Test Blu-ray : Le Pays bleu

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Le Pays bleu

France : 1977
Titre original : –
Réalisateur : Jean Charles Tacchella
Scénario : Jean Charles Tacchella
Acteurs : Brigitte Fossey, Jacques Serres, Ginette Garcin
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h44
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 23 février 1977
Date de sortie Blu-ray : 6 juillet 2022

Dans une vallée provençale, des citadins viennent s’établir pour cultiver une terre abandonnée. Afin de créer des liens amicaux entre tous les habitants du village, Louise organise un grand déjeuner champêtre. Mathias, le camionneur lui vient en aide. Bientôt, ils s’aimeront mais en préservant leur indépendance. Mathias vend son camion et sa maison pour vivre dans un cabanon isolé et reprend son métier de cantonnier. Certains citadins, déçus, préfèreront quitter la région…

Le film

[3,5/5]

Le cliché des communautés baba-cool pratiquant l’amour libre au sein de communautés auto-suffisantes (ou, si on voulait encore un peu caricaturer les choses, des « citadins qui s’en vont élever des chèvres dans le Larzac ») a fait l’objet d’une petite poignée de films dans les années 70, à la tonalité plus ou moins sérieuse. Cependant, si beaucoup de cinéastes avaient tendance à développer un regard sévère vis à vis de ces communautés, comme pour se gausser de la mort des idéaux post-mai 68, on ne trouvera pas la moindre trace de cynisme dans Le Pays bleu de Jean-Charles Tacchella (1977), qui à sa manière évoque également un retour à la terre et à un abandon de la notion de propriété.

S’il est aujourd’hui un cinéaste un peu oublié, Jean-Charles Tacchella était au sommet de sa popularité au moment de la préparation du Pays bleu : il sortait en effet de l’immense succès de Cousin, Cousine, qui avait à la fois été nommé à de multiples occasions non seulement aux Césars, mais également aux Oscars et aux Golden Globes en 1976. Et pour aussi différents qu’ils puissent paraître à première vue, Le Pays bleu et Cousin, Cousine ont bel et bien un air de famille, dans les paysages, la tonalité, et bien sûr ce que le film raconte et la façon dont les événements s’imbriquent et nous sont amenés. Ainsi, avec son film de 1977, Jean-Charles Tacchella nous emmène à nouveau aux cotés d’un couple décalé, composé d’un homme et d’une femme qui s’aiment à leur manière, en faisant fi de la bien-pensance et des conventions sociales.

Bien sûr, le récit de l’expérience du couple formé à l’écran par Brigitte Fossey et Jacques Serres est fortement impacté par l’environnement et le contexte du Pays bleu, mais la ressemblance est bel et bien là, et d’autant plus prégnante que le ton bienveillant et l’amour que Jean-Charles Tacchella porte à ses personnages est assez unique en son genre. Lui, c’est donc Mathias, 38 ans, libre, un peu flemmard sur les bords, qui sillonne les routes du Vaucluse en livrant des fruits et des légumes. Elle, c’est Louise, une infirmière venue de Paris (« la grande ville ») s’installer dans le Lubéron. Libre également, et passionnée. Tout le cœur du Pays bleu est de montrer au spectateur comment ces deux libertés vont finalement se trouver, et se conjuguer au présent, sans la pression du mariage ou de l’union jusqu’à ce que la mort les séparent.

Mais bien sûr, comme on le disait en préambule, Le Pays bleu, c’est aussi un film de « communauté », et qui dit communauté dit film choral – car Louise et Mathias ne sont pas seuls dans le pays bleu : il y a autour d’eux les soixante-quatre habitants du village, gens du cru ou venus d’ailleurs, parisiens immigrés ou provençaux en instance d’émigration, que Louise invite tous ensemble à sa table, et qui feront par la suite un voyage tous ensemble. Car la liberté et l’indépendance prônées par Louise et Mathias ne les empêche pas d’entretenir de bons rapports avec le petit monde qui les entoure – une véritable leçon de « vivre ensemble », pour reprendre une expression très en vogue il y a quelques années.

Afin de privilégier un style presque « impressionniste », Jean-Charles Tacchella fait le choix avec Le Pays bleu d’un montage très découpé, jouant avec les ellipses temporelles, s’amusant à casser des qu’elle pourrait naître toute émotion, à étouffer dans l’œuf tout recours au pathos. Même l’attendrissement pour ses personnages – auquel le cinéaste cède parfois – se voit la plupart du temps désamorcé au moment même où il se produit, par le biais de l’humour. Ainsi, la courte séquence où Manon (Ginette Tacchella) applaudit le lever du soleil, celle où Zoé (Ginette Garcin) parle aux arbres, et surtout les scènes d’intimité seront quasi-systématiquement désamorcés par une réflexion cocasse, ou un différend sur l’ouverture / fermeture de la fenêtre. De fait, Le Pays bleu refuse clairement le réalisme et le sérieux dans la représentation de ses « tranches de vie », et le film de naviguer joyeusement entre la bienveillance et la vacherie, entre la tendresse et la rigolade. Un joli moment.

Le Blu-ray

[4/5]

Comme à l’époque de la sortie du film dans les salles obscures, c’est aujourd’hui Gaumont qui nous propose de (re)découvrir Le Pays bleu sur support Haute-Définition. Techniquement, l’éditeur connaît son affaire et il y aura bien peu à (re)dire concernant cette édition Blu-ray : la définition est précise, les couleurs riches et bien saturées (malgré un étalonnage aux tons froids), les noirs sont profonds, et la restauration a pris soin de préserver le grain argentique d’origine. Bien sûr, les plans « à effets » (générique, mentions écrites, fondus enchaînés) accusent des effets du temps, mais le reste est d’une propreté et d’une stabilité tout à fait étonnantes. Côté son, la version française est naturellement proposée en DTS-HD Master Audio 2.0 : le rendu acoustique est aussi stable et propre que parfaitement clair.

Côté suppléments, Gaumont nous propose tout d’abord un entretien avec Jacques Serres (24 minutes). L’acteur principal du Pays bleu reviendra sur la façon dont il est arrivé sur le film, ainsi que sur le tournage, sur son amitié avec Jean-Charles Tacchiella ainsi que sur les hauts et les bas du métier d’acteur. Très intéressant ! On continuera ensuite par un entretien avec Bernard Payen (21 minutes), responsable de programmation Cinémathèque française, qui reviendra sur la carrière de cinéaste de Jean Charles Tacchella, avant d’aborder le film dans le détail (structure, personnages…). On terminera avec la traditionnelle bande-annonce.

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