Critique : Alda et Maria

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Alda et Maria

Portugal, 2011
Titre original : Por aqui tudo bem
Réalisateur : Pocas Pascoal
Scénario : Pocas Pascoal et Marc Pernet
Acteurs : Ciomara Morais, Cheila Lima
Distribution : JHR Films
Durée : 1h38
Genre : Drame de réfugiés
Date de sortie : 14 janvier 2015

Note : 3/5

L’époque n’est pas la nôtre, ni le pays, le Portugal, qui a perdu beaucoup de son attrait pour les immigrés ces trente dernières années. Mais sinon, le drame évoqué dans ce premier film est représentatif de la misère qui rattrape – tôt ou tard – quiconque s’aventure hâtivement dans un exil subi. Le sort des deux adolescentes au cœur de Alda et Maria bascule ainsi brutalement dans la précarité, dès qu’elles doivent quitter leur foyer provisoire. L’odyssée qui s’ensuit s’abstient d’événements trop glauques, qui nourriraient un désespoir sans fond. Elle exprime par contre en toute simplicité une tristesse et une nostalgie, qui finissent par paralyser tous les réfugiés à un moment donné de leur exode.

Synopsis : Les deux sœurs Alda et Maria sont envoyées à Lisbonne en 1980, afin d’échapper à la guerre civile dans leur pays natal, l’Angola. D’abord hébergées dans une pension, les filles doivent la quitter quand leurs économies s’épuisent. Elles ne retrouvent un domicile fixe que grâce à l’intervention de la couturière Alice, qui leur offre même un peu de travail chichement payé. Tandis que Maria, la cadette, tombe amoureuse de Carlos, un jeune trafiquant d’un quartier voisin, Alda, l’aînée, s’inquiète de ne plus avoir de nouvelles de leur mère, qui était censée rejoindre leurs filles, afin de commencer ensemble une nouvelle vie au Portugal.

Angola – Lisbonne

L’inflation des conflits sanglants est hélas telle, qu’il devient impossible de se souvenir de toutes les guerres civiles ne serait-ce que depuis le début du siècle. Alors que ces affrontements armés bousculent dans le meilleur des cas un tout petit peu le statu quo d’une répartition du pouvoir sous forme pyramidale, ils propulsent des centaines de milliers, voire des millions d’hommes, de femmes et d’enfants dans la tragédie traumatisante de la fuite. Le premier film de Pocas Pascoal ne s’intéresse guère à ce qui s’était passé dans son pays d’origine peu de temps après l’indépendance. De toute façon, la famille de ses protagonistes était au mieux un pion sans défense sur un échiquier d’intérêts qui la dépassaient largement. En conséquence, son approche relève d’une singularité plus intimiste. Elle suit sobrement ces deux filles au cours d’un été sous le signe de privations de plus en plus éprouvantes. Rien de misérabiliste n’est à déceler dans ce regard proche de l’autobiographie, puisque la réalisatrice avait jadis emprunté elle-même un parcours comparable. Juste un certain réalisme empreint d’optimisme, pris uniquement en défaut lors des revirements les plus graves de l’intrigue.

Lisbonne – la France

Car tout en se battant pour une nouvelle existence loin de chez elles, les deux sœurs accèdent à l’âge adulte. Alda y est déjà, d’une certaine façon, par la responsabilité qu’elle assume sans broncher pour Maria et par la vision pragmatique qu’elle a de leur situation nullement stable. Contrairement à elle, sa sœur n’a pas encore totalement quitté son petit nuage, fait de béguins et d’une forme d’innocence à laquelle Alda ne souscrit plus. C’est Maria qui vole et qui cède facilement aux avances de Carlos, à qui elle est même prête à pardonner qu’il l’a droguée, afin de s’amuser avec une autre fille à une fête. Son réveil sera d’autant plus rude, tandis que l’aînée a d’ores et déjà fait une croix sur la parenthèse portugaise pour voir plus loin, du côté d’une France idéalisée peut-être à tort. Le lien fragile entre ces deux jeunes femmes, solidaires par fraternité, mais également conscientes des différences grandissantes entre elles, agit comme le vecteur d’action principal au sein d’un récit, qui brille sinon par l’acuité de son regard. La mise en scène n’a ainsi nullement besoin d’employer les grands moyens formels pour susciter l’émotion. Elle y parvient en restant seulement fidèle à la vérité humaine de ses personnages.

Conclusion

Il ne faut pas toujours un coup d’éclat tonitruant pour reconnaître un nouveau talent. Avec son premier film, Pocas Pascoal ne déplace aucune montagne cinématographique. Elle nous gratifie cependant de la promesse d’une belle filmographie à venir, à condition qu’elle sache dépasser le confort d’un milieu familier pour affirmer encore plus ses capacités indéniables. Elle saura alors prendre sa place amplement méritée dans la lignée d’un cinéma réaliste et engagé, qui ne s’abaisse pas au niveau du chantage sentimental pour se rendre intéressant.

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