Carnet de festival : PIFFF 2015 Jour 1

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PIFFF 2015 BANDEAU

Mercredi a débuté la première journée de compétition du PIFFF sous la nuit constellée de la salle 2 du Grand Rex. Nous avons donc commencé cette journée fantastique avec une série B au concept pour le moins absurde résumé par son titre, Curtain, que l’on peut traduire dans la langue de Shakespeare par le mot rideau, rideau de douche pour être plus précis. Ce voile plastique s’avère l’enjeu principal de cette histoire rocambolesque mettant en scène une jeune locataire new-yorkaise et son ami-collègue sauveur de baleines qui mènent une enquête sur un phénomène paranormal inédit: la disparition dudit rideau qui, à peine accroché, se retrouve aussitôt aspiré dans un vortex démoniaque caché derrière le mur carrelé de la salle de bain. Produit grâce à une campagne de financement participatif sur internet, Curtain est un petit film urbain tourné dans une poignée de décors naturels avec un casting limité de comédiens. Il y a pourtant chez Jaron Henrie-McCrea la volonté de faire du cinéma, parvenant par moment à nous faire oublier ces carences budgétaires, multipliant dans sa mise en scène les angles de prise de vue alambiqués, aidé par un groupe d’acteurs inconnus et souvent justes et crédibles dans leurs rôles. Le principal défaut de ce premier long réside dans sa construction qui peine à masquer sa véritable nature de court métrage étirée sur 90 minutes. Un film pas désagréable mais qui demeure tout de même très anecdotique.

Nous avons ensuite enchainé avec le premier classique de la programmation : Darkman de Sam Raimi. Un choix judicieux, et ce, pour plusieurs raisons. Il s’agit pour commencer de la première incursion du cinéaste dans le film de super-héros. Darkman fait à ce jour presque figure d’exception puisqu’il est l’un des rares bon films d’un genre cinématographique très en vogue aujourd’hui et qui avouons le, compte pléthore de navets en son sein. Fan de comics et auréolé du succès de son précédent film, le génial Evil Dead 2, Sam Raimi souhaitait adapter pour la Universal les aventures d’un de ses héros de bande dessinée favoris sur grand écran. Malheureusement pour lui, les licences appartenaient déjà à des studios concurrents. Un mal pour un bien, le réalisateur de Mort sur le grill décide de créer un personnage de son cru avec sa propre mythologie. En résulte une variation héroïque du Fantôme de l’opéra, un scientifique (excellent Liam Neeson) brûlé vif par de vils promoteurs immobiliers, tiraillé entre son désir de renouer avec son amour et celui de s’investir dans sa quête vengeresse. Entre tragédie, romance gothique, film de monstre, cartoon et ciné:ma d’action, Sam Raimi signe avec sa pâte unique et sa caméra virevoltante un prototype de ses futurs Spiderman. Si quelques effets spéciaux paraissent datés et les codes d’un genre éculé quelque peu usés parce que usés jusqu’à la lie par la suite, le charme de Darkman opère avec toujours autant d’effet. Le film nous rappelle l’actualité récente du cinéaste qui décline les aventures de son autre antihéros sur petit écran dans Ash vs Evil Dead.

Était ensuite très attendu le premier long métrage de Joyce A. Nashawati: Blind Sun. Cinéphile bien connue des cercles parisiens et réalisatrice talentueuse de court métrages, Joyce signe pour cet essai cinématographique une œuvre pour le moins singulière, un film de fantômes en plein «cagnard» pour reprendre son propre mort. Prenant racine dans une Grèce dystopique, l’histoire suit un jeune immigré engagé comme gardien de villa durant un été caniculaire. Seul dans cette bâtisse design ultra sécurisée, il va se retrouver persécuté par des ombres qui le tourmentent et sombrer progressivement dans la paranoïa. Blind Sun est un film solaire, brûlant, dont les silhouettes noires projetées sur les murs et la végétation aride rendent un contraste fascinant à l’écran. Minimaliste dans sa forme et pourtant soigné dans son esthétique, Blind Sun parvient à rendre palpable, grâce à sa richesse thématique et sa subtile caractérisation, la folie de son personnage. Accablé par un astre omniprésent et agressif, ce duel au soleil rappelle intelligemment le cinéma de Roman Polanski et le genre australien des années 70/80 dont elle est amatrice. Bien que n’étant pas exempts de défauts dans son écriture, le film confirme le talent certain de cette jeune cinéaste sincère et généreuse dans son approche du genre. Elle nous a fait l’honneur ensuite de répondre à une séance de questions/réponses à la fin de la séance au cours duquel elle a partagé avec le public son amour du cinéma et fait part de ses intentions de mise en scène.

Pour terminer cette riche journée nous avons vu le nouveau documentaire du duo Gilles Penso et Alexandre Poncet auteurs de l’excellent Ray Harryhausen : Le titan des effets spéciaux sur le maître de la stop-motion. Les deux compères poursuivent leurs investigations sur le monde fantastique des créateurs des effets spéciaux avec le très réussi Complexe de Frankenstein. Un récit passionnant sur ces artisans raconté par les nombreux et prestigieux intervenants (interrogés pour l’occasion. Exhaustif, le documentaire apparaît comme une profession de foi sur un courant artistique en voix d’extinction. Plus centré sur l’histoire des effets spéciaux et des films majeurs qui ont permis l’évolution de cet art de l’imaginaire, on découvre comment ces concepteurs ont été contraints, au fil des décennies, de s’adapter dans un modèle artistique et technologique en constante mutation. Émouvant, instructif, et même désopilant quand la parole incombe au duo de vétérans Joe Dante/ John Landis, Le Complexe de Frankenstein milite avec ferveur pour un mariage équitable entre les effets d’hier et les effets numériques d’aujourd’hui qui pullulent sur nos écrans. Si seulement les exécutifs des studios pouvaient les écouter !