Critique : American Graffiti

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afficheAmerican Graffiti

États-Unis : 1973
Titre original : –
Réalisateur : George Lucas
Scénario : George Lucas, Gloria Katz, Willard Huyck
Acteurs : Richard Dreyfuss, Ron Howard, Paul Le Mat
Distribution : Moonriver Entertainment
Durée : 1h50
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie : 01 mars 1974 – ressorti le 31 octobre 2012
 

Note : 4/5

Second film de George Lucas, American Graffiti résulte d’un pari lancé par Coppola le défiant de toucher une audience de masse. Aujourd’hui devenue une œuvre incontournable sur la pop culture et les années 60 en Amérique, elle a permis à son réalisateur de s’affirmer à Hollywood et de créer ce qui deviendra une des épopées les plus cultes au monde, la saga Star Wars.

 

Synopsis: La fin de l’été 62 à Modesto, petite bourgade de Californie, un groupe d’adolescents fraîchement diplômés passent une dernière nuit à s’amuser avant de faire face aux responsabilités de la vie et de l’âge adulte, synonymes de changement irréversible. A travers courses de voitures, drague en cruising et rock classique, on suit les destins croisés de quatre jeunes personnages modèles archétypiques : Curt le héros en plein questionnement existentiel, Steve le bon citoyen, Terry l’intello et John le « roi de la route ». Avant la fin de la nuit, leur perception du monde aura changé définitivement, et ils répondront à cette question qui ne cesse de se poser : partir ou pas ? Accepter le changement ou vivre dans le passé ?

 
chanteur
 

Le temps de l’innocence

Lucas rapproche l’Amérique des années 60 aux adolescents qui y vivent : tous deux vont connaître une période de transition. Il a voulu parler de l’expérience qu’il avait eu d’une génération naïve dans une époque entre deux guerres, insouciante. C’est quasiment une autobiographie qu’il nous livre avec cette histoire d’errance et de questionnements avant un passage à l’âge adulte qu’on ne peut pas empêcher.

Cette transition est au centre de tout : partir ou rester, un choix simple en apparence mais qui signifie oublier ses rêves d’enfant au profit de la réalité. Les personnages prennent conscience de l’enjeu de leurs choix et observent pour la première fois avec recul un monde qui leur paraît tout nouveau. Les voitures sont les véritables personnages principaux, et représentent le cocon de l’adolescence, les rituels auxquels les adolescents se livrent avant de devoir définitivement les abandonner : courses, cruising, vols, … Petit à petit, ils les quittent et voient enfin les choses plus clairement, d’une clarté irréversible.

Lucas voulait donner un échantillon le plus proche possible de la réalité de ce moment ; dans un rapport quasi-documentaire à l’époque représentée, il nous fait prendre conscience du chemin parcouru par le monde depuis ce passé révolu. L’idée d’irréversibilité est aussi présente que celle du changement ; les personnages, portés par des acteurs encore inconnus tels que Ron Howard, Richard Dreyfuss ou Harrison Ford, se posent cependant en modèles intemporels et universels. Les voitures transportent les personnages à travers un changement inévitable et les protège ; elles sont ce qui est le plus représentatif de cette époque, avec la bande-son rock omniprésente portée par la voix de Wolfman Jack (un véritable dj des années 60 qui fascinait Lucas dans sa jeunesse et sur lequel il voulait faire un documentaire), la figure du sage qui les rassure tout au long de la nuit.

 
voitures
 

Pari réussi

Lorsque Lucas a démarché les studios pour faire produire son scénario, aucun n’en a voulu. Pourtant, quand son projet est finalement produit par Universal avec l’aide de Coppola, il connaît un grand succès et devient le troisième film le plus populaire de 1973, projetant Lucas à Hollywood. Pourquoi un film qui semblait si impossible à sortir en salles a connu un tel succès ? Certainement parce qu’il rappelle la nostalgie de la période pré-guerre du Vietnam, mais surtout parce qu’il traite d’un sujet commun à tous : il provoque cette empathie qu’on ressent face aux personnes qui vivent ce qu’on a vécu, même si c’est dans un autre contexte historique.

Puisque Lucas devait créer un film qui toucherait les masses, il a choisi une signification qu’il avait envie de transmettre : il déclare qu’en n’ayant pas eu peur de l’inconnu, il avait réussi à faire ce qu’il avait réellement envie de faire, et que c’était une chose importante à transmettre. C’est finalement la réponse qu’attendent tous les personnages, et qui n’arrive qu’avec le film lui-même : comment faire le bon choix ? Malgré la protection de leurs voitures et la voix prophétique de Wolfman Jack qui les guide à la radio, c’est seuls que les personnages finiront par prendre leur décision. Lucas oppose l’idéal impossible à atteindre de ceux qui n’ont pas de but, et l’aisance, la confiance dans le monde de ceux qui ont fait leur choix. Pour lui, la vie est une transition constante.

American Graffiti signe la fin du rêve américain d’après-guerre ainsi qu’un questionnement non pas symptomatique d’une génération en Amérique mais de l’humanité toute entière. Chaque personne passera par cette transition et connaîtra une nuit comme celle-ci, où tous cherchent à s’amuser une dernière fois avant de faire leurs adieux à l’enfance et d’embrasser la réalité. C’est une dernière nuit dans un rêve partagé, une transformation collective, une fureur de vivre avant que tout ne change sans appel. Presque tous les plans sont tournées de nuit, et Modesto est la scène de ce croisement de destins dans un monde presque arrêté mais qu’on ne peut pas empêcher de continuer. En donnant peu d’indications aux acteurs et en tournant avec de la lumière quasi-naturelle dans des endroits survivants de cette époque, Lucas veut montrer la vérité de la vie à ce moment-là ; partager avec les spectateurs la nostalgie d’avoir été vivant à cet instant précis de l’histoire.

 
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Résumé

American Graffiti est un des « teen movies » qui a eu le plus d’influence sur le genre ; c’est un film culte sur l’amérique des années 60 et la pop culture, mais aussi sur le passage de l’enfance à la vie adulte, la difficile transition avec le monde de la réalité. C’est une histoire universelle et intemporelle, qui raconte un passage initiatique commun à tous. Il montre qu’il ne faut pas vivre dans le passé par crainte du futur, mais s’en libérer par un dernier moment, une dernière nuit d’insouciance : c’est ce rituel que vivent les personnages sous nos yeux.

 

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