Critique : First Man Le Premier homme sur la lune

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First Man Le Premier homme sur la lune

États-Unis, 2018
Titre original : First Man
Réalisateur : Damien Chazelle
Scénario : Josh Singer, d’après un livre de James R. Hansen
Acteurs : Ryan Gosling, Claire Foy, Jason Clarke, Kyle Chandler
Distribution : Universal Pictures France
Durée : 2h21
Genre : Drame historique
Date de sortie : 17 octobre 2018

Note : 3/5

Tendre vers les étoiles, quitter notre caillou de Terre pour mieux le voir de loin : tels ont été les rêves de l’humanité depuis la nuit des temps. Le cinéma a fait sienne cette utopie, jusqu’à ce que la science et la logique concurrentielle de la Guerre froide l’aient transformée en réalité dans les années 1960. Dès lors, il y était question soit d’interroger la véracité de l’événement, comme dans Capricorn One de Peter Hyams, soit de célébrer l’exploit par exemple dans L’Étoffe des héros de Philip Kaufman et Apollo 13 de Ron Howard. En tant que plus récent des hommages cinématographiques à cet alunissage historique le 21 juillet 1969, First Man Le Premier homme sur la lune tente de rendre justice à la fois au côté humain de ces hommes appelés à repousser les frontières et à l’envergure hors normes de ce projet extrêmement cher en argent et en vies. Un pari ambitieux qui fait à plusieurs reprises courir le risque au film de Damien Chazelle de paraître bancal. Sa double casquette de drame intimiste au sein d’une famille somme toute ordinaire et de grande épopée technique ne lui sied en effet que jusqu’à un certain point, l’alternance entre ces deux manières de penser et surtout de filmer finissant par ne rendre justice ni à l’une, ni à l’autre, en dépit des interprétations appliquées de Ryan Gosling et de Claire Foy.

Synopsis : Au début des années 1960, le jeune pilote Neil Armstrong rêve de participer un jour à la conquête de l’espace, promise par le nouveau président Kennedy. Afin de se remettre d’une tragédie familiale, il postule pour le programme Gemini, constitué d’une série de tests avant de tenter le grand saut jusqu’à un voyage vers la lune. La NASA est suffisamment impressionnée par son sang-froid et son savoir technique pour l’inclure ensuite dans le prestigieux programme Apollo dont la finalité est de réussir un atterrissage sur la lune avant la fin de la décennie. Sa femme Janet est par contre de moins en moins rassurée par la difficulté de son mari à faire face de manière sereine au coût humain de son travail.

Fly me to the moon

De nos jours, l’exploration de la lune a beaucoup perdu de sa superbe, puisque elle paraît – à quelques années et quelques millions de dollars près – atteignable au commun des mortels. Ce sont des destinations encore plus lointaines qui font désormais rêver, grâce aux projets de colonisation de la planète Mars, qui ne relèvent pratiquement plus de la science-fiction. First Man Le Premier homme sur la lune nous ramène à une époque d’avant le tout numérique et les matières si sophistiquées qu’elles résistent à toute éventualité thermique. Dans les années ’60, participer aux programmes que les États-Unis et l’Union Soviétique lançaient dans une rivalité guerrière ne s’apparentait point à un tour dans un manège à sensations fortes, mais à une lutte acharnée contre la mort, qui guettait dans les affres d’un bruit assourdissant et de terribles secousses provoquant dans le meilleur des cas des vomissements. Ce volet du film insiste avec une certaine franchise sur l’absence d’héroïsme dans ces circonstances d’impuissance absolue, où le moindre dysfonctionnement technique peut signifier une mort subite et auxquelles les pionniers de l’espace ont été préparés par des exercices éprouvants sur un simulateur. Or, cette approche sobrement didactique fait, elle aussi, marcher le récit sur des œufs, l’impératif de l’exhaustivité se heurtant régulièrement à une économie dramatique plus dépouillée. Ainsi, l’enchaînement des accidents, suivi invariablement par des enterrements, ne fait guère vaciller le protagoniste dans sa détermination d’être un bon petit soldat dans les rouages d’un système, qui broie les hommes autant que les prototypes pas encore tout à fait prêts à l’emploi.

Pas à pas

Cependant, à l’encontre de l’adaptation brillante de Tom Wolfe par Philip Kaufman en 1983, capable de brosser le portrait global de ces casse-cou mythiques sur fond de mesquinerie politique, le quatrième long-métrage de Damien Chazelle met son accent humain exclusif sur la vie conjugale tendue de Neil Armstrong. Formellement proche du cinéma indépendant américain et donc en opposition assez nette aux séquences de vol plus succinctement efficaces, ce théâtre d’action secondaire se garde soigneusement de prendre quelque position que ce soit, en dehors de son exploration du rôle paternel de plus en plus négligé par le personnage principal. Le caractère taciturne et renfermé de ce dernier a alors pour conséquence de laisser reposer le poids vaguement affectif de cette partie-ci de l’intrigue sur les épaules de son épouse, interprétée selon les règles de l’art des conjoints souffrant en silence avant de finir par réclamer leur dû par une Claire Foy, qui a décidément réussi sa transition du petit au grand écran. Dommage alors que le couple Armstrong soit maintenu par le scénario dans une logique purement réactive et donc par définition passive, leurs promotions et coups de gueule respectifs étant le fruit du mauvais sort qui s’abat à intervalles réguliers sur leurs compagnons de route ou bien d’un ras-le-bol conjugal néanmoins pas en mesure de mettre sérieusement en doute la validité de la mission spatiale.

Conclusion

Un étrange sentiment de frustration émane de First Man Le Premier homme sur la lune. Ce n’est pas du tout une hagiographie lisse et fade des derniers héros de l’Amérique, alors que le pays était d’ores et déjà à feu et à sang sur le front social – un fait sur lequel la narration passe d’ailleurs avec une rapidité et une superficialité troublantes. Mais en même temps, il manque à la réalisation de Damien Chazelle la précision et la force nécessaires pour laisser au moins soupçonner la grandeur de l’exploit derrière une histoire contée d’un point de vue sèchement personnel. Une chose est sûre en tout cas : cette importance universelle ne se laisse pas convoquer à travers l’emploi excessif d’une musique solennelle pendant les ultimes secondes avant le moment, qui n’aura finalement changé le cours de l’Histoire humaine que de façon symbolique.

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