Critique : Un homme idéal

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Un homme idéal

France : 2015
Titre original : –
Réalisateur : Yann Gozlan
Scénario : –
Acteurs : Pierre Niney, Ana Girardot, André Marcon 
Distribution : Mars Distribution
Durée : 1 h 37
Genre : Thriller
Date de sortie : 18 mars 2015

Note : 5/5

Entre Big Eyes et Un homme idéal, les imposteurs du monde artistique battent leur plein en cette fin de mars 2015. D’autant que la sortie du film de Yann Gozlan coïncide avec la mise en cause de l’un des auteurs les plus acclamés de la rentrée littéraire (Eric Reinhardt) pour atteinte à la vie privée et contrefaçon dans un roman qui vient tout juste d’être primé… Dans Un homme idéal, le héros est un parfait imposteur. Cet imposteur, c’est Pierre Niney qui l’interprète, celui-là même dont on avait reconnu le talent pour incarner un génie de la mode (authentique, celui-ci) dans le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert. Dans Un homme idéal, on dirait plutôt de Pierre Niney qu’il se glisse dans la peau de caméléon d’un écrivain médiocre qui, se faisant passer pour un artiste talentueux, accomplit en fait une véritable performance d’acteur.

Synopsis : Mathieu, 25 ans, aspire depuis toujours à devenir un auteur reconnu. Un rêve qui lui semble inaccessible car malgré tous ses efforts, il n’a jamais réussi à être édité. En attendant, il gagne sa vie en travaillant chez son oncle qui dirige une société de déménagement…
Son destin bascule le jour où il tombe par hasard sur le manuscrit d’un vieil homme solitaire qui vient de décéder. Mathieu hésite avant finalement de s’en emparer, et de signer le texte de son nom…
Devenu le nouvel espoir le plus en vue de la littérature française, et alors que l’attente autour de son second roman devient chaque jour plus pressante, Mathieu va plonger dans une spirale mensongère et criminelle pour préserver à tout prix son secret…

UN HOMME IDEAL, un film de Yann Gozlan avec Pierre Niney et Ana Girardot

Un thriller bien serré

Placé sous le signe de Stephen King, dont le mot d’ordre « écris au moins 2 500 signes par jour » pèse comme une épée de Damoclès au-dessus du bureau de l’écrivain médiocre, Un homme idéal se donne pour un thriller réaliste, dont certains éléments rappellent Secret Window, Secret Garden de King (Secret Window pour l’adaptation au cinéma). À l’image des séquences de voiture qui, seules, entrecoupent un récit chronologique, le film est conduit avec une maîtrise imperturbable qui flirte avec la démence du personnage. Le cadre, réaliste, et le récit, chronologique, accroissent justement la sensation oppressante du piège qui se referme ainsi que la conscience de l’horreur… Mais c’est un thriller sans inconnue, puisque l’imposture de Mathieu est d’emblée sue de ses seuls complices, les spectateurs. Et c’est un thriller à la française. L’intrigue est comme enchâssée dans l’écrin précieux du monde, très parisien, des prix et des salons littéraires (et mondains). Cerise sur le gâteau, c’est l’ex-comédien choyé de la Comédie Française qui joue (avec le brio et le style que requiert le personnage) le double rôle de l’archétype du jeune talent littéraire et de l’homme de paille qui en est à l’origine, un personnage médiocre du point de vue littéraire mais brillant pour son talent d’acteur. C’est donc un délicieux thriller que cet Homme idéal, qui se plaît à jouer avec les codes du film français et les clichés du milieu littéraire.

UN HOMME IDEAL, un film de Yann Gozlan avec Pierre Niney et Ana Girardot

En sait-on vraiment trop pour que l’intrigue soit efficace? Depuis le début, on sait que Mathieu a apposé son nom à un texte qui n’est pas le sien, issu d’un manuscrit dont l’apparence et la découverte semblent volontairement caricaturaux. Sorte de cliché de l’imaginaire livresque, il s’agit d’un carnet dont l’épaisse couvrure de cuir produit un aspect suranné, qui était enfoui dans un recoin qui aurait pu n’être jamais au jour, et qui contient un journal de guerre au style sec et ciselé. Le manuscrit, saisi sur ordinateur publié chez un éditeur renommé, fait accéder Mathieu au statut d’écrivain à succès. En fait, l’intrigue se noue réellement quand Mathieu passe les vacances dans la villa idyllique de sa belle famille. C’est dans cette enclave de raffinement et de luxe bourgeois qu’il doit faire face aux conséquences de son imposture. Le plaisir vient justement de ce qu’on le voit se débattre, dans l’ombre, presque sous les yeux de sa belle famille, avec le monstre qu’il a lui-même créé et qui ne cesse de grossir…

UN HOMME IDEAL, un film de Yann Gozlan avec Pierre Niney et Ana Girardot

La contrefaçon, thème et forme du film ?

Déjà accusé sur les blogs de n’être lui-même qu’un plagiat de The Words de Brian Klugman et Lee Sternthal, le film de Yann Gozlan focalise bien tous les degrés de réflexion sur la contrefaçon. Prenant le plagiat pour sujet, il ferait lui-même semblant de contrefaire un autre film sur le thème du plagiat… Et si Un Homme idéal était un film idéal sur le plagiat ? Nous ne nous aventurerons pas plus avant sur le sujet, mais la ressemblance peut-être troublante avec The Words ou d’autres films pourrait être prise comme une pure et joyeuse plaisanterie de la part d’un réalisateur bien conscient du comble qui consisterait à plagier ouvertement un film sur le plagiat…

UN HOMME IDEAL, un film de Yann Gozlan avec Pierre Niney et Ana Girardot

Parce qu’il y a aussi une véritable dimension comique et satirique dans Un homme idéal. Le caractère double et superficiel du petit milieu littéraire parisien est porté à son comble dans la personne même de Mathieu. Car il remplit bien toutes les conditions nécessaires pour faire partie intégrante de ce système de consécration et de reconnaissance (sa culture, sa diction, sa répartie, sa capacité d’adaptation au milieu auquel il aspirait depuis toujours et dont il connaît toutes les règles), toutes sauf une : celle d’être l’auteur du texte qui fait son succès. Ainsi la duplicité du personnage sert-elle à révéler, avec une drôlerie grinçante, la vanité des relations amoureuses et sociales. Dans quelle mesure le fait que Mathieu est un écrivain talentueux, et reconnu, change-t-il quoi que ce soit à l’attirance première qu’Alice pouvait avoir pour lui ? À l’inverse, ce qui l’a séduit, chez Alice, c’était bien le propos littéraire sur le parfum qu’elle tenait dans le cadre d’une conférence universitaire. Mais là encore, cela ne prouve-t-il pas que Mathieu était attiré davantage par un titre, un statut, que par une personne ?

Conclusion

Si le thème de l’imposture artistique prend la forme, dans Un homme idéal, d’un thriller bien ciselé, c’est sur le fond d’un milieu assez complexe et hypocrite dont Yann Gozlan exploite toutes les potentialités dramatiques et satiriques et que Pierre Niney, l’ex-comédien de la Comédie Française, finit de perfectionner.

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