Critique : Vivre et laisser mourir

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Vivre et laisser mourir

Royaume-Uni, Etats-Unis, 1973
Titre original : Live and let die
Réalisateur : Guy Hamilton
Scénario : Tom Mankiewicz
Acteurs : Roger Moore, Yaphet Kotto, Jane Seymour, Clifton James
Distribution : Artistes Associés
Durée : 2h01
Genre : Action
Date de sortie : 13 décembre 1973

Note : 3/5

Les débuts de Roger Moore dans le rôle qui allait le faire entrer dans les annales du cinéma sont plutôt inégaux. Le nouveau James Bond des années 1970 est encore à la recherche de son style personnel dans Vivre et laisser mourir, un film néanmoins plaisant à regarder. On y retrouve la plupart des ingrédients indissociables de la recette 007, mais à un niveau encore assez loin de la maturité. Le huitième James Bond manifeste d’ores et déjà un goût pour les décors exotiques, les belles femmes qui finissent invariablement dans les bras du héros et des antagonistes hauts en couleur. Rares sont pourtant les éléments qui rendraient cette aventure exceptionnelle, alors que le générique déchaîné de Maurice Binder sur la chanson de Linda et Paul McCartney promet une sorte d’orgie psychédélique sur pellicule – ou en l’occurrence dans une copie numérique restaurée de toute beauté. Bref, ce film s’inscrit dans la continuité efficace d’une série, au lieu de donner à celle-ci de nouvelles impulsions salutaires.

Synopsis : Trois agents des services secrets britanniques viennent d’être assassinés, à New York au siège des Nations Unies, dans les rues de la Nouvelle Orléans et sur l’île de San Dominique lors d’un rituel païen. Ils enquêtaient tous sur le docteur Kananga, le chef d’état suspect de cette île caribéenne. James Bond est chargé sans tarder de suivre la trace de Kananga qui l’amène dans le quartier de Harlem. Il y fait la connaissance de la ravissante Solitaire, une voyante qui permet au dictateur d’anticiper chaque pas du plus redoutable des agents de sa majesté. Une fois qu’il a échappé de justesse aux hommes de main de Katanga, Bond le suit sur son île, où la belle espionne américaine Rosie l’aidera à dévoiler ses projets machiavéliques.

Nouvelle tête, vieille formule

L’illusion ne perdure que jusqu’à la fin du générique. Tandis que les trois courtes séquences qui le précèdent donnent d’abord un ton méchamment macabre au film, les retrouvailles avec l’un des personnages les plus populaires de l’Histoire du cinéma, désormais sous les traits de Roger Moore, font rapidement retomber la tension. Ce Bond nouvelle génération est un peu anémique du côté du charisme viril, une lacune qu’il cherche à combler tant soit peu par un humour blasé. Son taux de réussite dans le domaine des conquêtes sexuelles reste par contre très élevé, à tel point que le protagoniste ne fait essentiellement ici que voyager, séduire des femmes attrayantes et coucher avec elles, ainsi qu’accessoirement se bagarrer avec des méchants pas trop dangereux. L’identité de James Bond se trouve à un stade de transition plus ou moins manifeste dans ce film, qui déroge à son tour à quelques règles essentielles de l’univers déjà passablement codifié à l’époque. Au moins, la suite préétablie des revirements qui ponctuent chacune des intrigues depuis un demi-siècle est à peu de choses près respectée. On n’ose alors pas trop s’attacher aux personnages féminins, en sachant pertinemment que ces faire-valoir ne survivent en général pas longtemps, une fois que le héros a assouvi sa libido grâce à eux.

Cherchez l’erreur

Cependant, ces aventures sans enjeu crédible ne manquent pas de nous divertir agréablement. Chaque James Bond fait ainsi figure de variation sur un seul et unique thème, quitte à soulever chez nous l’interrogation incrédule pourquoi le public adhère en masse à ce monde si grossièrement héroïque, qui ne fait que répéter la même chose à satiété. La réponse assez évidente pourrait être que chacun de ces films opère tel un reflet de son temps, à la fois comme un repère dans le souvenir du spectateur et en tant que terrain de jeux des influences esthétiques et populaires de son époque. Parfois, il arrive même qu’un détail fasse figure de précurseur. A l’image de la folle course poursuite en bateau, qui nous semble plus proche des aventures rocambolesques dans les films avec Burt Reynolds à la fin des années ’70 – notamment à cause de l’inclusion contre-productive du shérif râleur – que des scènes d’action musclées qui font de nos jours le principal fond de commerce de la saga. Mais dans l’ensemble, Vivre et laisser mourir se base sur un cahier de charges amplement connu et par conséquent stimulant dans la quête des petites différences, aussi sages soient-elles comparées au propos plus cynique du James Bond actuel.

Conclusion

Rien ne distingue réellement ce James Bond de ceux de la même époque, ni en bien, ni en mal. C’est peut-être cette conformité docile qui le rend si charmant et divertissant, dans la plus pure tradition des divertissements du prototype de l’espion qui s’en sort toujours. Car qu’est-ce qu’une aventure de James Bond d’autre qu’un spectacle tonitruant qui ne doit surtout pas laisser un arrière-goût marquant ? Le méchant de service et la demoiselle en détresse sont tout à fait à la hauteur de ce film sans fausse prétention, puisque Yaphet Kotto et Jane Seymour peinent à détourner ce périple riche en clichés exotiques de sa destination connue d’avance.

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