Critique : Les 4 Fantastiques (Josh Trank)

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Les 4 Fantastiques

Etats-Unis, 2015
Titre original : Fantastic Four
Réalisateur : Josh Trank
Scénario : Jeremy Slater, Simon Kinberg & Josh Trank
Acteurs : Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell
Distribution : 20th Century Fox France
Durée : 1h40
Genre : Science-fiction
Date de sortie : 5 août 2015

Note : 3/5

Les voies du public sont impénétrables. Alors que les spectateurs se sont rués cet été sur la nouvelle épopée des Avengers, à notre humble avis franchement médiocre, ils ont réservé un accueil glacial à ce redémarrage de l’univers des 4 Fantastiques, qui a néanmoins réussi à se hisser au dessus du million d’entrées en France. Pourtant, le deuxième film de Josh Trank ne démérite point dans le contexte actuel des aventures de super-héros, aux traits de plus en plus interchangeables et donc ennuyeux. Contrairement à l’univers aseptisé des deux premiers films signés Tim Story dans les années 2000, Les 4 Fantastiques a de quoi nous convaincre par son retour aux sources sans fioriture. Il n’y est qu’accessoirement question de batailles disproportionnées entre le Bien et le Mal, pendant que le point central de l’intrigue se situe du côté de l’interrogation éternelle des super-héros sur l’emploi plus ou moins justifié de leurs pouvoirs. Enfin, le fait que ce film soit le fruit d’une confrontation artistique menée sur la scène publique entre son réalisateur et ses producteurs n’enlève pas grand-chose à ses qualités intrinsèques. Ce conte fantastique nerveux se montre en effet nullement réceptif aux excès qui accablent le genre, désormais arrivé au stade de la maturité.

Synopsis : Depuis son enfance, Reed Richards rêvait d’inventer un appareil de téléportation. Grâce à ses capacités intellectuelles et à l’aide de son ami Ben, il réussit à construire une machine pour faire apparaître et disparaître de petits objets. Ce tour de magie n’impressionne guère ses professeurs, qui disqualifient Reed du concours scientifique auquel il participe dans son école. Le docteur Storm et sa fille Sue se montrent infiniment plus ouverts au potentiel du jeune inventeur, puisqu’ils l’invitent à les rejoindre au sein de la fondation Baxter. Reed pourra y perfectionner ses recherches, en compagnie du scientifique égoïste Victor Von Doom et de la tête brûlée Johnny Storm. Au bout de multiples expériences, ils construisent un vaisseau en mesure d’intégrer une autre dimension. Après un vol d’essai réussi avec un singe, Reed et ses confrères pensent être bientôt les premiers humains à tenter ce voyage intergalactique. Quand ils apprennent que leur invention sera récupérée par la NASA et l’armée américaine, Reed, Victor, Johnny et Ben se téléportent clandestinement. Leur mission aura des conséquences graves pour chacun d’entre eux.

Où va le film de super-héros ?

Grâce aux moyens sans limites, notamment en termes d’effets spéciaux, qui sont alloués de nos jours à la production de films de super-héros, ces derniers cherchent à se distinguer par la surenchère, là où une approche plus abstraite pourrait leur conférer davantage de personnalité. De ce point de vue, Les 4 Fantastiques n’a certes pas pour ambition de révolutionner le genre. Il fait cependant l’impasse sur un déluge de séquences assourdissantes – apparemment au grand dam de son réalisateur – pour mieux se concentrer sur la genèse de ce groupe de héros mal assorti. La trame du scénario suit ainsi sagement les différents stades de l’accession à la gloire, depuis l’idéalisme enfantin jusqu’au regret amer après le terrible déraillement du beau projet commun. A chaque étape, le doute a tendance à s’immiscer, comme pour miner les piliers de l’idéologie américaine, selon laquelle tous les rêves, aussi ambitieux et bornés soient-ils, peuvent se réaliser tant qu’on y croit inconditionnellement. Avec cette interrogation en filigrane sur le bien-fondé d’une civilisation, dont les vrais décideurs portent l’uniforme, la notion de malédiction va de pair. Elle est ressentie par la plupart des personnages en proie à une transformation moléculaire aussi puissante qu’irrévocable. Car le point de distinction principal entre ce film-ci et ses contemporains est qu’il ne considère pas du tout l’acquisition de super-pouvoirs comme une bénédiction, mais au contraire en tant que fléau, qui pervertit la nature humaine sans contrepartie positive.

Fausse série B, vrai plaisir de cinéma

Le constat plutôt pessimiste qui émane du film n’est que partiellement repris par son langage formel. Au lieu de tomber dans une noirceur excessive, comme ce fut le cas dans les interprétations de l’univers de Batman par Tim Burton et Christopher Nolan, la narration se distingue par un sérieux et une sobriété, qui ne sont pas vraiment en phase avec le goût immodéré du public actuel pour un divertissement ironique. Effectivement, le second degré est aux abonnés absents dans ce film-ci, ce qui s’avère toujours plus satisfaisant comme option que l’humour forcé de la version précédente. A sa place, on trouve une sorte de réalisme pragmatique : une façon de faire face à la situation embarrassante dans laquelle se trouvent Reed et ses compagnons, qui ne fait guère rêver, mais qui a pour avantage de dresser le portrait ambigu d’un accident de parcours, qui serait ailleurs le simple prétexte pour un héroïsme voyant. Le casting est à l’image de l’appréhension envers la fanfaronnade qui caractérise le film dans son ensemble. Le groupe de jeunes espoirs à l’avenir plus ou moins prometteur, composé de Miles Teller, Michael B. Jordan, Kate Mara, Jamie Bell et Toby Kebbell, fait ainsi face à quelques vieux baroudeurs comme Reg E. Cathey et Tim Blake Nelson, des comédiens de second ordre, quoique au jeu très solide, qui rapprocheraient presque le film de la série B. Sauf que la mise en scène de Josh Trank s’avère beaucoup trop maîtrisée – sous réserve de ce qui en relève véritablement de sa volonté artistique et ce qui résulte de la prérogative des producteurs à vocation plus commerciale – pour autoriser un quelconque écart de son élégance bluffante.

Conclusion

Les fans de ce film doivent sans doute se compter sur les doigts d’une main. Sans en être un de manière inconditionnelle, nous éprouvons toutefois une difficulté accrue de voir ce qu’il doit y avoir de si minable dans Les 4 Fantastiques signé Josh Trank, avec un coup de pouce involontaire de la part des producteurs. Pour nous, il s’agit surtout d’une relecture efficace et nullement manichéenne des bases de toute épopée de super-héros qui se respecte. Ni plus, ni moins !

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