Critique : La Vie passionnée de Vincent Van Gogh

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La Vie passionnée de Vincent Van Gogh

Etats-Unis, 1956
Titre original : Lust for Life
Réalisateur : Vincente Minnelli
Scénario : Norman Corwin, d’après le roman de Irving Stone
Acteurs : Kirk Douglas, Anthony Quinn, James Donald
Distribution : Swashbuckler Films
Durée : 2h02
Genre : Biographie filmique
Date de sortie : 5 août 2015 (reprise)

Note : 3,5/5

La carrière de Kirk Douglas comprend environ quatre décennies, rythmées de films prestigieux depuis le milieu des années 1940 jusqu’à celui des années ’80. La durée de sa vie est encore plus imposante, puisque – si tout va bien – il atteindra l’âge canonique de cent ans dans un peu plus de deux mois ! Au fil d’une existence si richement remplie, les preuves de son talent d’acteur ne manquent pas, tels que ses rôles de héros emblématiques dans Les Sentiers de la gloire et Spartacus de Stanley Kubrick. Curieusement, une certaine tendance à l’exagération dans le jeu de Douglas se fait très discrète chez un personnage, qui se prêterait précisément à l’emphase tragique. Le destin exemplaire de l’artiste incompris de son vivant qu’avait dû subir Vincent Van Gogh à la fin du XIXème siècle n’est en effet aucunement exempt de coups durs et de troubles psychologiques, susceptibles de faire tourner à plein régime la machine à clichés du cinéma hollywoodien. Que La Vie passionnée de Vincent Van Gogh ne se laisse point prendre au piège de la biographie filmique consensuelle, il le doit à la fois au jeu vigoureux de Kirk Douglas, ainsi qu’à la mise en scène hautement élégante de Vincente Minnelli, en guise de contrepoids astucieux.

Synopsis : En 1878, le jeune Vincent Van Gogh veut à tout prix suivre la tradition familiale et devenir pasteur. Faute de réussir l’examen à l’école protestante, il est envoyé en tant que prédicateur laïque en Belgique dans la ville minière de Borinage. La grande misère des ouvriers l’incite à adopter un style de vie très simple, tout en fixant les durs exploits des défavorisés sur ses toiles de peinture. Chassé par les supérieurs du clergé, il accepte l’invitation de son frère Théo de retourner vivre dans la maison familiale. Mais le climat de tension entre son père et lui, ainsi qu’une amère déception amoureuse, le plongent de plus en plus dans la quête effrénée d’un style de peinture qui exprimerait l’intensité de la vie.

La solitude du peintre à fond

La reconnaissance tardive du génie de Vincent Van Gogh a alimenté plus qu’autre chose le mythe autour du peintre, mort dans un état de démence avancé. Les sommes mirobolantes qu’il faut débourser jusqu’à ce jour pour espérer acquérir l’une de ses toiles en ont presque fait une bête de foire, un surdoué qui survole de façon posthume un monde où l’argent a au moins autant d’importance que l’art. Le scénario de La Vie passionnée de Vincent Van Gogh adopte un ton certes romancé, mais qui s’attache néanmoins à une représentation factuelle du parcours de cet homme hors pair. Car aussi exponentiel le talent de Van Gogh soit-il, cela ne signifie nullement qu’il était à l’abri de doutes terribles sur le sens de sa vie, avant même d’oser juger son propre travail de peintre à la recherche d’une perfection illusoire. C’est à la description plutôt sobre de ce personnage torturé par ses démons intimes que le film s’emploie avant tout, laissant presque de côté toute tentative de traduire le style inimitable de Van Gogh en des termes cinématographiques.

Tableaux d’une exposition

A la forme épurée des versions réalisées sensiblement plus tard, respectivement en 1990 et ’91, par Robert Altman et Maurice Pialat précède ici une opulence esthétique savamment contenue. Celle-ci est plus représentative du cinéma hollywoodien des années ’50 que d’une volonté de surpasser la richesse de la palette de couleurs du peintre légendaire. D’ailleurs, le dispositif choisi pour permettre aux œuvres de Van Gogh d’être concrètement présentes au sein du film s’interdit à toute compétition interne. Les plans à part des tableaux les plus célèbres servent davantage à instaurer une mise en abîme ou plus exactement une séparation claire et nette entre ce que nous avons la chance de pouvoir admirer lors des expositions ambitieuses du maître et le supplice qu’a coûté à ce dernier la création de chacun de ses chefs-d’œuvre. En ce sens, le film de Vincente Minnelli est tout sauf une tentative d’explication du génie ignoré de son vivant. Il préfère creuser par de petites touches ingénieuses en direction de la biographie sans vernis artificiel d’un homme hanté par une mise en question perpétuelle. L’interprétation magistrale de Kirk Douglas est à l’image de ce projet de vulgarisation plus qu’honorable : l’acteur dresse le portrait nuancé d’un artiste incapable de tirer ne serait-ce que la plus infime satisfaction de son travail pourtant sublime.

Conclusion

La Vie passionnée de Vincent Van Gogh est un film à la fois caractéristique de son temps – l’époque de la dernière résistance intense de Hollywood aux concurrents de tout bord – et de l’élégance souple et charmante avec laquelle le réalisateur Vincente Minnelli savait faire siennes même les histoires les plus conventionnelles. Or, cette biographie filmique sort justement du lot grâce à son approche sereine de la folie manifeste du protagoniste, incarné avec une intensité fascinante par Kirk Douglas dans l’un de ses rôles les plus maîtrisés.

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