardon à la suite, sans qu’ils nous soient montrés, d’actes effroyables commis par un homme dans l’exercice de ses fonctions. Une différence notable toutefois : dans Un simple accident, il est surtout question de vengeance alors que dans Horizonte l’accent est surtout mis sur la recherche du pardon. Autre différence notable : Un simple accident est un film magnifique dont l’accès est facile pour le public, ce qui n’est pas le cas de Horizonte, film tout aussi magnifique mais qui, n’en doutons pas, pourra rebuter un certain nombre de spectateurs : celles et ceux qui ne cesseront pas de se demander si les personnages qu’on voit à l’écran sont vivants ou morts, celles et ceux qui n’arriveront pas à entrer dans certains longs plans séquence qui peuvent donner l’impression qu’il ne s’y passe rien. Les autres auront vite compris qu’il n’est pas forcément nécessaire de tout comprendre, que, dans ce pays, la mort fait partie de la vie et se seront laissés gagner par l’atmosphère envoutante que dégage le film, avec cette brume souvent présente en contraste avec des scènes colorées visuellement magnifiques, avec cette bande son qui, à sa façon, nous parle de la violence qui a régné durant cette période sombre de l’histoire de la Colombie. Quant à la distribution, elle réunit dans l’excellence le formidable comédien colombien Claudio Cataño et l’immense comédienne chilienne Paulina García.