Critique : L’Odyssée de Charles Lindbergh

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L’Odyssée de Charles Lindbergh

États-Unis, 1957

Titre original : The Spirit of St. Louis

Réalisateur : Billy Wilder

Scénario : Billy Wilder, Wendell Mayes et Charles Lederer, d’après le livre de Charles Lindbergh

Acteurs : James Stewart, Murray Hamilton, Patricia Smith, Bartlett Robinson

Distribution : Warner Bros.

Durée : 2h15

Genre : Biographie filmique

Date de sortie : 31 mai 1957

3/5

De nos jours, l’aviation n’a plus trop de secrets pour l’humanité, avec pour seuls enjeux restants de simples questions commerciales de durée du vol et de coûts. La frontière contemporaine se trouve ailleurs, dans l’espace plus ou moins lointain, pour les touristes fortunés quelque part entre la Terre et la lune et pour les scientifiques dans une mission de plus en plus faisable et donc probable vers la planète Mars. Il y a un peu moins d’un siècle, notre propre planète à nous semblait encore immense, puisque les moyens de locomotion les plus répandus étaient terrestres, sans commune mesure avec les trains à grande vitesse qui sillonnent à présent les continents dans des délais raisonnables. Si tout n’a pas changé du jour au lendemain grâce au vol transatlantique de Charles Lindbergh en 1927, cet exploit a néanmoins fait date dans la longue Historie humaine des récits héroïques. Comme à son habitude, encore davantage hier qu’aujourd’hui, le cinéma hollywoodien n’a pas su s’empêcher de l’adapter à sa manière, c’est-à-dire à travers un film au propos plutôt réducteur, quoique pas non plus simpliste. L’Odyssée de Charles Lindbergh n’a finalement marqué ni la filmographie de Billy Wilder, ni celle de James Stewart. Il reste toutefois une épopée solide, à la gloire de ces hommes et de ces femmes – Amelia de Mira Nair avec Hilary Swank dans le rôle d’Amelia Earheart ne s’en était pas sorti mieux récemment dans l’hommage rendu aux fous furieux des airs – qui ont suivi coûte que coûte leur objectif visionnaire.

© Warner Bros. Tous droits réservés

Synopsis : En mai 1927, l’ancien pilote de l’aéropostale Charles Lindbergh attend avec impatience à l’aéroport de New York que la pluie cesse, afin de pouvoir entamer son vol transatlantique jusqu’au Bourget près de Paris, à bord de son avion Spirit of St. Louis, spécialement conçu pour l’occasion. Ce serait l’accomplissement suprême des ambitions de ce passionné d’aviation, habitué aux conditions de vol les plus extrêmes.

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L’esprit de conquête

En 1957, trente ans après la traversée historique, les détails de cette dernière étaient sans doute encore bien présents dans la conscience collective, tellement celle-ci avait été marquée par l’aventure de Charles Lindbergh. C’est ainsi que s’explique a priori le texte placé en exergue du film, qui lui enlève d’emblée tout suspense, sa raison d’être devenant alors la célébration par voie cinématographique d’une étape majeure dans l’aviation. Un exemple comparable, plus proche de nous, pour ce type de narration commémorative serait First Man Le Premier homme sur la lune de Damien Chazelle, qui mettait en scène sur le même ton solennel et selon les mêmes grandes lignes de découpage scénaristique les préparatifs, puis le voyage spatial de la mission Apollo 11. Ici, le récit s’agence autour de plusieurs retours en arrière, de longueur variable et plus ou moins pertinents dans l’encadrement d’un événement, dont l’une des caractéristiques principales était la solitude absolue pendant des heures de l’aviateur au dessus de l’Atlantique. La répartition de l’intrigue en deux volets distincts, d’abord la chasse fiévreuse aux investisseurs et l’inquiétude de voir anéantis tous les efforts consentis par des concurrents prêts plus tôt / le long vol avec ses aléas de navigation et de fatigue accumulée ensuite, lui confère certes une allure romanesque toute relative. Elle garantit par contre aussi une facture académique au récit, qui fait de L’Odyssée de Charles Lindbergh l’un des films les moins formellement passionnants de son réalisateur.

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Comme un avion

Car au fond, il s’agit d’une drôle de biographie filmique, avec le personnage mythique de Lindbergh comme seul et unique point de référence et d’identification. Sauf que James Stewart, à l’époque proche de la cinquantaine, était d’ores et déjà trop vieux pour interpréter d’une façon crédible le célèbre explorateur des airs alors âgé de vingt-cinq ans et que celui-ci y est dépeint comme un fanatique à la personnalité peu sociable. L’emploi récurrent de la voix off pendant la traversée – le protagoniste ayant préféré se passer d’une radio pour limiter le poids de son avion, quitte à se retrouver avec une mouche comme seul interlocuteur d’une conversation à sens unique – le rend ainsi faussement loquace, puisque ses échanges avec les autres personnages se résument dans l’ensemble à quelques remarques caustiques, toujours en rapport avec son obsession dévorante pour le monde de l’aviation. Le seul autre acteur à peu près connu du film, Murray Hamilton, n’apparaît par conséquent que dans une séquence assez courte, en guise d’illustration de la camaraderie entre pilotes par vocation, Lindbergh n’ayant apparemment aucune vie privée à part. Il appartient alors à la musique de Franz Waxman de rendre expressive une histoire, qui aurait sinon pu se perdre aisément dans des regards perdus vers l’horizon et autres calculs de physique pointus. Une tâche dont le compositeur aguerri s’acquitte convenablement, à l’image globale d’un film qui investit presque toute son énergie dans le contournement des excès inhérents à ce genre de hagiographie sur un héros ayant frappé autrefois l’imaginaire collectif américain.

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Conclusion

Au cours des années 1950, Billy Wilder et James Stewart étaient au sommet de leur créativité et de leur popularité. Situé entre Boulevard du crépuscule et Certains l’aiment chaud pour l’un et entre Fenêtre sur cour et Sueurs froides pour l’autre, L’Odyssée de Charles Lindbergh peine pourtant à se montrer à la hauteur de ces chefs-d’œuvre. Autant le rythme y est suffisamment soutenu pour rendre tant soit peu divertissant le projet hors normes d’un maniaque de l’aviation, autant ce dernier est un vecteur de sympathie et d’empathie presque problématique. L’omniprésence de l’Américain valeureux par excellence n’y change pas grand-chose, James Stewart ayant déjà fait preuve de plus de subtilité morale et de maturité à cette époque-là dans les films de Alfred Hitchcock et peu de temps après chez Otto Preminger dans Autopsie d’un meurtre.

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