Critique : L’enfance d’un maître

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L’enfance d’un maître

France : 2018
Titre original :
Réalisation :  Jeanne Mascolo de Filippis, Bruno Vienne
Idée originale : Snafu Wowkonowicz
Ecriture et adaptation : Michel Fessler, Bernard Mathieu
Interprètes : Ratak Phuntsok alias Kalou Rinpoché
Distribution : Gebeka Films
Durée : 1h17
Genre : documentaire
Date de sortie : 21 novembre 2018

3.5/5

Né à Chamonix, au pied du toit de l’Europe, Snafu Wowkonowicz est devenu un grand spécialiste des Himalayas, le toit du monde. C’est lui qui, ayant rencontré les parents de Ratak Phuntsok alors que ce dernier n’avait que 18 mois, les a convaincus de laisser filmer la vie de celui qui, peu de temps après, allait devenir le nouveau Kalou Rinpoché. Tous les deux membres de la Société des Explorateurs Français, Jeanne Mascolo de Filippis et Bruno Vienne connaissent également très bien les Himalayas où ils ont réalisé de nombreux documentaires. Ce sont eux qui ont réalisé ce film sur une durée de 25 années.

Synopsis : Ce film documentaire raconte l’extraordinaire destin de Kalou Rinpoché, un jeune maître tibétain d’aujourd’hui. Né en 1990 à Darjeeling en Inde, il est ce qu’on appelle un Tulkou, la jeune réincarnation reconnue par le Dalaï-lama d‘un grand maître tibétain décédé en 1989, et dont il porte désormais le nom.
Filmé dès l’âge de ses 18 mois, voici le parcours inédit d’un futur maître spirituel, un témoignage des 25 premières années de sa vie, avec ses questions, ses doutes et son cheminement, entre tradition et modernité.

La jeunesse d’un tulkou

« On m’appelle « maître », mais je n’ai pas eu le choix, mon destin a été d’être choisi », c’est ainsi que se définit Ratak Phuntsok, né en 1990 à Darjeeling, dans le nord de l’Inde. Ratak a en effet été choisi peu de temps après sa naissance pour devenir le successeur réincarné de Kyabje Kalou Rinpoché, mort un an plus tôt et dont il est un petit neveu ! Il est, au sein de la communauté bouddhiste tibétaine, ce qu’on appelle un tulkou. Il a été intronisé à l’âge de 2 ans et demi et le film suit son parcours tout au long des 25 premières années de son existence : sa jeunesse presque normale mais pas tout à fait, un voyage en Europe dès l’âge de 4 ans, afin de visiter les centres de méditation et les monastères dont il a « hérité », sa rencontre avec Richard Gere, le décès de son père en 1998, les 4 ans passés auprès de son maître spirituel Bokar Rinpoché, sa retraite entamée à l’âge de 14 ans et qui a duré 3 ans, 3 mois et 3 jours, son existence actuelle, celle d’un jeune homme branché qui correspond avec ses « followers » via Facebook.

Une « rencontre » sur 25 années

Il n’est pas fréquent de pouvoir « rencontrer » sur une période de 25 ans un jeune homme chargé du poids d’avoir été désigné dès sa naissance comme étant la réincarnation d’un lama bouddhiste et maître de méditation de grande réputation. D’autant plus que ce jeune homme, Ratak Phuntsok, devenu Kalou Rinpoché et âgé aujourd’hui de 28 ans, s’avère être d’une grande lucidité. C’est ainsi que, tout en respectant le sens de la réincarnation, il avoue ne pas tellement y adhérer à titre personnel. Il pense aussi que certaines croyances ne devraient pas être inculquées aux enfants et qu’on devrait plutôt les préserver de tout enseignement spirituel que ce soit le bouddhisme ou un autre.

En fait, l’impression générale donnée par cette « rencontre » est celle qu’on a affaire à un homme qui n’est pas pleinement heureux de la vie qu’on lui a fait mener. C’est ainsi que, même si on ne peut pas vraiment parler de maltraitance à enfant en ce qui concerne sa prime jeunesse,  Kalou Rinpoché est le premier à reconnaître qu’il n’a pas eu une véritable enfance « normale ». Quant à la véritable vie de rockstar qu’il mène depuis plusieurs années, faite de tournées permanentes, avec un avenir organisé de longs mois à l’avance, sans que, apparemment, il ait son mot à dire, elle lui fait regretter de ne pas avoir d’endroit où il puisse se sentir vraiment chez lui !

Un jeune homme de notre époque

On peut regretter que les réalisateurs de L’enfance d’un maître aient choisi de ne pas évoquer un épisode de la vie de Kalou Rinpoché qu’il a lui-même abordé en 2011 dans une vidéo toujours disponible sur Youtube : les abus sexuels subis de la part de moines plus âgés alors qu’il avait une douzaine d’années ainsi que les répercussions qu’ils ont eues sur son psychisme. Quant à ce que le bouddhisme peut apporter à la société, le film nous laisse un peu sur notre faim : s’il est dit que cette philosophie (ou cette religion !) cherche à changer la société, à l’améliorer, la seule « arme » qui est évoquée est celle de la compassion. Mais là, après tout, il s’agit sans doute plus d’une faiblesse du bouddhisme que d’un défaut inhérent au film. En tout cas, une certitude : Kalou Rinpoché est dépeint comme étant un jeune homme de notre époque, adepte des jeux vidéo et d’Internet, ayant pas mal d’humour et d’un abord sympathique.

Conclusion

Malgré quelques omissions, L’enfance d’un maître est un documentaire présentant un grand intérêt dans la mesure où l’homme qu’on suit sur 25 années, présenté dès sa naissance comme étant la réincarnation d’un lama bouddhiste et maître de méditation de grande réputation, s’avère être d’une grande lucidité sur sa condition personnelle et non seulement sur le bouddhisme mais aussi sur les autres croyances spirituelles.

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