Critique : Les éblouis

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Les éblouis

France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Sarah Suco
Scénario : Sarah Suco, Nicolas Silhol
Interprètes : Camille Cottin, Jean-Pierre Darroussin, Eric Caravaca, Céleste Brunnquell
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h39
Genre : Drame
Date de sortie : 20 novembre 2019

3.5/5

C’est d’abord comme actrice que Sarah Suco a atteint une certaine notoriété au  cinéma. C’est ainsi que, récemment, on a pu la remarquer dans Aurore, Place publique, Les invisibles, Guy et Comme des garçons. Il y a 2 ans, elle s’est lancée dans la réalisation, avec Nos enfants, un court-métrage de 11 minutes. Les éblouis est son premier long métrage en tant que réalisatrice. Elle en a écrit le scénario en collaboration avec Nicolas Silhol, le réalisateur de Corporate. Ayant elle-même vécu pendant 10 ans, avec sa famille, alors qu’elle était enfant,  puis adolescente, au sein d’une communauté charismatique, elle a senti le besoin, plusieurs années après avoir quitté cet univers très particulier, de réaliser un film de fiction sur ce sujet.

Synopsis : Camille, 12 ans, passionnée de cirque, est l’aînée d’une famille nombreuse. Un jour, ses parents intègrent une communauté religieuse basée sur le partage et la solidarité dans laquelle ils s’investissent pleinement. La jeune fille doit accepter un mode de vie qui remet en question ses envies et ses propres tourments. Peu à peu, l’embrigadement devient sectaire. Camille va devoir se battre pour affirmer sa liberté et sauver ses frères et sœurs.

L’entrée d’une famille dans une communauté charismatique.

Ainée des enfants de la famille Lourmel, Camille a 2 frères et une sœur. A 12 ans,  sa grande passion, c’est le cirque et, plusieurs fois par semaine, elle suit une formation afin de progresser dans les différents domaines de cet univers. Jusqu’au jour, où, presque par hasard, ses parents, Frédéric et Christine, se retrouvent à prendre contact avec la communauté de La Colombe, une communauté charismatique menée par un prêtre surnommé « Le berger » par ses membres. Pour « Le berger », la pratique des activités liées au cirque est incompatible avec la relation que ses fidèles se doivent d’avoir avec le Christ. Pas de chance pour Camille : ses parents intègrent la communauté et elle doit arrêter ses cours de cirque. Partagée entre l’amour qu’elle continue à porter à ses parents et la responsabilité dont elle se sent investie concernant le devenir de ses frères et de sa sœur, Camille a du mal à faire le choix de dénoncer à la police les dérives sectaires de la communauté.

Une communauté charismatique, c’est quoi ?

Même si, arrivée à 18 ans, Sarah Suco a fini par fuir la communauté dans laquelle ses parents l’avaient élevée, elle et ses frères et sœur, elle ne souhaitait pas réaliser un film d’où suinteraient la haine et la colère. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a pris la décision de ne pas écrire seule le scénario, la présence de Nicolas Silhol à ses côtés lui permettant de prendre plus de distance par rapport au sujet et aux personnages du film. Ce n’est pas vraiment une surprise que le personnage central du film soit une très jeune fille et il est plus que probable que la réalisatrice a mis beaucoup d’elle-même dans ce personnage. Lorsqu’on fait connaissance avec Camille, elle a 12 ans et, tout au long du film, on la voit devenir plus mûre au point d’inverser les rôles avec ses parents qui, de leur côté, intoxiqués par l’endoctrinement dont ils sont l’objet au sein de La Colombe, glissent progressivement vers une sorte d’infantilisme irresponsable. On parle beaucoup, à juste titre, de l’endoctrinement au sein de l’islam radical mais le fait qu’en France, plus de 50 000 enfants soient victimes de dérives sectaires au sein de communautés comme La Colombe, parfaitement intégrées au sein de l’église catholique, est beaucoup moins souvent évoqué.

Il faut noter que le film n’est pas complètement à charge concernant la Colombe et on peut penser que la plupart des autres communautés ont des schémas de fonctionnement plus ou moins similaires. Pour attirer les futures « victimes », l’accent est mis sur les valeurs de base telles que la charité,  la solidarité, l’aide que la communauté apporte aux plus démunis. C’est ainsi que, pour Frédéric et Christine, leur première activité au sein de la communauté va se faire lors d’un repas offert à des personnes dans le besoin. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les « victimes » sont souvent des individus intelligents et cultivés. C’est ainsi que Frédéric est professeur et Christine est comptable. Intelligents et cultivés, mais avec des failles ! Par exemple, celle de trouver que leurs qualités ne sont pas assez valorisées d’où l’habileté dont font preuve ces communautés pour mettre en valeur les compétences de leurs proies.

Dans Les éblouis, les découvertes sur le fonctionnement de la communauté menée par « le Berger » se font progressivement et on va de surprise en surprise, avec parfois l’impression de ne pas pouvoir croire ce qu’on nous montre. Et pourtant … ! Accueil du prêtre par des bêlements, prières collectives, cérémonies de demande de pardon, chants, perte de nombreuses libertés, dépouillement matériel et financier, etc. Et, pour les enfants, une difficulté énorme pour se construire normalement. Que faire face à ces sectes qui ont pignon sur rue ? Dans Les éblouis, c’est un acte grave commis par un membre de la communauté qui va permettre à Camille de libérer sa parole. Enfin, dirons nous !

Le casting

Il est certain qu’on est un peu désarçonné quand on se trouve face à Jean-Pierre Darroussin interprétant « le Berger ». Et puis, petit à petit, on s’y fait et finalement, on trouve que ce rôle de prêtre dangereusement patelin lui va très bien. Dans le rôle de Christine, Camille Cottin, beaucoup plus sobre que d’habitude, s’affirme comme une véritable actrice de cinéma et donne toute l’émotion nécessaire à cette femme pas très bien dans sa tête. Eric Caravaca, qui joue Frédéric, se montre tout à fait à l’aise dans ce rôle de père lâche et bienveillant. A leurs côtés, une véritable révélation : Céleste Brunnquell, l’interprète de Camille, 15 ans, capable de montrer avec beaucoup de vérité toutes les nuances de son personnage au fil du temps. Un nom à retenir ! Quant à la photo, c’est à un des plus grands directeurs de la photo que la réalisatrice a fait appel : Yves Angelo.

Conclusion

On parle peu des communautés charismatiques qui fleurissent dans notre pays au sein de l’église catholique. On ne sait pas grand chose de leur comportement qui s’apparente souvent à celui d’une secte. Sarah Suco a vécu 10 ans dans une de ces communautés alors qu’elle était enfant, puis adolescente. Elle a utilisé cette expérience pour nous proposer Les éblouis, un film de fiction qui arrive à nous passionner tout en se montrant aussi riche en informations qu’un documentaire.

https://www.youtube.com/watch?v=Z4JNjsougys

2 Commentaires

  1. out est juste, l’emprise terrifiante la faillite de l’école, de la brigade de protection des mineurs, la solitude de Camille et son sursaut définitif de fuite pour sauver son frère . éeleste Brunnquel est éblouissante de talent, de grace . A star is born

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