Syndicat du meurtre
États-Unis : 1968
Titre original : P.J.
Réalisation : John Guillermin
Scénario : Philip H. Reisman Jr.
Acteurs : George Peppard, Raymond Burr, Gayle Hunnicutt
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h49
Genre : Thriller, Drame
Date de sortie cinéma : 21 mars 1969
Date de sortie DVD/BR : 26 août 2025
Quand P.J. Detweiler, détective privé sans le sou, se voit offrir le poste de garde du corps de la belle Maureen Preble, il n’a d’autres choix que d’accepter le boulot. La jeune femme, maîtresse du mystérieux William Orbison, est victime de menaces de mort et de tentatives d’assassinat. Mais les apparences sont trompeuses et ce cas cache peut-être de sombres machinations…
Le film
[3,5/5]
Réalisé par John Guillermin, Syndicat du meurtre est un polar fleurant bon la fin des 60’s : les femmes y sont fatales, les hommes fatigués, et les flingues bien huilés. Le film met donc en scène des hommes aux costumes trop cintrés et des femmes en jupes trop courtes, sur fond de dialogues qui claquent comme des fessées dans un club SM. Tout ce petit monde évolue dans des décors urbains new-yorkais ; l’excellent George Peppard y incarne P.J., un détective privé en galère, qui accepte de jouer les gardes du corps pour Maureen, une maîtresse de milliardaire. Et comme souvent dans ce genre de plan, ça part en sucette dès la fin de la première bobine. Malin et référentiel, Syndicat du meurtre fait de l’œil au Film Noir des années 40/50, sans chercher à le révolutionner, mais plutôt à le moderniser, en le caressant dans le sens du colt avec une élégance un peu crade et une ironie bien placée.
Syndicat du meurtre repose sur une mécanique narrative classique : le privé désabusé, la Femme Fatale, le riche manipulateur, et une machination qui sent le sapin. Mais là où le film tire son épingle du jeu, c’est dans sa manière de jouer avec les codes sans les violer. Le scénario, certes cousu de fil blanc, se permet quelques torsions intéressantes, notamment dans la relation ambiguë entre P.J. et Maureen, qui oscille entre désir, méfiance et pulsions de meurtre. Le film interroge, mine de rien, la notion de vérité dans un monde où tout le monde ment mieux que son voisin. Syndicat du meurtre devient alors une sorte de ballet cynique, où chaque personnage avance masqué, à la manière de Tom et Nicole dans Eyes Wide Shut.
Formellement, Syndicat du meurtre ne fait pas dans la dentelle, mais dans le velours râpé. La mise en scène de John Guillermin est efficace, sans fioritures, avec une caméra qui suit les personnages comme un flic en planque. Les cadrages sont souvent serrés, presque étouffants, comme pour souligner l’enfermement moral du héros. Et quand ça s’ouvre, c’est pour mieux montrer le vide. Le montage, lui, joue sur les ruptures de rythme, alternant scènes d’action et moments plus introspectifs, ce qui donne au film une respiration étrange, presque organique. Syndicat du meurtre n’est pas un film d’action, c’est un film de tension, où chaque regard peut être une balle perdue.
La thématique centrale de Syndicat du meurtre, c’est la trahison. Celle des corps, des mots, des intentions. P.J. est un homme qui croit encore à la loyauté, mais qui se fait balader par tout le monde. Le film explore cette idée avec une certaine cruauté, mais aussi une forme de tendresse désabusée. Le personnage de Maureen, loin d’être une simple vamp, incarne une féminité certes toxique mais relativement complexe, qui rappelle que les femmes ne sont pas que des objets de désir, mais aussi des sujets de manipulation. Et si certains dialogues flirtent volontiers avec la misogynie, c’est pour mieux en souligner l’absurdité.
De fait, Syndicat du meurtre joue avec le feu, mais ne se brûle jamais complètement ; le film flirte souvent avec le grotesque, mais son intrigue reste toujours sur un fil ténu qui permet au spectateur de le prendre au sérieux. La tentation du pastiche n’est jamais loin, mais l’ensemble affiche tout au long du récit une cohérence étrange, comme si le chaos était le vrai moteur de l’intrigue. Le placement des caméras, souvent en plongée ou en contre-plongée, accentue cette sensation de déséquilibre, comme si le monde du film était toujours sur le point de basculer.
Le Blu-ray
[4/5]
Syndicat du meurtre vient de sortir au format Blu-ray, sous les couleurs d’Elephant Films, le film de John Guillermin ayant bénéficié d’une restauration Haute-Définition (2K) plutôt convaincante. L’image respecte le grain d’origine, avec une palette de couleurs légèrement désaturée qui colle bien à l’ambiance urbaine du film. Les contrastes sont bien gérés, notamment dans les scènes nocturnes où les ombres jouent un rôle narratif à part entière. Du beau travail ! Côté son, VF et VO nous sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono). Dans les deux cas, le rendu acoustique est propre et net, avec des dialogues clairs et des ambiances sonores bien restituées. La VO conserve tout son charme d’époque, et nous propose une dynamique un peu plus naturelle que sa petite sœur française, notamment dans les intonations.
Dans la section suppléments du Blu-ray de Syndicat du meurtre édité par Elephant, on trouvera, en plus d’une poignée de bandes-annonces éditeur, une intéressante présentation du film assurée par Julien Comelli (29 minutes). Avec son style si particulier, le journaliste / petit biochimiste reviendra sur le film de John Guillermin, en commençant avec la carrière du cinéaste et des acteurs, puis sur le film à proprement parler, et les qualités de la version française. Le sujet est, comme d’habitude, mis en boite par son complice Erwan Le Gac, cette fois assisté de Nicolas Chèvre.