Critique : 20th Century Women

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20th Century Women

Etats-Unis, 2016
Titre original : 20th Century Women
Réalisateur : Mike Mills
Scénario : Mike Mills
Acteurs : Annette Bening, Elle Fanning, Greta Gerwig, Billy Crudup
Distribution : Mars Films
Durée : 1h59
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 1er mars 2017

Note : 3/5

Elever seul un enfant n’a jamais été une mince affaire. Selon les époques, cette tâche parentale accrue s’est traduite par la solitude, voire l’ostracisme social, et une grande précarité. Dans son troisième film, le réalisateur Mike Mills rend un hommage appuyé à ces mères courage – car dans l’immense majorité des cas il s’agit de mères – qui jonglent entre exigences d’éducation, obligations professionnelles et une vie affective souvent anémique. Face à la force et à la sincérité de la description de ce microcosme familial maintes fois recomposé, le coloris nostalgique qui sous-tend 20th Century Women devient presque anecdotique. Les quelques dispositifs formels faussement « vintage » et une complaisance pour le moins préoccupante à l’égard du tabagisme ne font en effet guère le poids, comparés à l’authenticité des personnages, celui de la mère sans arrêt dépassée par les frasques de son fils et pourtant toujours à son écoute en tête. Annette Bening l’interprète d’une façon tout simplement magistrale !

Synopsis : Santa Barbara, 1979. La quinquagénaire Dorothea élève seule son fils adolescent Jamie. Elle habite dans une vieille maison qu’elle est en train de rénover et dont elle a loué deux pièces à la jeune photographe Abbie et au mécanicien William. Cette communauté de vie improvisée, à laquelle se joint régulièrement Julie, une amie de longue date de Jamie, fournit le soutien nécessaire à Dorothea pour ne pas se sentir seule et abandonnée dans sa volonté sans cesse renouvelée d’être une bonne mère. Un accident bénin de son fils lui fait cependant prendre conscience que leur relation se détériore. Elle demande alors explicitement de l’aide à Abbie, qui se remet tout juste d’un cancer de l’utérus, et à Julie, d’ores et déjà en plein éveil sexuel, mais qui préférerait que Jamie reste simplement son confident.

Les limites de la franchise

La fin des années ’70 correspondait à ce genre de fin de cycle dont l’Histoire contemporaine est ponctuée à intervalles réguliers. La révolution culturelle et morale qui avait tenu en haleine la société américaine pendant près de vingt ans était en train de sérieusement s’essouffler, en attendant le retour de bâton prochain de l’ère matérialiste Reagan. Or, le changement dans la tête des gens ne s’opère pas forcément à la même vitesse que celui imposé par les événements qui se bousculent. Ce film tient adroitement compte de ce décalage constant ou plutôt d’une tentative incessante de rattrapage afin d’être à la hauteur de son temps. D’un point de vue formel, le résultat est assez mitigé, avec ces effets de fausses couleurs psychédéliques qui accompagnent les virées en voiture ou ces montages de photos qui campent sommairement le contexte global de l’intrigue. De même, si nous concevons parfaitement que le rapport à la cigarette était alors dangereusement insouciant, nous nous demandons si l’omniprésence à peine réprimandée de personnages en train de fumer était vraiment indispensable. Car le véritable air du temps se transmet ici d’une manière mille fois plus probante, grâce à l’état d’esprit de Dorothea et de ses proches, animés encore par les idées un brin farfelues sur lesquelles ils avaient bâti leur propre vie d’adulte, quoique suffisamment lucides pour se rendre compte que la naïveté des 68ards a besoin d’une mise à jour pragmatique pour rester pertinente aux yeux de la génération de leurs enfants.

Annette Bening au sommet

Le vecteur principal de cette prise de conscience, toujours imparfaite et donc en perpétuelle évolution, est bien sûr le personnage de la mère. Par son jeu admirablement nuancée, Annette Bening confère à cette femme une fragilité, qui devient paradoxalement sa force parce qu’elle sait en tenir compte pour demander de l’aide et se mettre en question. Ses stratagèmes pour fournir une éducation équilibrée et complète à son fils échouent certes pour la plupart. Mais au sein d’une histoire, qui a parfois tendance à tourner un peu en rond, ses erreurs d’appréciation successives contribuent à enrichir et à épaissir considérablement son personnage. En guise d’hommage suprême à une variation agréablement complexe sur la figure de la mère, Dorothea y est autant une source d’émotion que d’humour, à la fois l’artisan principal de son édifice familial bancal et son observateur détaché. Grâce à l’interprétation sans fard et sans affectation de la part de Bening, cette femme, trop âgée pour être la mère d’un adolescent turbulent et trop romantique pour ne pas ressentir le désert affectif qui la dessèche, se fait une place de choix dans le cœur du spectateur. Son impact émotionnel aurait peut-être même été plus important encore, si le scénario avait fait l’impasse sur le prolongement biographique du récit vers l’avenir des personnages. Cette figure de style narrative rarement probante cherche en effet à inscrire l’existence de Dorothea dans un arc plus épique, alors qu’une bonne partie du charme de 20th Century Women repose sur son caractère imprévisible et vivant dans l’instant présent, jamais à court de voies d’improvisation.

Conclusion

Le cinéma américain a – sans doute à juste titre – la mauvaise réputation de mettre irrémédiablement à l’écart les actrices à partir d’un certain âge. Cette comédie au ton doux-amère plutôt maîtrisé fait exception à la règle. Elle offre même à Annette Bening un véritable rôle en or, par le biais du personnage d’une mère qui cherche par tous les moyens à rester proche de son fils, quitte à inclure des influences très disparates dans son éducation sentimentale et philosophique. Rarement, cette actrice accomplie aura été habitée davantage par un personnage, au croisement parfait entre l’instinct maternel à l’état pur et l’intelligence de vie nécessaire pour faire la part des choses !

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