Le Passé

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Le Passé : AfficheLe Passé

France : 2013
Titre original : –
Réalisateur : Asghar Farhadi
Scénario : Asghar Farhadi
Acteurs : Bérénice Béjo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa, Pauline Burlet
Distribution : Memento Films Distribution
Durée : 2H10
Genre : Drame
Date de sortie : 17/05/2013

Globale : [rating:4.5][five-star-rating]

Deux ans après la sortie de Une Séparation, Asghar Farhadi nous transporte à nouveau dans un drame familial tout aussi percutant, juste et humain que son film précédent. Présenté cette année en compétition au 66ème Festival de Cannes, le film est déjà largement salué par la critique. Verdict ?

Synopsis :

Après quatre ans de séparation avec sa femme Marie (Bérénice Béjo), Ahmad (Ali Mosaffa) revient auprès d’elle et des enfants afin de signer les papiers du divorce. Il découvre à son arrivée que son ex-femme vit à présent avec un jeune père (Tahar Rahim) dont la femme est plongée dans le coma depuis huit mois. L’aînée des enfants rejette cette nouvelle relation et va faire ressurgir les douleurs du passé.

Le Passé : Photo Bérénice Bejo, Tahar Rahim

Regarder et écouter

D’emblée, dès la scène initiale, Farhadi nous expose subtilement ce sur quoi son film va en grande partie reposer ; l’échange muet entre Marie et Ahmad, à l’aide de signes maladroits, à travers une paroi vitrée à l’aéroport, après que Marie ait tenté de capter son regard pendant quelques temps, est déjà lourd de sens. En effet, le film oscille sans cesse entre le bruit et le silence, la distance et la proximité, tant dans le temps que dans l’espace. L’irréductible distance physique entre les personnages est accentuée par leurs secrets inavouables ; chacun est envisagé comme un atome mais qui, malgré la douleur que lui procure la présence des autres, ne peut se résigner à être un électron libre.

Par conséquent, la quasi absence de scènes de tendresse entre les personnages, qui n’échangent que des paroles, des silences, des regards impuissants, donne toute son importance à l’échange : échanges droits dans les yeux, de dialogues, de disputes. Les contacts physiques sont rares et l’impasse de leur situation se traduit par cette difficulté constante à communiquer.

Toujours au début du film, une fois Marie et Ahmad sortis de l’aéroport, la grisaille ambiante plonge le spectateur dans une certaine torpeur et le fait assister jusqu’au bout du film, avec émotion mais sans larme, à la décomposition des cellules familiales. Farhadi nous donne le ton de son film dès le début mais ne distille les informations sur ses personnages qu’au goutte à goutte, comme s’il introduisait notre regard observateur au cœur d’une situation déjà posée, mais dans laquelle on viendrait seulement d’être invité. Le sentiment que cette histoire pourrait se dérouler au coin de notre rue renforce cette impression de proximité avec les personnages, le désir de comprendre, toujours avec beaucoup de respect et de pudeur.

Le Passé : Photo Ali Mosaffa

Corps et coeurs perdus

Du respect et de la pudeur, Farhadi en témoigne à chaque plan en nous plongeant dans un quotidien perturbé mais sans jamais prendre parti. Son regard de cinéaste est sans jugement, choisissant de multiplier les points de vue, comme c’était déjà le cas dans Une Séparation : il observe ses personnages mais sans complaisance, expose les impasses dans lesquelles ils se trouvent mais ne propose pas de miracle. C’est là que réside toute la finesse de sa mise en scène, qui à la fois nous plonge au cœur des conflits mais ne nous implique jamais en tant que juge ; la caméra est proche des corps, à l’affût de leurs réactions et de leurs regards, mais distante de toute moralisation hâtive, et souvent placée à hauteur des visages, comme une invitation lancée aux personnages de se prêter à la confidence.

Autre choix simple de mise en scène qui révèle pourtant toute son efficacité, les nombreux champs-contrechamps, qui permettent de placer les personnages sur un pied d’égalité, car soumis aux mêmes maux, mais d’un point de vue différent – le divorce, l’éloignement, la mort… Chacun adopte des réactions qui dépendent de sa propre personnalité, que ce soit le calme chez Ahmad, le mutisme chez Lucie ou les cris et agacements chez Marie. Chacun est finalement fragile, démuni, vacillant sans cesse entre le secret et les manifestations de colère, les vérités assénées sans tempérance et la peur de la confidence. Farhadi les filme dans toutes leurs contradictions et leurs erreurs avec souplesse et humanité, et c’est précisément là qu’il tire toute la pertinence et la puissance de son propos.

Cette impression de fragilité se dégage aussi fortement de la maison où se déroule en grande partie le film. On ne quitte en effet que rarement la maison de Marie, si ce n’est pour se rendre dans d’autres intérieurs : la pharmacie où elle travaille, le pressing tenu par Samir… Ce quasi huis clos pose une chape de plomb sur les personnages, tout comme le coma de la femme de Samir, pudiquement laissé hors champ, qui empêche le couple de se construire et hante le père et son jeune fils. Dans cette maison de banlieue modeste, Marie et Samir s’évertuent à repeindre et à décorer une maison figée dans un passé qui s’étiole ; juste en face, le passage lancinant du RER marque un mouvement qui rompt brutalement avec l’immobilisme des personnages. Il en découle l’impression que les personnages se créent un monde à part, hermétique au monde extérieur, qui vit dans un rapport particulier au temps, figé entre le passé, le présent et l’avenir.

 Le Passé : photo Bérénice Bejo

 

Résumé

Puissant, juste, pudique et sincère, Le Passé offre une mise en scène transparente qui laisse s’exprimer pleinement ses personnages, par la parole, les regards, les attitudes corporelles, et surtout par les silences. Un film à voir, à échelle humaine mais doté de la grandeur des beaux films.

 

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