Critique : Love Simon

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Love Simon

États-Unis, 2018
Titre original : Love Simon
Réalisateur : Greg Berlanti
Scénario : Elizabeth Berger & Isaac Aptaker, d’après un roman de Becky Albertalli
Acteurs : Nick Robinson, Jennifer Garner, Josh Duhamel, Katherine Langford
Distribution : 20th Century Fox France
Durée : 1h50
Genre : Drame d’adolescents
Date de sortie : 27 juin 2018

Note : 3,5/5

Peu importe l’époque, faire son coming out n’a jamais été une mince affaire. Même de nos jours, alors que la perception publique de l’homosexualité a déjà parcouru un chemin considérable vers la normalité – en tout cas dans la plupart des pays occidentaux –, il persiste toujours quelque chose de pénible, voire de brutal à révéler cet aspect de son intimité qui créera une différence parfois insurmontable ou inacceptable. Tout soutien d’ordre moral, social ou culturel est donc le bienvenu, tant que la qualité intrinsèque du résultat final est tant soit peu garantie. Pour Love Simon, l’un des premiers films sur le sujet à être produit par un grand studio hollywoodien, face à une activité abondante dans le domaine du côté du cinéma américain indépendant, le constat pourrait être mitigé, tant le propos n’y cherche à offusquer personne et à résoudre in extremis les soucis passagers que le protagoniste rencontre dans son univers globalement préservé, grâce à une pirouette finale passablement édulcorée. L’essentiel est néanmoins là : un regard sans trop de préjugés sur les difficultés en tant qu’adolescent gay de trouver sa place dans un monde potentiellement hostile, ne serait-ce que depuis le point de vue terrifié de celui ou de celle qui devra en premier lieu surmonter sa propre homophobie intériorisée. En somme, le film de Greg Berlanti a peut-être choisi une voie un peu trop optimiste et consensuelle pour en faire une publicité percutante en faveur d’une association comme le Refuge, qui accueille en France de jeunes homosexuels chassés de chez eux. Il décrit par contre avec sérieux, empathie et un sens aigu des moyens de communication contemporains les différents stades, plus éprouvants les uns que les autres, qu’il est nécessaire de traverser avant de pouvoir prétendre à sortir fièrement du placard.

Synopsis : En apparence, Simon Spier est un adolescent parfaitement épanoui, puisqu’il s’entend à merveille avec ses parents, sa sœur et ses amis. Or, Simon garde un lourd secret qu’il n’a jusqu’à présent partagé avec personne. Quelques mois avant le bac, un message laissé sur le réseau social de son lycée fait l’effet d’une bombe. Un certain Blue s’y déclare gay et exprime son malaise à assumer son orientation sexuelle. Simon échange alors quelques messages avec ce frère de misère énigmatique, sans pour autant oser encore franchir le pas et annoncer à son entourage que lui aussi est gay.

It gets better

Comment faire dans l’originalité pour traiter un sujet que le cinéma gay plus ou moins engagé a déjà fait sien depuis plus de trente ans ? Love Simon ne semble pas vraiment s’être posé cette question, ou plutôt, la finalité de son propos consiste à promouvoir le consensus, c’est-à-dire à souligner les aléas du coming out tout en insistant sur le fait qu’il n’y a pas non plus de quoi en faire tout un plat. Le regard mélancolique de Nick Robinson, qui joue Simon avec juste ce qu’il faut d’innocence juvénile malmenée par des événements hors de sa portée, donne ainsi d’emblée le ton à une intrigue truffée de revirements. Car il est moins question ici de la réaction peu compréhensive des proches du personnage principal, pris en plein dilemme existentiel, que de la réticence de ce dernier à suivre l’exemple plus ou moins courageux de ses prédécesseurs officieux. Un nombre conséquent de facettes entre en effet en jeu pour motiver la démarche pas toujours très franche de la part de Simon, avant le grand coup libérateur final. Outre la peur bleue de devoir tôt ou tard dévoiler son secret, ce sont des observations succinctes, quoique porteuses d’une vérité hélas universelle, telles que la place du « pédé de service » du lycée déjà prise par quelqu’un beaucoup plus flamboyant que notre futur gendre idéal, les blagues passablement homophobes de son père et surtout l’indicible solitude tout en maintenant les apparences, qui rendent le quotidien de Simon infernal. Le scénario y ajoute de surcroît une sinistre histoire de chantage, de quoi mener définitivement notre cher héros aux abois.

La grande roue des sentiments

Et pourtant, dans ce marasme inhérent au moment charnier dans la vie de tout jeune homosexuel assez téméraire pour s’assumer tel qu’il est, il y a suffisamment d’espoir et de confiance pour atteindre une forme d’équilibre pour le moins satisfaisante entre le mélodrame sirupeux et la tragédie. Le récit se garde en grande partie de présenter une solution miracle à ce défi, que de plus en plus de civilisations abordent désormais sans œillères idéologiques. Le labyrinthe des déceptions, nées de suppositions erronées, s’épaissit au contraire, au fur et à mesure que Simon s’emballe dans son échange épistolaire de l’ère numérique. Le dispositif narratif d’imaginer dans les situations évoquées son correspondant présumé, qui change chaque fois en fonction des maigres indices laissés dans les mails, ne compte alors pas parmi les points forts de la mise en scène, pas davantage que du côté du scénario quelques tentatives comiques bâclées, véhiculées par les personnages agaçants du proviseur et du maître chanteur. De même, le choix de laisser le personnage principal vierge de tout trait de caractère particulier, à l’exception de ses goûts musicaux et bien entendu de sa volonté de vivre enfin pleinement son homosexualité, peut être interprété comme la volonté forcée de l’ériger en exemple caricatural, en vaisseau par défaut, prêt à accueillir tout le mal-être des jeunes gays américains issus de la classe moyenne. Il n’en demeure pas moins que Love Simon évite les excès trop préjudiciables pour discréditer son propos, qu’il traite autant des affres de l’isolement affectif qui peuvent hélas mener jusqu’au suicide, mais sans en arriver jusqu’à ces extrêmes morbides, que de l’utopie de normalité, qui s’avère être pour une minorité chanceuse de plus en plus proche de la réalité, où une relation gaie entre ados ne gênerait plus personne.

Conclusion

Le jour où l’on a fait son coming out, cela ne s’oublie pas. Pour tous ceux et toutes celles, qui n’en sont pas encore là, qui sont paralysés par la crainte du rejet, Love Simon représente en quelque sorte un formidable encouragement de ne pas se laisser faire, de prendre son courage à bras-le-corps afin de choisir soi-même les circonstances de ce moment clé de la constitution de sa propre identité gaie ! Il ne s’agit certainement pas d’un film parfait, susceptible de révolutionner le cinéma gay actuellement pris au piège du cercle vicieux de la répétition bien-pensante. Cependant, nous ne pouvons que vous encourager vivement à vous laisser subjuguer par son message doux en faveur d’une véritable tolérance à l’égard de la communauté gaie, peu importe l’âge de ses membres.

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