Critique : Ida

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Ida

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Pologne : 2013
Titre original : –
Réalisateur : Pawel Pawlikowski
Scénario : Rebecca Lenkiewicz, Pawel Pawlikowski
Acteurs : Agata Trzebuchowska, Agata Kulesza, Dawid Ogrodnik
Distribution : Memento Films Distribution
Durée : 1h19
Genre : Drame
Date de sortie : 12 février 2014

                                            Note : 3/5

Avec Ida, son premier film polonais, le réalisateur Pawel Pawlikoswski, longtemps exilé,  livre un film  d’une épure  absolue et tout à fait déroutante.

Synopsis : Dans la Pologne des années 60, avant de prononcer ses vœux, Anna, jeune orpheline élevée au couvent, part à la rencontre de sa tante, seul membre de sa famille encore en vie. Elle découvre alors un sombre secret de famille datant de l’occupation nazie.

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L’une sait, l’autre pas mais toutes deux sont marquées

Filmé en un noir et blanc parfait, au plus près des visages, au plus près aussi de la campagne enneigée et glacée, Ida, c’est quelques jours de la vie d’une jeune novice, orpheline, qui rencontre pour la première fois sa tante, Wanda,  à la veille de prononcer ses vœux.

Anna n’a pas vraiment envie de cette rencontre en fait mais aurait bien quand même une question « pourquoi sa tante n’est-elle pas venue la chercher à l’orphelinat dans son enfance ». Elle n’obtient qu’une très laconique réponse « je n’ai pas pu, je n’ai pas voulu » et une surprenante révélation : elle s’appelle Ida et elle est juive.

Tout semble dit. Il n’y a ni explications, ni reproches et Ida  s’apprête à repartir. Sa tante hésite et finalement la retient au dernier moment.

Et c’est là que commence en quelque sorte le film. Ces deux femmes qui ne se connaissaient pas, ces deux femmes que tout oppose ou presque, cette jeune nonne qui n’a jamais vécu hors du couvent et cette femme mure, sensuelle, noyant dans l’alcool et les rencontres d’un soir le désespoir d’une vie qui a vu s’effriter dans les erreurs du stalinisme, les idéaux de ses combats de jeunesse vont au cours de ce road-movie sur les routes polonaises, se découvrir et dénouer le fil de leur histoire, tragique, douloureuse.

Wanda, magistrate qui a exercé les hautes fonctions  de procureur de la république dans les années 50, sait tout sur la disparition de sa famille pendant la guerre mais n’a volontairement jamais voulu s’y replonger. Pour Ida, elle va aller au bout,  jusqu’au lit d’hôpital du vieux paysan qui  avait caché ses parents, jusqu’à la tombe improvisée sur les lieux de leur exécution dans la forêt, jusqu’à recueillir dans ses mains les crânes de son enfant, de sa sœur pour les ensevelir dans la sépulture familiale.

Ce parcours, 20 ans après, est si violent pour elle qu’elle met fin à ces jours dans un suicide brutal, comme si, réveillée d’un long sommeil peuplé de cauchemars, son existence lui devenait absolument insupportable, comme si la vérité  révélée par les  ossements mis à nu lui était insoutenable.

Ida la suit dans cette quête, comme en dehors cependant, comme si cette histoire ne lui appartenait guère finalement. Elle n’est pas  compréhensive vis à vis des aventures de sa tante mais l’écoute toutefois.

A sa mort, elle passe une de ses robes, chausse ses escarpins à hauts talons, se pare de ses perles et vit sa première nuit avec un garçon (car comme lui a dit sa tante, il faut le faire avant de prononcer tes vœux sinon il n’y aurait pas de sacrifice).

Puis Ida revêt son manteau gris, se coiffe de son voile gris, prend sa valise et retourne au couvent. Suffisamment ébranlée pour retarder ses vœux mais pas assez pour sembler y renoncer à jamais.

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L’intime et l’Histoire

Déroutant ce film l’est car comme libéré de toute pathos émotionnel.

Pawlikoswki raconte des faits, des faits dramatiques, des faits douloureux, sans nous prendre à témoins, sans aussi que ces personnages ne mettent  en accusation ceux qui ont tué leur famille pour quelques terres et une vieille ferme.

Pawlikoswski ne réécrit pas l’histoire de la Pologne pendant la guerre. Il raconte une famille, il raconte une douleur, il raconte le regard peu amène sur les juifs. Il raconte la  vérité paradoxale de paysans suffisamment solidaires pour cacher leurs voisins juifs puis suffisamment envieux pour aller jusqu’au crime. Il montre sans condamner, sans juger. C’est presque un documentaire.

Bizarrement devant une telle histoire le spectateur n’a pas le cœur qui se serre, les tripes qui se tordent, l’œil qui se mouille. Et pourtant. Pourtant l’antisémitisme est là, pourtant la religion est interrogée, pourtant l’histoire rejaillit vingt ans plus tard sans troubler la conscience des bourreaux. 

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Résumé

C’est d’une précision, d’une quasi sécheresse, d’une simplicité suffisamment remarquables pour faire d’Ida un succès de bouche à oreille.

Il faut voir Ida et réfléchir sur la nature humaine. Nature qui se révèle à la jeune novice sans la toucher vraiment. Ida éloignée du monde depuis son enfance ne le rejoindra pas.

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