Critique : Marie Heurtin

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affiche marie heurtinMarie Heurtin

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Jean-Pierre Améris
Scénario : Jean-Pierre Améris, Philippe Blasband
Acteurs : Isabelle Carré, Ariana Rivoire, Brigitte Catillon
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h38
Genre : Biopic, drame
Date de sortie : 12 novembre 2014

Note : 4/5

Jean-Pierre Améris fait partie de ces réalisateurs dont on parle peu mais qui, film après film, sont arrivés à créer une œuvre. Marie Heurtin est son 9ème long métrage de cinéma. Comme c’est toujours le cas chez lui, ce film a fait l’objet d’une importante recherche documentaire. On notera que ce film qui nous raconte l’histoire d’une jeune adolescente à la fois sourde et aveugle sera partout projeté avec des sous-titres et projeté en audio-description pour les aveugles dans toutes les salles équipées.

Synopsis :  Cette histoire est inspirée de faits réels qui se sont déroulés en France à la fin du 19ème siècle.
Née sourde et aveugle, Marie Heurtin, âgée de 14 ans, est incapable de communiquer avec le reste du monde.
Son père, modeste artisan, ne peut se résoudre à la faire interner dans un asile comme le lui conseille un médecin qui la juge « débile ».
En désespoir de cause, il se rend à l’institut de Larnay, près de Poitiers, où des religieuses prennent en charge des jeunes filles sourdes.
Malgré le scepticisme  de la Mère supérieure, une jeune  religieuse, Sœur Marguerite, se fait  fort de s’occuper du « petit animal sauvage » qu’est Marie et de tout faire pour la sortir de sa nuit…

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Un intérêt qui ne date pas d’hier

C’est en découvrant cette difficile réalité avec Miracle en Alabama, le film d’Arthur Penn consacré à l’histoire d’Helen Keller et de sa gouvernante, que Jean-Pierre Améris, alors adolescent, a commencé à s’intéresser à ce que pouvait être la vie de personnes à la fois sourdes et aveugles. Un intérêt qui l’a poussé à souhaiter porter lui-même cette même histoire sur grand écran. Les droits faramineux qu’il aurait eu à payer l’en ont dissuadé mais les recherches qu’il a alors menées l’ont conduit vers un cas à la fois « made in France » et antérieur à celui d’Helen Keller, celui de Marie Heurtin. Grâce à l’insistance de soeur Marguerite, d’une des sœurs de l’institution, cette adolescente sourde et aveugle de naissance a pu rejoindre l’institut des sourdes-muettes de Larnay, un lieu permettant la scolarisation, par les religieuses de la congrégation des « Filles de la Sagesse », des petites filles sourdes et muettes de la région de Poitiers. Le film nous raconte l’histoire de cette relation entre Marie Heurtin et sœur Marguerite.

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La mission d’une vie

Lorsque les parents de Marie Heurtin amènent pour la première fois leur fille à l’institution, celle ci se conduit comme un animal sauvage qu’on voudrait enfermer, refusant d’être prise en charge par les sœurs, piétinant le potager et, malgré sa cécité, arrivant à se réfugier dans un arbre. Presque aussitôt, une des sœurs, sœur Marguerite, sent naître en elle un attachement très fort pour cet être à qui le malheur qu’elle vit quotidiennement donne détermination et force. Alors que la mère supérieure n’entrevoit que les difficultés qu’il y aurait à intégrer cette adolescente à la fois sourde et aveugle parmi d’autres adolescentes qui ne sont que sourdes (!), cette jeune sœur, consciente que la tuberculose dont elle atteinte ne lui laisse que peu de temps à vivre, se persuade très vite que, dorénavant, sa mission sur terre va consister à dompter cette tempête, à apprendre à Marie la communication avec les autres, à faire de Marie un être ayant toute sa place dans la société. Marguerite s’est persuadée très vite, elle arrive, avec toute son obstination, difficilement, à convaincre la mère supérieure. Spontanément, sans avoir appris de méthode particulière, sœur Marguerite va trouver elle-même les clés, psychologiques et techniques, qui vont lui permettre d’arriver à ses fins.

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Du talent + du talent = une belle réussite

Bien sûr, il n’est pas interdit aux spectateurs d’avoir quelques a priori négatifs face au sujet traité par ce film : « cela va être dégoulinant de bons sentiments » ou bien « cela va être totalement ennuyeux » sans oublier « cela va baigner dans le religiosité, gare à la crise de foi ». Erreurs ! Grâce au talent de Jean-Pierre Améris, Marie Heurtin ne souffre d’aucuns des défauts qu’a priori, on pouvait craindre. S’il sait faire naître l’émotion, le réalisateur y arrive sans embourber son film dans le pathos. Mieux : bien souvent, il fait éclore cette émotion dans la rudesse, dans l’affrontement. Plus le film avance, plus on se se passionne pour ce combat vital mené par sœur Marguerite. Quant aux craintes concernant un éventuel abus de religiosité, elles ne sont pas du tout fondées, quand bien même l’action du film se déroule dans une institution religieuse, comme les faits réels l’ayant inspirée.
Pour interpréter le rôle de sœur Marguerite, Jean-Pierre Améris a fait appel à Isabelle Carré, une comédienne qu’il connaît bien puisque Marie Heurtin est leur 3ème film commun. Bonne pioche : la comédienne, particulièrement lumineuse, y dévoile des qualités qu’on ne soupçonnait pas forcément dans un rôle réclamant obstination, force et détermination. Très professionnelle, elle s’est totalement investie dans le rôle au point de consacrer 6 mois à l’apprentissage du langage des signes. Quant à la remarquable Ariana Rivoire, qui joue le rôle de Marie, on croit à son personnage du début à la fin, même si elle n’est pas aveugle dans la vraie vie : elle n’est, si on peut dire, que sourde de naissance !

Résumé

Primé dans une section parallèle au dernier Festival de Locarno, Marie Heurtin peut, par son sujet, faire penser à L’enfant sauvage de François Truffaut. Marie Heurtin montre sans pathos, avec beaucoup de force et de tact, la patience qu’il a fallu pour d’abord dompter ce petit animal sauvage qu’était Marie à son arrivée à Larnay, puis lui apprendre la langue des signes, en commençant par des objets de la vie quotidienne et en arrivant, in fine, à la faire entrer dans le monde de l’abstraction. Film sur la 2ème naissance d’un être ayant cumulé les handicaps à la naissance, Marie Heurtin est aussi un film sur les victoires qu’on peut obtenir si on allie détermination, obstination, patience et générosité.

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