Critique : L’Idéal

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L’Idéal

l'idéal affiche - CopieFrance : 2016
Titre original : –
Réalisateur : Frédéric Beigbeder
Scénario : Frédéric Beigbeder, Nicolas Charlet, Bruno Lavaine, Yann Le Gal, Thierry Gounaud, daprès le roman « Au secours pardon », de Frédéric Beigbeder.
Acteurs : Gaspard Proust, Audrey Fleurot, Jonathan Lambert
Distribution : Légende Distribution
Durée : 1h30
Genre : Comédie
Date de sortie : 15 juin 2016


Note : 2.5/5

L’Idéal est le troisième roman de Frédéric Beigbeder adapté pour le cinéma et le deuxième film réalisé par ce véritable touche-à-tout. Résumons : 99 francs, adaptation du roman homonyme, satire du monde de la publicité, a été réalisé  en 2007 par  Jan Kounen ; en 2011, Beigbeder réalise lui-même l’Amour dure trois ans et, aujourd’hui, voici L’Idéal.  On y retrouve le personnage principal de 99 francs, Octave Parango : il est passé du monde de la publicité à celui, pas tellement différent, de la mode et des produits de beauté ; il n’est plus interprété par Jean Dujardin, mais par Gaspard Proust, déjà tête d’affiche  de L’Amour dure trois ans.

Synopsis : L’ancien concepteur-rédacteur Octave Parango de « 99 francs » s’est reconverti dans le « model scouting » à Moscou. Cet hédoniste cynique mène une vie très agréable dans les bras de jeunes mannequins russes et les jets privés de ses amis oligarques… jusqu’au jour où il est contacté par L’Idéal, la première entreprise de cosmétiques au monde, secouée par un gigantesque scandale médiatique.
Notre antihéros aura sept jours pour trouver une nouvelle égérie en sillonnant les confins de la Russie post-communiste, sous les ordres de Valentine Winfeld, une directrice visuelle sèche et autoritaire.
Entre les réunions de crise à Paris, les castings à Moscou, une élection de Miss en Sibérie, une fête chez un milliardaire poutinien et une quête des « new faces » aux quatre coins de l’ex-URSS, le fêtard paresseux et la workaholic frigide vont apprendre à se supporter et peut-être même à se sauver.

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A la recherche de la nouvelle égérie

Ayant quitté le monde de la publicité de 99 francs, Octave Parango est devenu « Model scout » à Moscou. Son job : diriger des castings au cours desquels de très belles jeunes filles défilent sous ses yeux en essayant de le convaincre de les engager pour en faire des mannequins disponibles pour la mode ou les produits de beauté. Son discours, toujours le même, dispensé en anglais : vous êtes pauvre, grâce à moi, vous allez devenir riche ! Les à-côtés de son job : du bon temps dans les bras de jeunes mannequins russes et dénudées ; les fêtes orgiaques et grandioses auxquelles il est convié chez ses amis oligarques. Mais voilà qu’un jour, l’Idéal, énorme entreprise de cosmétique, se retrouve dans la tourmente suite à la diffusion sur Youtube d’une sex-tape scabreuse mettant en scène son égérie, l’actrice Monica Pynchon, un petit film dans lequel la partie sexuelle n’est rien à côté des propos  pro-nazis qu’on y entend. La parade pour l’entreprise ? Trouver une nouvelle égérie le plus vite possible. La trouver en sept jours : c’est la tâche que Carine Wang, la big boss de l’Idéal, assigne à Octave Parango, après l’avoir convoqué d’urgence à Paris. Une tâche compliquée par le fait qu’on lui impose la présence à ses côtés de Valentine Winfeld, la « visual coach » de l’Idéal, une femme cassante et autoritaire qu’Octave Parango ne porte pas particulièrement dans son cœur. S’ensuit une virée dans la Russie post-communiste dans laquelle des oligarques richissimes décorent leurs palais de statues et de portraits de Staline et de Lénine qui voisinent avec des faucilles et des marteaux. Une virée dans laquelle la découverte de l’égérie tant recherchée va représenter une énorme surprise pour Octave et va bouleverser sa vie.

 

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Et j’ai ri !

Lorsqu’un film a réuni plus de 2 scénaristes, il est prudent de se méfier. L’Idéal en a réuni 5 ! Résultat : c’est dans le scénario que résident les défauts les plus flagrants du film, en particulier en ce qui concerne l’articulation entre les différentes séquences du film. On ressent très nettement l’impression que chacune de ces séquences a été écrite par un scénariste parmi les cinq et qu’on passe à la séquence suivante sans qu’ait été vraiment travaillée la continuité entre l’une et l’autre. Si on met de côté de ces défauts, l’Idéal s’avère à la fois excitant et irritant. Excitant, il l’est par la charge menée tambour battant contre un monde dans lequel la futilité règne de façon absolue, le monde de l’Oréal, qu’il n’est pas difficile de deviner, caché derrière celui de L’Idéal. Irritant, car, à la vision du film, dans lequel prolifèrent de jolies jeunes femmes peu farouches, très minces et peu habillées, on n’arrive pas trop à comprendre où se situe le réalisateur, par ailleurs directeur de la rédaction de Lui, par rapport à l’exploitation du corps de la femme dans ce milieu de la mode. Excitant, il l’est par une certaine recherche esthétique et les clins d’œil lancés à de grands réalisateurs, comme, au milieu du film, cette grandiose scène d’orgie cocaïnée très inspirée par le cinéma de Fellini. Irritant, car, dans ce domaine comme dans d’autres, Beigbeder préfère se tourner vers le passé (le sien, celui du cinéma) plutôt que de nous donner sa vision du futur. A moins que ce que nous montre la scène finale, sur laquelle, bien entendu, on restera discret, représente la vision de son propre futur. Quant au futur en général, si le film cherche à nous montrer que nous vivons la fin des utopies du 20ème siècle, fascisme, communisme, libéralisme, il ne propose aucune piste sur ce qui nous attend, que ce soit souhaité ou craint. Mais, après tout, ce n’était sûrement pas le but du film ! Excitant, il l’est par la succession de bons mots que distille le film à intervalles réguliers. Un exemples ?  « On veut une fille tellement jeune que, quand on lui parle de 39-45, elle pense taille de chaussure ». Rien d’irritant concernant ce domaine, car rire à la causticité de ces bons mots ne nuit pas à la réflexion qu’ils peuvent, qu’ils doivent générer.  l'idéal 8 - Copie

Des comédiens humoristes

Dans le rôle d’Octave, Frédéric Beigbeder a donc repris le double qu’il avait déjà choisi pour L’Amour dure trois ans : l’humoriste slovéno-suisse et « desprogien » Gaspard Proust. Dans le rôle de Carine Wang, la patronne de L’Idéal, un homme, un autre humoriste : Jonathan Lambert, dont on connait le goût pour les travestissements. L’avantage de prendre des humoristes connus pour jouer des rôles importants au cinéma réside, pour le réalisateur et la production, dans leur apport éventuel en matière de bons mots, mais aussi, ne le cachons pas, dans le phénomène d’appel auprès du public qui nait de ce choix. L’inconvénient, c’est qu’il leur est souvent difficile d’arriver à faire oublier aux spectateurs, dans les rôles qui leur sont proposés, ce qu’on connait d’eux en tant qu’humoristes, via la télévision ou la scène. Malgré les qualités de comédiens de Gaspard Proust et de Jonathan Lambert, force est de reconnaître qu’on ressent souvent la gêne que procure cet inconvénient. Quant au rôle de Valentine Winfield, il est tenu (et bien tenu !)  par Audrey Fleurot. Dans L’Idéal, on a droit à une courte apparition de Beigbeder en personne : au cours d’une fête, à son hôte qui ne sait dire que « Fiesta » et « Funny », on l’entend répondre « fête = pas drôle, vie = drôle ». Un nouveau crédo pour un homme qui aurait décider de se ranger ? Concernant la musique, Beigbeder a choisi d’aller piocher dans sa play-list, ce qui nous vaut d’entendre le meilleur (Eels, « My Girl » par The Jesus and Mary Chain) comme le moins bon (la version « pas terrible » de Suzy Q, l’excellente chanson de Dale Hawkins, par José Feliciano).

 

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Conclusion

Arrivant une semaine après The Neon Demon de Nicolas Winding Refn, autre film consacré au milieu de la mode, L’Idéal va-t-il réussir à trouver son public en plein Championnat d’Europe de Football et sans bénéficier, contrairement à son concurrent, du prestige de la sélection cannoise ? Même s’il souffre de défauts flagrants, par certains côtés, ce film le mériterait. Cela permettrait peut-être à Frédéric Beigbeder de se lancer enfin dans une entreprise qui le titille mais qu’il appréhende : la réalisation d’un film pour lequel il aurait écrit un scénario original.

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