Biarritz 2018 : Dry Martina

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Dry Martina

Chili, Argentine, 2018
Titre original : Dry Martina
Réalisateur : Che Sandoval
Scénario : Che Sandoval
Acteurs : Antonella Costa, Pedro Campos, Geraldine Neary
Distribution : –
Durée : 1h35
Genre : Comédie
Date de sortie : –

Note : 3/5

Notre séjour au Festival de Biarritz a malheureusement été trop bref pour distinguer une thématique forte à travers la sélection officielle dans son ensemble. Il y a toutefois un point qui nous a interpellés par rapport à la prise de décision des personnages, guidée par les parties intimes de leur corps. Après la confidence sans gêne de l’intervenant principal du documentaire Bixa Travesty, qui disait se fier à son trou de cul pour diriger sa vie, voici donc le pendant féminin, qui attache peut-être un peu trop d’importance au degré d’humidité de son vagin. Ce qui ne nous conduit guère à un monologue truffé de revendications féministes, mais à une comédie plutôt légère, un divertissement sans arrière-goût notable qui dénoterait presque au sein d’une compétition autrement très sérieuse et exigeante. En plus, Dry Martina crée un lien supplémentaire entre l’Argentine et le Chili. Rien de trop ennuyeusement diplomatique non plus, soyez rassurés, grâce au ton très plaisant de cette comédie de mœurs, où l’on couche beaucoup et où l’on aime très peu. De ce dilemme existentiel découle en effet toute la propulsion dramatique d’un récit, qui suit avec un recul ironique le cheminement rocambolesque de sa héroïne jusqu’à celui qui aurait dû être l’homme de sa vie. Or, cet idéal simultanément romantique et érotique n’existe visiblement pas, laissant la pauvre Martina non pas sur le carreau, mais dans la quête éternelle d’un bon coup, au minimum.

Synopsis : A force d’avoir amplement servi dans son passé de chanteuse célèbre, le vagin de Martina ne mouille plus. C’est une crise majeure pour cette artiste accomplie, qui perd alors tout son talent créatif. Les rapports sexuels occasionnels avec son agent ne font rien pour arranger la situation et, de surcroît, sa chatte bien aimée s’est sauvée de la table d’opérations du vétérinaire, où elle l’avait amenée pour qu’elle soit stérilisée. Finalement, son compagnon félin est ramené par la groupie très invasive Fran, venue exprès à Buenos Aires du Chili afin d’annoncer à Martina qu’elles seraient sœurs. La principale intéressée n’en croit pas un mot, mais tombe sous le charme du copain de sa fan collante, César, le seul en mesure d’éveiller à nouveau ses instincts libidineux.

Réaction naturelle du vagin

Les apparences sont trompeuses dans ce film de Che Sandoval, qui prend les déboires physiques de son personnage principal comme prétexte pour l’amener en voyage, moins initiatique que révélateur de tout ce qui ne va pas dans sa vie. Car au fond, Martina n’est pas cette chanteuse élégante que l’on voit au début de l’histoire, ni davantage l’idole désincarnée de ses fans les plus inconditionnels, prêts à acheter même les éditions collectors les plus improbables de ses disques qui ne font plus un tabac. Pour le dire crûment, c’est une nymphomane qui a fait du sexe sa raison de vivre, sans pour autant manquer de lucidité quant à l’éventail qualitatif de ces rapports le plus souvent sans lendemain. Une fois qu’elle a trouvé le bon, elle ne le lâche plus, descendant alors du piédestal sur lequel l’a placée sa plus grande admiratrice pour devenir aussi bassement obsessionnelle que cette dernière. Réunis dans la quête de l’impossible, les deux personnages à première vue dissemblables vivent alors un rapprochement chahuté, ponctué de coups de gueule et de réconciliations éphémères, au bout duquel se trouve malgré tout un simulacre touchant de solidarité familiale. Le ton du film est assez fin pour ne pas en faire tout un drame. Il procède au contraire à la dissection malicieuse du comportement inconstant du personnage principal, tendant une glace à ses contradictions intimes qui reflète plus sa rage de vivre à l’improviste que les failles béantes de son caractère.

Intensément sèche

Sous les traits de la ravissante Antonella Costa, Martina n’en fait qu’à sa tête : elle drague sans retenue, plus par automatisme que par réelle envie, quitte à provoquer des situations cocasses avec des prétendants plus ou moins décidés, et en même temps, elle ne perd jamais tout à fait son aura tragique d’épave en devenir, d’ancienne gloire qui, très bientôt, n’aura plus que ses souvenirs pour s’exciter. Ce côté d’électron libre, à l’irresponsabilité enfantine oh si compréhensible, fonctionne évidemment à merveille dans le mécanisme comique du film. A l’aide de quelques ellipses élégantes, la mise en scène instaure un rythme soutenu, où les répliques assassines ne fusent point, mais où le comportement peu orthodoxe du personnage principal prête régulièrement à un grand sourire. Seulement à l’aise chez elle, en compagnie d’un animal encore plus en chaleur qu’elle, Martina perd tous ses repères dès qu’elle doit mettre les pieds dehors. Sa difficulté d’intégration prend encore l’allure d’un caprice de star lors de la première séquence, mais elle devient petit à petit le dispositif récurrent du récit pour mieux véhiculer son humour. Celui-ci s’exporte en fait assez bien, à l’exception des jeux sur le langage familier, si différent entre les deux pays voisins que les sous-titres doivent voler à la rescousse pour en saisir à peu près toutes les subtilités.

Conclusion

Par sa légèreté pleinement assumée, Dry Martina fait du bien en tant que parenthèse enchantée dans une sélection de festival aux thèmes autrement plus lourds. Il s’agit d’une jolie petite farce, dépourvue de quelque pudeur que ce soit et néanmoins jamais laissée à la merci d’une vulgarité crue. Avec son troisième long-métrage, le réalisateur Che Sandoval réussit ainsi l’écart guère évident entre le fantasme sexuel et sa difficile intégration dans un quotidien moins prévisible.

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