Critique : Jauja (Cannes 2014)

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Argentine, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Lisandro Alonso
Scénario :  Lisandro Alonso, Fabian Casas
Acteurs : Viggo Mortensen, Viilbjørk Malling Agger, Ghita Nørby
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h50
Genre : Western
Date de sortie : 22 avril 2015

Note : 4/5

Un jour, peut-être, verra-t-on un film du réalisateur argentin Lisandro Alonso franchir la porte prestigieuse de la compétition officielle du Festival de Cannes, celle qui permet de rêver à la Palme d’or. En tout cas, le quadragénaire Lisandro Alonso peut d’ores et déjà être considéré comme un abonné du plus grand Festival du monde, ses 5 longs métrages ayant tous été retenus dans l’une ou l’autre des sélections parallèles. En 2014, son dernier film, Jauja, était présenté dans le cadre de la sélection Un Certain Regard.

Synopsis :  Un avant-poste reculé au fin fond de la Patagonie, en 1882, durant la prétendue « Conquête du désert », une campagne génocidaire contre la population indigène de la région. Les actes de sauvagerie se multiplient de tous côtés. Le Capitaine Gunnar Dinesen arrive du Danemark avec sa fille de quinze ans afin d’occuper un poste d’ingénieur dans l’armée argentine. Seule femme dans les environs, Ingeborg met les hommes en émoi. Elle tombe amoureuse d’un jeune soldat, et tous deux s’enfuient à la faveur de la nuit. À son réveil, le Capitaine Dinesen comprend la situation et décide de s’enfoncer dans le territoire ennemi pour retrouver le jeune couple. Jauja est l’histoire de la quête désespérée d’un homme pour retrouver sa fille, une quête solitaire qui nous conduit dans un lieu hors du temps, où le passé n’est plus et l’avenir n’a aucun sens.

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Un père à la recherche de sa fille

Fin du 19ème siècle, fin fond de la Patagonie : un capitaine danois, Gunnar Dinesen, a accepté de travailler comme ingénieur pour l’armée argentine en pleine « Conquête du désert », une campagne militaire génocidaire contre les populations autochtones. Ingeborg, sa fille de 15 ans, l’a accompagné, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes : elle est jeune, elle est belle et, surtout, c’est la seule femme au milieu de tous ces militaires. Il y a en particulier un lieutenant argentin qui a des vues sur elle, mais c’est avec l’estafette de ce dernier qu’Ingeborg va s’enfuir. Commence alors la pérégrination du père, parti à sa recherche de sa fille en plein territoire hostile. Sur ces terres, mi paradis terrestre, mi enfer, on trouve des indiens, un chien et une vieille femme parlant danois, réelle ou rêvée, fée ou sorcière.

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Un western de Lisandro Alonso : pas vraiment surprenant !

Ce n’est pas sans un sentiment de surprise que l’on apprend que le dernier film de Lisandro Alonso appartient au genre Western. Pourtant, si on réfléchit bien, cette appropriation par ce réalisateur argentin d’un genre typiquement nord-américain n’a rien de vraiment surprenant. Tout d’abord, quand on connaît les paysages argentins, c’est plutôt une surprise inverse qui s’impose : comment se fait-il que les réalisateurs de western, quelle que soit leur nationalité, n’aient pas davantage utilisé les paysages de la pampa, avec ses gauchos, ou ceux grandioses, du nord-ouest de l’Argentine ? Concernant Lisandro Alonso, maintenant : les personnages solitaires de Los Muertos ou de Liverpool n’étaient-ils pas déjà très proches de ces personnages solitaires, de ces « poor lonesome cowboys » qui peuplent l’imaginaire de l’ouest américain. Dans Los Muertos, Vargas remontait un fleuve sur sa barque pour aller retrouver sa fille ; dans Liverpool, le marin Farrel descendait à terre dans le but de retrouver sa mère au bout d’un long périple ; dans Jauja, Gunnar s’éloigne de ses compagnons, seul, à la recherche de sa fille qui s’est enfuie avec un jeune militaire. Commencé comme un western classique, Jauja devient vite un film classique de Lisandro Alonso, avec son personnage principal quasiment muet qui traverse des paysages sauvages et hostiles, avec son mélange de réalisme et d’illusions.

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Un film international

L’acteur Viggo Mortensen est américain à la fois par sa mère et son lieu de naissance et danois par son père. On sait moins, par contre, qu’il a passé une partie importante de sa jeunesse en Argentine. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver en tête d’affiche d’un film de Lisandro Alonso, d’autant plus qu’il est ami avec l’écrivain et poète Fabian Casas, co-auteur du scénario de Jauja. Pour filmer une distribution mélangeant comédiens danois et argentins, Lisandro Alonso a fait appel au finlandais Timo Salminen, le Directeur de la photographie avec lequel travaille Aki Kaurismäki depuis de très nombreuses années. La présence de ce finlandais ne fait que renforcer le caractère très international de Jauja, coproduit par l’Argentine, le Danemark, la France, le Mexique, les États-Unis, l’Allemagne, le Brésil et les Pays-Bas. Curieusement, alors que les westerns et leurs grands espaces ont très vite privilégié le Cinémascope lorsque le procédé est apparu, le réalisateur et le Directeur de la photographie ont fait le même choix que Kelly Reichardt pour son western La dernière piste : 1.33 pour le format image. Ici, ce choix donne souvent l’impression qu’on est en face d’un film familial, même si la qualité exceptionnelle de la photo dément totalement cette sensation. C’est ainsi qu’on ne peut qu’être très sensible à la magnifique scène nocturne pendant laquelle le capitaine est allongé sous un ciel rempli d’étoiles, d’autant plus qu’intervient alors un véritable choc : l’intervention d’une guitare électrique, première musique d’accompagnement plus d’une heure après le début du film. Viggo Mortensen a écrit cette musique que joue le guitariste Buckethead.

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Conclusion

Comme toujours avec Lisandro Alonso, ce film va partager les spectateurs en 2 camps très tranchés : d’un côté, celles et ceux qui se seront ennuyés ; de l’autre, celles et ceux qui se seront laissés gagner par la beauté des images et par l’histoire que raconte le film, une histoire très simple en surface tout en étant d’une grande complexité si l’on cherche un peu à creuser en profondeur.

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