Cannes 2018 : Diamantino

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Diamantino

Portugal, France, Brésil, 2018
Titre original : Diamantino
Réalisateurs : Gabriel Abrantes & Daniel Schmidt
Scénario : Gabriel Abrantes & Daniel Schmidt
Acteurs : Carloto Cotta, Cleo Tavares, Anabela Moreira, Margarida Moreira
Distribution : Ufo Distribution
Durée : 1h37
Genre : Comédie
Date de sortie : 28 novembre 2018

Note : 3/5

Une source inépuisable de découvertes, la Semaine de la Critique du Festival de Cannes n’a pas eu froid aux yeux en sélectionnant ce premier long-métrage portugais. Diamantino est un véritable objet filmique difficilement classable, à qui il manque cependant une petite surdose de folie. Son histoire abracadabrante sur une icône du foot pas trop futée, qui tombe doublement victime de l’amour et d’un plan fasciste machiavélique, est certes fort amusante. Elle ne fait par contre guère plus qu’associer quelques sujets à la mode, comme la crise des réfugiés qui éveille toutes sortes de réflexes nationalistes à travers l’Europe, à un univers vaguement onirique. Alors que la vision d’ensemble de leur film reste quelque peu perfectible, les réalisateurs Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt font toutefois preuve d’une inventivité impressionnante. Les idées fusent ainsi sans arrêt dans cette farce survoltée et en même temps si étroitement liée à l’état d’esprit très naïf du personnage principal. En cela, le récit peut faire office de reflet prodigieux de notre époque, à la fois presque maladivement dépendante de signes extérieurs de richesse et d’une innocence infantile proche du handicap mental du côté des vraies valeurs qui font une vie.

Synopsis : Diamantino est une icône absolue du football dans son pays, le Portugal, qu’il a souverainement mené jusqu’en finale de la Coupe du monde en Russie. Son génie sportif lui vient naturellement, puisque sur le terrain des stades en ébullition, il se croit entouré de grands chiots poilus. Cette béquille psychologique lui fera cependant défaut au moment du penalty décisif, qu’il rate misérablement. Désormais la risée de son pays et orphelin de son père et agent, mort d’une crise cardiaque en regardant le match fatidique à la télévision en compagnie de ses sœurs jumelles acariâtres, Diamantino espère retrouver la forme, grâce à son projet d’adoption d’un pauvre petit réfugié. Or, l’agent de police Aischa se fait passer pour l’immigré Rahim, afin de mieux enquêter sur d’éventuelles malversations de la part de la vedette aux facultés cérébrales diminuées.

Bénis soient les simples d’esprit

Des films sur des personnages bêtes, comme par exemple Forrest Gump de Robert Zemeckis, qui mettent en avant leur idiotie au lieu de la détourner avec ironie, cela n’est point notre tasse de thé cinématographique. Il existe par contre un dispositif dans Diamantino, qui interroge avec un certain recul tous les manquements à la sagesse la plus élémentaire chez ce grand bébé. La voix off du héros du ballon rond en personne y opère en tant qu’instance narrative, tel un commentaire après les faits, en apparence devenu plus lucide suite aux nombreuses déceptions qui ponctuent l’odyssée de ce beau gosse sans cervelle, que Carloto Cotta interprète avec un goût magnifique pour l’autodérision. Le fil rouge qui prend alors l’allure d’une thérapie de groupe, constituée simultanément de la prise de conscience ultérieure de Diamantino et du double niveau de lecture instauré d’emblée auprès du spectateur, en dit plus long sur le dilemme intériorisé chez notre guide que les clichés outranciers à travers lesquels son entourage cherche à le manipuler. Plus qu’un benêt, il est la proie trop facile d’envies, qui le prennent, puis le lâchent sans prévenir, mais surtout de proches plus ambitieux que lui et donc prêts à tirer profit de son insouciance pathologique et plus forcément attachante sur la durée.

Une gaufre au Nutella pour un petit Canadien

La vacuité plutôt prononcée du personnage principal est amplement compensée par un feu d’artifices de fantaisies plus kitsch les unes que les autres, susceptibles d’épicer son quotidien niais. A commencer par ces chiens aux longs poils qui paraissent tout droit sortis du monde des Bisounours, de surcroît enveloppés d’une épaisse fumée rose pour parfaire le fantasme très étrange. Tandis que les quelques poncifs manichéens nous paraissent peu pertinents au delà du gag facile, avec ces sœurs qui ont tout des belles-sœurs issues d’un conte de fées comme Cendrillon, le lien que le scénario établit entre des préoccupations de l’actualité brûlante et l’univers préservé des super-riches paraît déjà plus probant. Évidemment, le demi-dieu national n’y verra que du feu. Mais au moins, la fiction n’abandonne pas complètement toute affinité avec la réalité, serait-ce par le biais d’une publicité qui se moque férocement des avocats d’une sortie portugaise de la communauté européenne ou bien du détournement vers le champ policier et romantique de la thématique des réfugiés. Cette dernière aurait certainement mérité un traitement moins dérisoire, bien que la vocation d’un film assez léger comme celui-ci soit plus de plaisanter que de disséquer amèrement tous les dysfonctionnements de notre civilisation contemporaine.

Conclusion

Le plaisir que Diamantino procure indéniablement relève plus du spectacle farfelu que du constat sévère sur le choc improbable et finalement truqué entre deux mondes que tout oppose. Vu les circonstances, les deux jeunes réalisateurs Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt ont fait de leur mieux pour garder à vif ce grain de folie qui anime leur film. Il n’en reste pas moins qu’on n’aurait pas non plus refusé une trame et un traitement encore plus osés que cette facétie plaisante, mais en fin de compte presque trop bon enfant.

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