Critique : The Visit

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The Visit

Etats-Unis, 2015
Titre original : The Visit
Réalisateur : M. Night Shyamalan
Scénario : M. Night Shyamalan
Acteurs : Olivia Dejonge, Ed Oxenbould, Deanna Dunagan, Peter McRobbie
Distribution : Universal Pictures International
Durée : 1h34
Genre : Horreur
Date de sortie : 7 octobre 2015

Note : 2,5/5

Le processus de réhabilitation cinématographique n’en est qu’à ses débuts pour M. Night Shyamalan. Après avoir terrifié le monde entier au tournant du siècle, le réalisateur a en effet progressivement dilapidé son capital de sympathie, en enchaînant les bides commerciaux et artistiques. Surtout ses derniers films avaient montré à quel point Shyamalan était en panne d’inspiration, recyclant encore et encore sa recette fatiguée du retournement surprise, qui permet de voir l’intrigue in extremis d’un point de vue complètement différent. Il y a toujours un peu de cela dans ce film d’horreur plutôt basique. The Visit fait preuve d’une certaine efficacité, tout en se conformant jusqu’à l’ennui aux dispositifs formels à la mode. Le choix de la caméra pratiquement subjective pour faciliter l’immersion dans l’horreur commence en effet à sérieusement nous agacer ou en tout cas à susciter des réserves majeures, que seuls des films aussi percutants que le premier REC ou The Descent étaient en mesure de dissiper. Ici, le cadre du faux documentaire familial est hélas rendu encore plus pesant par l’approche névrosée des personnages adolescents.

Synopsis : Becca et son frère cadet Tyler vont pour la première fois rendre visite à leurs grands-parents. Séparée depuis un certain temps de leur père, qui a refait sa vie avec une autre femme, leur mère avait quitté la maison de ses parents à l’âge de 19 ans et n’a que récemment repris contact avec eux. Elle laisse partir ses enfants à contrecœur, même si leur séjour à la campagne lui permettra de partir en croisière avec son nouvel amant. Becca tiendra compte de cette rencontre tardive avec ses grands-parents à travers un film de famille qu’elle montera au fil des jours. Les enfants sont chaleureusement accueillis par leur mémé et leur pépé, qui sont ravis de les rencontrer enfin. Or, à la tombée de la nuit, des choses étranges se passent à la ferme reculée des grands-parents. Leurs petits-enfants croient d’abord qu’il s’agit seulement de soucis de vieilles personnes. Mais chaque soir, le niveau de la terreur monte d’un cran.

Je vois un style de cinéma mort

Le désenchantement est quasiment immédiat au début de The Visit : on s’était permis de rêver que la forme narrative inventée jadis par Le Projet Blair Witch avait perdu de sa superbe au bout d’une vingtaine d’années d’existence et qu’elle n’était plus réanimée que dans le cadre de films indépendants tournés avec trois bouts de ficelle. Car même des univers horrifiques aussi peu originaux que celui de Sinister ont su détourner ce cadre contraignant pour en tirer autre chose que de sempiternels sursauts répétitifs. Certes, la qualité de l’image n’a plus rien à envier aux cadrages professionnels et sa texture n’agresse plus en permanence l’œil du spectateur. Mais les obligations narratives n’ont pas pour autant disparu, puisque le tri entre ce qui est montré et ce qui est omis s’opère toujours aussi stoïquement. La prétention de Becca, une réalisatrice en herbe d’ores et déjà soumise à un raisonnement intellectuel dépourvu de la moindre spontanéité, ne fait alors qu’encombrer davantage le dispositif. Et ce ne sont certainement pas les interventions de son petit frère, un rappeur misogyne et maniaque, qui rendront le contexte formel plus respirable.

Pépé incontinent, mémé somnambule

Du côté du fond, notre constat s’avère un peu moins désabusé. L’originalité y est une fois de plus aux abonnés absents, mais la montée de la terreur est agencée avec un certain savoir-faire filmique. Les moments d’horreur alternent ainsi avec des instants d’une accalmie trompeuse, comme s’il existait une explication raisonnable pour le comportement parfois étrange des grands-parents. Bien sûr, la révélation finale sort tout droit de la caisse d’outils dramatiques maintes fois sollicitée par le réalisateur. Mais en faisant en fin de compte abstraction de tout aspect surnaturel, M. Night Shyamalan réserve au spectateur une conclusion plus rassurante que celles de films d’horreur semblables, la série des Paranormal activity en tête. Il n’empêche que notre degré d’inquiétude n’est monté à aucun moment jusqu’à l’insoutenable, entre autres à cause de l’aspect peu avenant des enfants protagonistes. Face à ces adolescents traumatisés par le divorce de leurs parents, leurs aînés feraient presque pitié, avec leurs gentillesse sirupeuse qui cache à première vue le malaise qu’inspire la distance entre leurs générations respectives. Au moins à ce niveau-là, The Visit fait preuve d’une subtilité toute relative, hélas anéantie sans appel par les détails plus scatologiques du récit.

Conclusion

Après avoir raté ses trois derniers films prestigieux, M. Night Shyamalan recommence – de gré ou de force – tout en bas de l’échelle hollywoodienne. Ce film d’horreur très moyen, sans acteurs de renom, ni signes distinctifs particuliers, ne devrait pas lui permettre de redorer son blason outre mesure. Il pourrait toutefois lui ouvrir une voie de carrière, pour laquelle il était peut-être prédestiné depuis le début : celle d’un réalisateur de films de genre à peu près solides mais oubliables, qui avait su berner le public avec ses deux, trois coups d’éclat initiaux.

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