Critique : A normal family

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A normal family 

Corée du Sud : 2023
Titre original : Bo-tong-ui ga-jog
Réalisation : Jin-Ho Hur
Scénario : Park Joon, Park Eun-kyo, d’après le roman de Herman Koch
Interprètes : Sul Kyung-gu, Jang Dong-gun, Hee-ae Kim, Claudia Kim
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h49
Genre : Drame
Date de sortie : 11 juin 2025

3.5/5

Synopsis : Deux frères, un avocat matérialiste et un chirurgien idéaliste, se retrouvent régulièrement avec leurs épouses pour dîner dans un restaurant chic de Séoul. Lorsqu’une affaire criminelle qui les implique explose sur la scène médiatique, leur sens de la morale va être mis à l’épreuve.

Une famille normale ? 

En 2009, l’auteur néerlandais Herman Koch faisait paraître aux Pays-Bas le roman « Het diner », roman publié en France en 2011 sous le titre « Le diner » par les éditions Belfond. Depuis, ce roman a fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques : aux Pays-Bas en 2013, avec Het dinner de Menno Meyjes, jamais sorti en France ; en Italie en 2014, avec Nos enfants de Ivano De Matteo, sorti en France en décembre 2014 ; aux Etats-Unis en 2017, avec The dinner de Oren Moverman, une adaptation désavouée par Herman Koch, jamais sortie en France malgré la présence de Richard Gere au générique. A normal family, réalisé par Jin-Ho Hur, est donc la 4ème adaptation cinématographique du roman de Herman Koch et elle tend à confirmer la déshumanisation qui règne depuis longtemps sur tous les continents dans toutes les couches de nos sociétés et qui se traduit par de la violence et le rejet délibéré d’un comportement moral et altruiste.

L’action de A normal family se déroule en Corée du Sud au sein de la bourgeoisie coréenne, avec les familles de 2 frères qui ont l’habitude (et les moyens leur permettant de le faire) de se rencontrer régulièrement au cours d’un diner dans un grand restaurant de Séoul. Jae-gyu  est chirurgien dans un hôpital, il est à l’aise financièrement, Jae Wan  est un avocat réputé, il est plus qu’à l’aise financièrement. Les relations entre les 2 frères ont toujours été tendues : vu par Jae-gyu, lui travaille pour sauver des vies alors que Jae-wan travaille pour de l’argent, ce à quoi Jae-wan répond avec ironie : « je suis le méchant riche et toi le gentil pauvre ! ». En tout cas, Jae-gyu se montre particulièrement jaloux lorsque le voiturier du restaurant où ils vont se retrouver se montre beaucoup plus aux petits soins avec Jae-wan qu’avec lui. Jae-gyu est marié avec Yeon-kyung, une femme plus âgée que lui, et le couple a un fils, Si-ho. Jae-wan a eu une fille, Hye-yoon, d’un premier mariage et une autre, Sa-rang (« amour » en coréen) de son second mariage avec Ji-sun, beaucoup plus jeune que lui, une belle-sœur que Yeon-kyung déteste cordialement, par jalousie plus que probablement, et qu’elle appelle systématiquement « l’autre ». Si-ho et Hye-yoon ont le même âge, 16 ans environ, et, alors que Si-ho est victime de harcèlement de la part de  certains de ses condisciples, Hye-yoon fait ce qu’elle veut de son père, préférant lui prendre sa carte de crédit plutôt que l’argent qu’il lui proposait  alors qu’elle s’apprêtait à sortir.

Dès le début du film, Jae-gyu et Jae-wan vont se retrouver tous les deux impliqués dans les suites d’un fait divers qui a pris beaucoup de place sur les réseaux sociaux : après une altercation violente entre deux automobilistes se traduisant par la mort de l’un d’entre eux, Jae-gyu a pris en charge Narae, 8 ans, la fille très sérieusement blessée de l’automobiliste qui a perdu la vie, Jae-wan prenant en charge la défense de l’automobiliste qui a percuté volontairement son adversaire dans l’altercation. Manifestement, une fois de plus, les deux frères ne sont pas dans le même camp. Toutefois, c’est un autre fait divers, également très présent sur les réseaux sociaux, qui va représenter le plat de résistance de A normal family : une caméra de surveillance a filmé deux adolescents en train de battre à mort un SDF et les images font le buzz à la télévision et sur les réseaux sociaux. Difficile, voire impossible de les reconnaitre, sauf pour leurs parents : ce sont Si-ho et Hye-yoon ! Que faire ? Faut-il toujours prendre le parti de ses enfants, quoi qu’ils aient fait ? Est-ce vraiment leur rendre service que de refuser de les dénoncer ? Dans ce jeu de massacre où on a du mal à se décider sur le nom du personnage le plus détestable, les deux frères s’opposent l’un à l’autre, des intimidations sont échangées, chantage et menaces de mort, voire plus, à la clé, ce qui ne les empêchent pas de finir par échanger leurs positions. Yeon-kyung, elle, ne change jamais de position et ce n’est pas forcément à son honneur et Ji-sun, il est vrai moins directement impliquée, est la seule à garder un tant soit peu la tête froide dans ce désastre familial. Quant aux deux adolescents, une conversation qu’ils ont enregistrée sur un smartphone montre à quel degré d’ignominie peuvent arriver certains jeunes dans nos sociétés prétendument civilisées. La faute à qui ?

Le film ne prétend pas donner la réponse, il se contente de constater, de nous mettre, de façon sarcastique, en face d’une situation dont nous n’avons pas à être fiers, et c’est déjà beaucoup ! Dans notre pays, Jin-Ho Hur n’est pas le plus connu parmi les réalisateurs coréens. Habituellement intéressé par ce qu’on a coutume d’appeler les bons sentiments, l’amitié, l’amour ou la fraternité, il fait ici ses premiers pas dans un registre beaucoup plus noir et c’est une belle réussite cinématographique. Ce film qui, par certains côtés, n’est pas sans rappeler Les nouveaux sauvages de l’argentin  Damián Szifron, montre le déclin de la réputation de la Corée du Sud, longtemps considérée par la Chine comme étant le pays de la politesse.

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