Bergamo Film Meeting 2018 : Mobile homes

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Mobile homes

Canada, France, 2017
Titre original : Mobile homes
Réalisateur : Vladimir De Fontenay
Scénario : Vladimir De Fontenay
Acteurs : Imogen Poots, Callum Turner, Callum Keith Rennie, Frank Oulton
Distribution : Nour Films
Durée : 1h45
Genre : Drame
Date de sortie : 4 avril 2018

Note : 3/5

Présenté initialement à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes et actuellement en compétition au Festival de Bergame, ce film canadien flirte constamment avec un misérabilisme à l’état pur. Aucun espoir de rédemption ou d’ascension sociale n’y paraît rythmer un quotidien entièrement marginal, où le processus d’éducation de mère en fils consiste dans le meilleur des cas à apprendre comment commettre une filouterie alimentaire sans se faire prendre. Non, il n’y a décidément rien d’édifiant à tirer de Mobile homes ! Et pourtant, le réalisateur Vladimir De Fontenay réussit à mettre en avant le seul et unique aspect tant soit peu touchant dans ce marasme ambiant d’une précarité sans issue : le lien plus fort que toutes les galères et autres choix déraisonnables entre cette mère, qui est elle-même encore presque un enfant, et son fils qui, lui, doit au contraire grandir plus vite, afin de pouvoir subsister dans son environnement de petite délinquance. Grâce à cette relation privilégiée, aussi instinctive que conflictuelle, le bagage du commentaire social avec lequel le récit a parfois tendance à s’encombrer est suffisamment atténué pour ne laisser en fin de compte que ce bel attachement parental à fleur de peau.

Synopsis : Ali et Evan forment un couple fusionnel, dans lequel il n’y a pas toujours de la place pour Bone, le fils âgé de huit ans de la jeune femme. Sa mère essaie même sans succès de le placer en foyer, le temps qu’elle effectue avec son compagnon une dernière série de combines, qui leur permettra d’acheter enfin leur propre maison. Quand Evan confie des missions criminelles de plus en plus dangereuses à celui qu’il considère comme son fils adoptif, Ali préfère prendre ses distances. Elle espère pouvoir repartir de zéro dans un village de maisons préfabriquées, géré par Robert.

Du coq à la pomme rouge

L’intensité ne fait certainement pas défaut à Mobile homes, un film qui s’évertue à montrer jusqu’au moindre détail la face peu séduisante de la civilisation nord-américaine. Entre des combats clandestins de coqs, la revente de produits plus ou moins illicites, une sexualité disons épanouie et plus globalement un vagabondage qui a tout de l’instabilité existentielle d’habitude associée à des voyous sans envergure, rêvant de choses qu’ils ne posséderont jamais, ce n’est vraiment pas l’environnement adéquat pour élever un enfant. La réaction la plus compréhensible à avoir face à cette proposition de vie dépourvue de perspectives serait la fugue. Bone se lance certes à plusieurs reprises dans ce mouvement de fuite, mais la nature de ce dernier relève davantage du jeu de cache-cache ou bien de la quête d’un cadre de vie moins marqué par une hostilité imprévisible que de la volonté de couper définitivement les ponts avec sa mère déboussolée. En tant que personnage en quelque sorte sans queue, ni tête, pris au piège d’un mouvement cyclique sous forme de cercle vicieux, où chaque décision à peu près prometteuse d’un avenir moins bordélique est suivie par un retour aux vieilles habitudes destructrices, il s’inscrit alors parfaitement dans le projet dramatique de l’observation volontairement impuissante d’un état de stagnation aux résultats néfastes.

Points de suture sans anesthésie

La seule à pouvoir renverser en théorie le statu quo tout à fait sinistre serait la mère, interprétée avec une sensibilité à cran par Imogen Poots. Sauf qu’elle aussi manque du discernement et de la détermination indispensables pour inverser la spirale de la violence, qui l’attire vers le bas, soit à cause de l’influence criminelle exercée par Evan, soit parce qu’elle n’a visiblement jamais opté pour autre chose que le moindre mal dans son rôle de mère facilement dépassée par les événements. Or, la narration sait par intermittences mettre l’accent sur ce dilemme de parent indigne avec une subtilité que l’on ne trouve hélas que rarement dans le vocabulaire cinématographique du film. Car pour chaque moment de vérité, déchirant justement parce qu’il n’a guère besoin d’effusion de paroles ou de larmes pour signifier à quel point Ali souffre des manquements manifestes dans ses responsabilités maternelles, nous avons également droit à des séquences plus bancales, qui sont sans doute censées concrétiser le profil artistique du film, mais qui courent souvent le risque de traduire la noirceur de son propos social par le biais d’une esthétique trop voyante. En somme, l’expérience de spectateur s’apparente donc ici au parcours des personnages, à savoir une course à la topographie de montagne russe, aux nombreux sommets et fossés, dont le ressenti final demeure simultanément intense et creux.

Conclusion

Quelle drôle de coïncidence de l’expérience de festivalier italien de commencer notre deuxième séjour à Bergame avec un film à la thématique pas incompatible avec celle du dernier film que nous y avions vu l’année dernière, Waldstille de Martijn Maria Smits ! Dans les deux films, il est question du rapport difficile entre un père et sa fille, côté néerlandais, ainsi qu’entre une mère et son fils, côté canadien. Au moins, Mobile homes dispose de quelques arguments supplémentaires pour nous impliquer dans son histoire, qui peut à première vue bien sentir le misérabilisme excessif, mais qui a su se racheter malgré tout par la sincérité sans fard avec laquelle elle explore l’amour mis à rude épreuve entre Ali et Bone.

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