Critique : La Rançon de la gloire

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La Rançon de la gloire

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Xavier Beauvois
Scénario : Xavier Beauvois et Etienne Comar
Acteurs : Benoît Poelvoorde, Roschdy Zem, Seli Gmach
Distribution : Mars Distribution
Durée : 1h55
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 7 janvier 2015

Note : 2/5

La plupart des films de Charles Chaplin sont inspirés, légers et rythmés par une alternance prodigieuse entre la comédie et la tragédie. Pour faire bref, ce sont des classiques indémodables, qui raviront pour l’éternité un public plus ou moins jeune. Cet hommage maladroit en est l’opposé absolu. S’il n’était fautif qu’en termes de manque d’envergure et d’intérêt de cette histoire grotesque d’une subtilisation de cercueil, il produirait seulement chez nous un ennui mortel. Hélas, les dégâts sont plus amples, puisque La Rançon de la gloire manque cruellement de cohésion entre les parties qui le constituent.

Synopsis : En 1977 en Suisse, l’immigré belge Eddy sort de prison. Il est recueilli par son ami Osman, qui vit chichement avec sa fille Samira. Sa femme est à l’hôpital pour des problèmes de hanche. A la télévision, les amis apprennent le décès de la légende du cinéma Charles Chaplin au moment des fêtes de fin d’année. Pour arranger leur situation financière, Eddy a alors l’idée folle de voler le cercueil de la vedette richissime et de demander une rançon. Osman refuse d’abord catégoriquement ce plan criminel. Quand il découvre qu’il devra payer de sa poche l’opération de sa femme, il accepte à contrecœur d’être le complice d’Eddy.

Leur vie n’est pas un film …

Dans ses deux films précédents, le réalisateur Xavier Beauvois avait assez brillamment réussi à dépasser la nature professionnelle du milieu dans lequel évoluaient ses personnages, pour mieux cerner leurs traits humains dans des situations de crise. Que ce soient les policiers du Petit lieutenant ou les moines dans Des hommes et des dieux, ces films tiraient leur force du regard sans complaisance d’une mise en scène à la fois sobre et engagée. Ici, le sujet ne se prête point à pareil investissement narratif. Au contraire, la première partie du scénario s’avère plutôt laborieuse, aussi parce que ni Eddy, ni Osman ne se distinguent par des traits de caractère exceptionnels. D’un côté, il y a l’ex-taulard au tempérament de bouffon, qui lit beaucoup mais qui ne devient nullement plus intelligent grâce à ses nombreux livres. Et de l’autre, un brave gars terne qui s’occupe aussi bien qu’il le peut de sa famille, qui a même des principes exemplaires, mais qui reste un pion inoffensif dans cette affaire de gangster amateur en particulier et dans son existence personnelle en général. Ces stéréotypes conviennent certes aux acteurs qui les interprètent, respectivement Benoît Poelvoorde et Roschdy Zem, mais ils ne constituent en aucun cas un quelconque défi dramatique pour eux.

… et ne sera jamais du cinéma

Ce qui nous amène à notre grief principal envers cette comédie dramatique, qui échoue sur les deux tableaux du rire et de l’émotion. Face à ce couple mal assorti et mal exécuté de protagonistes, une liberté dangereuse se propage à travers tous les autres éléments du film. Bien entendu, la faute pour ce laisser-aller consternant ne revient pas aux comédiens, mais à la réalisation, visiblement incapable de conférer une apparence tant soit peu cohérente au récit. Tout le monde fait donc essentiellement ce qui lui plaît, au cours d’une intrigue tristement pauvre en véritables enjeux. Le jeu des acteurs est ainsi horriblement disparate, avec tous les niveaux d’intensité et d’approche réunis sans que cette pluralité n’aboutisse à une impression globale satisfaisante. Entre les deux extrêmes du cabotinage affligeant de Poelvoorde et du sérieux solennel de Peter Coyote se dépense donc inutilement une ribambelle de comédiens de renom dans des rôles souvent très superficiels. Enfin, nous avons garde le « meilleur » pour la fin : la partition complètement inadéquate de Michel Legrand, dont l’emphase ne convient pas du tout aux rares bafouillages plus intimistes d’une narration en roue libre. Ses envolées mélodieuses conviendraient davantage à une comédie musicale sirupeuse qu’à ce conte qui se veut édifiant, mais qui ne produit chez nous qu’une vive consternation, jamais plus aiguë que lors de la danse de Eddy et Osman, passablement éméchés, dans la caravane.

Conclusion

Charles Chaplin mérite tous les hommages qu’on veut bien lui consacrer, à l’exception notable de comédies aussi lourdes et bancales que celle-ci. Car il en faut une absence de talent flagrante pour bâcler autant de références, comme celle au cirque, en si peu de temps. La réputation du maître de la comédie burlesque en sort grandie, tandis que celle de Xavier Beauvois devra mettre longtemps avant de récupérer de cet échec cuisant, à la fois artistique et commercial !

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