Critique : Je suis à vous tout de suite

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Je suis à vous tout de suite

France, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Baya Kasmi
Scénario : Baya Kasmi et Michel Leclerc
Acteurs : Vimala Pons, Mehdi Djaadi, Agnès Jaoui, Ramzy
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h40
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 30 septembre 2015

Note : 3/5

Pas de panique, Je suis à vous tout de suite ne répète pas les erreurs fatales de Il reste du jambon ? de Anne Depetrini, l’une des dernières comédies françaises à se pencher sur le processus d’intégration de familles issues de l’immigration en France. Le premier film de Baya Kasmi se montre beaucoup trop nuancé et malicieux dans son portrait au féminin d’une vie sous le signe d’une gentillesse traîtresse pour se laisser tenter par des stéréotypes racistes comme le faisait il y a cinq ans le film précité. La réalisatrice reste au contraire fidèle au ton irrévérencieux propre aux films de Michel Leclerc, qui a participé ici au scénario. Comme ce fut le cas dans Le Nom des gens, au scénario duquel Kasmi avait collaboré à son tour, il y est question d’une jeune femme bordélique et aux mœurs libertines, dont l’intervention plus ou moins préméditée aura des conséquences heureuses, la plupart du temps.

Synopsis : Hanna est atteinte de la névrose de la gentillesse. Elle ne peut s’empêcher de dire « oui » à toutes les requêtes, à condition qu’elles lui évitent de faire du mal à autrui. Ce trouble du comportement est probablement de famille, puisque les parents de Hanna avaient à leur tour œuvré dans l’humanitaire : lui en tant qu’épicier généreux, elle comme psychologue de proximité qui mettait un point d’honneur à ne jamais se faire rétribuer pour ses services. Ce penchant maladif pour la gentillesse aura permis à Hanna de s’intégrer convenablement dans la société, malgré ses origines métissées franco-algériennes. Contrairement à son frère cadet Donadieu, qui s’appelle désormais Hakim et qui pousse son identification avec ses origines religieuses si loin, qu’il prévoit de s’installer avec sa famille en Algérie.

Un instant, s’il vous plaît …

Avec un titre aussi passe-partout, qui nous fait d’ailleurs penser au langage du personnel d’accueil dans le commerce, Je suis à vous tout de suite aurait pu ressembler à tout et n’importe quoi. Or, Baya Kasmi brouille très tôt les pistes, ne serait ce qu’en coupant visuellement le titre en deux, quand il apparaît dans le générique du début. Cette petite touche initiale met tout de suite l’accent sur l’élan d’abandon de l’esprit et du corps, en n’y ajoutant qu’après un bref délai une dimension temporaire, elle aussi marquée par la soumission sans conditions. Le spectacle masochiste n’aura pourtant pas lieu, parce que le personnage principal aura appris, au fil de ses trente premières années de vie, à s’accommoder de sa philosophie du sacrifice permanent, voire de lui trouver un côté jouissif. Le style de vie de Hanna a beau être peu orthodoxe, cette DRH privée du gène de cruauté ne se cache pas de ses fréquentations, aussi peu respectables soient-elles. Le véritable enjeu du récit ne se situe par conséquent pas du côté du conflit entre Hanna et son entourage, puisque ses parents ne se montrent par exemple nullement étonnés de croiser un homme d’un certain âge à poil chez leur fille, quand ils lui rendent visite à l’improviste. C’est davantage la construction psychologique du personnage qui préoccupe la narration, à travers de nombreux retours en arrière sur son enfance et son adolescence, l’une comme l’autre imprégnées d’une nostalgie douce-amère.

La biographie d’une nymphomane décomplexée

Le prétexte dramatique du don d’organe fraternel ouvre ainsi grand la porte à une session d’introspection personnelle guère rébarbative. Les événements qui ponctuent l’intrigue ont presque sans exception eu lieu dans le passé. D’abord une petite fille gâtée au tempérament tempétueux, Hanna se mue progressivement sous nos yeux en une adulte aux pratiques sexuelles licencieuses, quoique pas pour autant mal dans sa peau. Le propos du film se garde en effet de prononcer le moindre jugement par rapport aux particularités des différents personnages, laissant une place importante à l’humour qui balaie sans difficulté les divers préjugés à l’œuvre dans un contexte si épineux. Même lorsqu’il aborde le sujet le plus délicat, l’abus sexuel dont Hanna était tombée victime au début de son adolescence, le scénario s’emploie à le relativiser dans le temps, ce qui préserve la gravité des faits tout en atténuant leur aspect tragique. Car Je suis à vous tout de suite est un film qui prête sensiblement plus à rire qu’à pleurer. En tant que garants de cet optimisme sournois, la mise en scène compte à la fois sur la qualité du scénario admirablement complexe et sur celle de l’interprétation. Cette dernière est entre de bonnes mains, avec d’un côté la jeune garde prometteuse du cinéma français (Vimala Pons et Mehdi Djaadi dans les rôles de la sœur et de son frère confrontés sans cesse à leurs propres contradictions existentielles) et de l’autre des comédiens plus aguerris, comme Agnès Jaoui, Ramzy, Laurent Capelluto et Anémone, qui savent néanmoins tirer leur épingle de ce jeu savoureux.

Conclusion

La gentillesse n’est pas un idéal vers lequel il convient de tendre sans modération. Le premier film de Baya Kasmi, jusque là connue comme une scénariste de talent, nous le rappelle avec une désinvolture hautement divertissante, qui navigue sans trop de difficulté à travers les chapitres d’une vie riche en péripéties, parfois tristes, parfois plus amusantes.

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