Critique : Truth Le Prix de la vérité

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Truth Le Prix de la vérité

Etats-Unis, 2015
Titre original : Truth
Réalisateur : James Vanderbilt
Scénario : James Vanderbilt, d’après un livre de Mary Mapes
Acteurs : Cate Blanchett, Robert Redford, Topher Grace, Dennis Quaid
Distribution : Warner Bros.
Durée : 2h06
Genre : Thriller médiatique
Date de sortie : 6 avril 2016

Note : 2,5/5

Deux films sortis aux Etats-Unis à la fin de l’année dernière ont traité de front des affaires récentes, qui mettent en lumière l’état actuel du journalisme américain. Il y est question de la responsabilité morale des membres de la presse d’investigation, ainsi que de leurs méthodes de travail pas toujours entièrement respectueuses de leur déontologie. D’un côté, Spotlight évoque assez sobrement, sans trop d’empathie émotionnelle, la lutte d’un groupe de journalistes de la presse écrite de Boston afin de dévoiler un scandale de pédophilie au sein de l’église catholique. Et de l’autre, Truth Le Prix de la vérité se penche sur une émission de télé qui aurait dû avoir l’effet d’une bombe et mettre en péril l’élection du président George W. Bush pour un deuxième mandat, avant de se retourner au contraire contre les hommes et les femmes dont le mode d’enquête avait montré certaines failles. Tandis que le film de Tom McCarthy avait sagement caressé toutes les sensibilités dans le sens du poil, jusqu’à décrocher in extremis le trophée suprême du consensus qu’est l’Oscar du Meilleur Film, celui de James Vanderbilt s’engage corps et âme dans un combat en faveur de la curiosité insatiable et de l’indépendance indiscutable de la presse pour un résultat sensiblement moins réussi d’un point de vue formel. Ce qui ne signifie pas forcément que nous sommes insensibles à son approche certes excessive, quoique en même temps animée par un idéalisme devenu hélas caduc à notre époque où « information » doit obligatoirement rimer avec « divertissement ».

Synopsis : En 2004, la productrice Mary Mapes soumet à ses supérieurs de la chaîne CBS un nouveau projet pour l’émission phare 60 minutes. Elle a entendu des rumeurs sur le service militaire peu glorieux de l’actuel président américain, en pleine campagne pour se faire réélire. Alors que son équipe d’enquêteurs piétine d’abord faute d’informations fiables et pertinentes, l’apparition de deux textes compromettants accélère considérablement la production de l’émission animée par le présentateur vedette Dan Rather. Après le passage à l’antenne, de sérieux doutes font pourtant surface quant à l’authenticité des pièces maîtresses de la charge politique menée par Mapes. Dès lors, la productrice devra se défendre bec et ongles contre les accusations de manipulation, qui vont jusqu’à éclabousser la réputation sans faille de Dan Rather.

Vérité et mensonges

Malgré un nombre conséquent de bonnes intentions, Truth Le Prix de la vérité est un film qui ne sait pas vraiment où il veut en venir. Alors que le cœur de l’intrigue nous est présenté par le biais d’un récit cadre peu adroit, le dernier tiers du film adopte un ton lourdement sermonneur qui est sans doute censé rétablir l’intégrité morale des personnages pris en flagrant délit d’amateurisme. Or, même les gros sabots de la supériorité idéologique que Mary Mapes enfile pour son ultime coup libérateur peinent à rendre le propos du film plus convaincant. L’enjeu principal de l’intrigue reste en effet fâcheusement flou, puisque ceux et celles qui ont pour habitude de dévoiler la vérité se trouvent impliqués eux-mêmes dans un procès d’intentions bien trop complexe pour être traité avec le recul nécessaire par la narration plutôt manichéenne et expéditive. En cela, ce thriller médiatique épouse avec un empressement quasiment caricatural l’état d’esprit engagé de ses prédécesseurs d’il y a trente ou quarante ans. Sauf que la façon de faire des films chargés d’un tel bagage moral est devenue malgré tout plus subtile depuis. Le spectateur d’aujourd’hui ne devrait plus se laisser berner par quelques revirements poussifs et des signes évidents d’une manipulation tendancieuse sans fondement crédible.

A qui mieux mieux

En somme, James Vanderbilt cherche à nous assommer de plus en plus avec son interprétation partiale des faits, pendant que ces derniers auraient mérité une mise en abîme dépourvue de préconçus inamovibles. Son pire allié dans cette opération de séduction au forceps reste la bande originale atrocement pompeuse de Brian Tyler. Quant à l’interprétation, elle ne se montre pas complètement démunie, lorsqu’il s’agit de traduire la perte de repères de ces journalistes qui se croyaient infaillibles. Ce sont notamment les échanges entre les deux têtes d’affiche, Cate Blanchett et Robert Redford, qui peuvent parfois subjuguer par leur alternance touchante entre la complicité et le malaise. Les seconds rôles trouvent par contre trop souvent un prétexte au cabotinage dans les tirades en faveur de l’agenda politique du film, jamais plus flagrant que lors du règlement de compte du personnage interprété par Topher Grace avant qu’il ne soit jeté dehors. Seule l’action annexe autour du vieux militaire, qui devrait a priori être la source de tout le mal, ainsi que l’unique instant d’indignation sincère du film de la part de sa femme – joués respectivement et sans prétention par Stacy Keach et Noni Hazelhurst – nous laissent supposer qu’une vision moins superficielle et platement subjective de ce scandale principalement américain aurait pu être possible.

Conclusion

Quand le rêve d’influer en bien sur l’avenir de son pays se transforme soudainement en cauchemar du bouc émissaire de toute une profession, il aurait fallu une écriture plus subtile que celle de James Vanderbilt pour en tenir compte au cinéma. Truth Le Prix de la vérité pourrait éventuellement intriguer par ses défauts, dont la plupart sont probablement nés de la bonne volonté du réalisateur débutant, s’ils ne finissaient pas par plomber le film dans son ensemble avec des émotions plus grandes que nature, assenées sans le moindre discernement.

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