Critique Express : Kouté vwa

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Kouté vwa 

France, Belgique : 2024
Titre original : –
Réalisation : Maxime Jean-Baptiste
Scénario : Maxime Jean-Baptiste, Audrey Jean-Baptiste
Interprètes : Melrick Diomar, Nicole Diomar, Yannick Cébret
Distribution : Les Alchimistes
Durée : 1h16
Genre : Drame
Date de sortie : 16 juillet 2025

3.5/5

Synopsis : Melrick, un adolescent de 13 ans, passe ses vacances d’été chez sa grand-mère Nicole, à Cayenne, en Guyane. Sa présence et son désir d’apprendre à jouer du tambour fait resurgir le spectre de Lucas, le fils de Nicole, lui aussi tambouyé, mort dans des conditions tragiques 11 ans plus tôt. Confronté au deuil qui hante sa famille et au désir de vengeance du meilleur ami de Lucas, Melrick cherche sa propre voie vers le pardon.

La France compte 101 départements. Parmi ceux-ci, il y en a un dont on ne parle que très rarement : la Guyane. A de trop rares exceptions, telle La loi de la jungle de Antonin Peretjatko, le cinéma français ignore son existence. Au rayon musique, on retrouve la même ignorance : la Guadeloupe et la Martinique ont fait connaître le zouk dans le monde entier, et, même s’il est moins universellement répandu, le maloya de la Réunion est souvent présent sur les scènes de la France métropolitaine et ailleurs dans le monde ; par contre, le kasékò, la musique la plus emblématique de la Guyane, n’est connue que des guyanais et Josy Masse n’a jamais atteint de son vivant la réputation de Jocelyne Béroard. C’est donc avec un grand intérêt que l’on reçoit Kouté vwa, « écoutez les voix » en créole, le premier long métrage réalisé par Maxime Jean-Baptiste, né d’une mère originaire de la France métropolitaine et d’un père guyanais. Ce film, il en a écrit le scénario avec sa sœur Audrey et il a été particulièrement bien accueilli lors du dernier Festival de Locarno, en Août 2024. Considérant que la dimension tragique de l’histoire racontée serait plus facilement ressentie dans un registre narratif et que les personnages principaux seraient plus libres en étant conscients qu’ils jouaient un rôle,  Maxime et Audrey Jean-Baptiste ont choisi d’orienter leur film vers la fiction,  même si, très souvent, il s’apparente à un documentaire. Le personnage principal de l’histoire qu’il et elle racontent, on ne le verra qu’en photo et sur des fresques murales : il s’appelait Lucas Diomar et il est mort à 18 ans, poignardé dans la nuit du 10 au 11 mars 2012 en marge d’une fête d’anniversaire qui se déroulait dans la cité Mortin à Cayenne. Ce meurtre de Lucas Diomar, cousin de Maxime et de Audrey Jean-Baptiste, a profondément marqué la Guyane, dont une partie importante de la population ne supporte plus la violence trop souvent présente dans ce département. Depuis ce mois de mars 2012, de nombreuses marches blanches à la mémoire de Lucas se sont déroulées et des associations se sont crées.

Si le fantôme de Lucas Diomar hante le film du début jusqu’à la fin, 3 personnages bien vivants et représentant 3 générations différentes interprètent des rôles très proches de leur propre existence. Le premier que l’on rencontre, c’est Melrick, 13 ans, vivant à Stains en Seine-Saint-Denis avec sa mère, et il est venu passer les vacances de l’été 2023 chez sa grand-mère Nicole, la mère de Lucas. En fait, Kouté vwa peut être considéré comme étant le récit d’apprentissage de cet adolescent, un récit d’apprentissage qui se déroule dans l’ombre de son oncle Lucas : tout à la joie de retrouver ses racines, de pouvoir jouer au foot pieds nus, la nuit comme le jour, Melrick se met en tête de devenir tambouyé comme l’était Lucas, avec le rêve d’intégrer le groupe de rue Mayouri Tchô Neg, dont Lucas faisait partie, et va même jusqu’à imaginer ne pas rentrer en métropole pour la rentrée scolaire et rester auprès de Nicole, avec qui l’entente est parfaite. Concernant les meurtriers de Lucas, va-t-il, comme sa grand-mère a réussi finalement à le faire, réussir à adopter la philosophie du pardon ou bien sera-t-il comme Yannick, le 3ème personnage, le meilleur ami de Lucas, lui-même blessé en essayant de le défendre, enfermé dans un éternel désir de vengeance ? A lui tout seul, Kouté vwa ne peut pas arriver à être exhaustif sur ce qu’est la vie dans ce département français qui a pour nom la Guyane, mais il a l’énorme mérite de présenter, avec de très belles images, des personnages très attachants de ce territoire et de proposer deux scènes particulièrement fortes et émouvantes qui restent gravées dans la mémoire bien longtemps après la fin du film : ce que dit la sœur de Lucas face à un micro pour stigmatiser la violence en revendiquant que, dans les cités, on arrête de vouloir à tout prix marquer son territoire ; le discours tenu par Nicole, où, tout en conduisant sa voiture, elle explique à Melrick comment elle est passée d’un désir de vengeance à la philosophie du pardon.

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