Une famille respectable

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afficheUne famille respectable

Iran, France : 2012
Titre original : Yek Khanévadéh-e Mohtaram
Réalisateur : Massoud Bakhshi
Scénario : Massoud Bakhshi
Acteurs : Babak Hamidian, Mehrdad Sedighian, Ahoo Kheradmand
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h30
Genre : Drame
Date de sortie : 31 octobre 2012

Globale : [rating:5][five-star-rating]

Chaque année, durant le Festival de Cannes, ce n’est pas forcément dans la Sélection Officielle que se trouve le film que l’on aura préféré lorsque les paillettes finissent par quitter la Croisette. Cette année, cette pépite faisait partie des films de la Quinzaine des Réalisateurs et il arrivait tout droit d’Iran. Puisse Une famille respectable marcher, en terme de succès, sur les traces de Une séparation !

Synopsis : Arash est un universitaire iranien qui vit en Occident. Il retourne donner des cours à Chiraz où vit sa mère, loin de Téhéran. Entraîné dans un tourbillon d’intrigues familiales et financières, il replonge dans un pays dont il ne possède plus les codes. A la mort de son père, découvrant ce qu’est devenue sa « famille respectable », il est contraint de faire des choix.

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Les influences cinématographiques de Massoud Bakhshi

Le réalisateur iranien  Massoud Bakhshi a débuté dans le cinéma par le documentaire. Une famille respectable est son premier film de fiction mais il avoue lui-même avoir tout fait pour le filmer comme un documentaire. Ayant étudié le cinéma en Italie et le financement culturel en France, il ne se cache pas non plus d’avoir subi des influences cinématographiques de la part de ces 2 pays : il reconnaît que ce sont Melville et la Nouvelle Vague qui ont inspiré le côté thriller de son film alors que le cinéma italien de l’après-guerre l’a influencé pour cette peinture réaliste de la famille et de la société iraniennes.

 

Un film foisonnant

C’est au sein d’une famille totalement décomposée que nous plonge Massoud Bakhshi. Le personnage central s’appelle Arash : adolescent, il est parti il y a 22 ans étudier à l’étranger et il y est resté. Proche de la quarantaine, la possibilité de revoir sa mère lui est donnée sous la forme de cours à donner durant 6 mois dans l’université de Chiraz, ville dans laquelle elle habite. A la fin de ce séjour, impossible pour lui de récupérer son passeport. On l’accuse d’avoir donné des cours subversifs à ses étudiants, mais petit à petit, il va s’apercevoir qu’en fait, tout est lié à une histoire d’héritage et à la corruption qui règne dans le pays. En effet, le père d’Arash, sur le point de mourir à Téhéran, a cherché à racheter ses pêchés par de l’argent donné en grande quantité à Arash et à sa mère, une femme qui l’avait quitté il y a longtemps, écœurée par son goût pour la spéculation. Une autre épouse de son père ayant donné à Arash un demi-frère, Jagar, celui-ci et son fils Hamed ne voient pas du tout d’un bon œil leur passer sous le nez ces sommes qui, pour eux, leur revenaient de droit. Pourquoi se gêner et ne pas faire jouer leurs relations ? S’il insiste beaucoup sur le monde kafkaïen dans lequel Arash se retrouve entraîné, le film aborde aussi avec force d’autres sujets : la guerre Iran Irak qui régnait lors de la jeunesse d’Arash et qui lui a fait perdre son frère aîné Amir (Superbe scène où la mère d’Arash et d’Amir soulève son fils aîné, mort en martyr) ; le rôle des femmes dans la société iranienne, avec la mère et la tante d’Arash qui ont toujours cherché à protéger Arash, avec Zoreh, la femme de Jagar, en recherche permanente de pureté religieuse, Hada, la fille de Zoreh et de Jagar, qui incarne l’avenir, l’espoir avec sa soif de culture et de savoir. La violence omniprésente qui règne à Téhéran est également montrée lors des déplacements d’Arash dans cette ville de 15 millions d’habitants.

femme voilée

L’évolution du cinéma iranien

Lorsqu’on sort de la projection d’Une famille respectable, on se demande comment un tel film a pu être réalisé en Iran et comment il a pu en sortir. Il est alors presque inévitable de procéder à un flash-back intérieur qui permet de réfléchir à l’évolution du cinéma iranien durant ces 30 dernières années, à la façon dont il a abordé la société de son pays. Pendant plusieurs années, il en est resté à l’émission de messages plus ou moins subliminaux, le plus souvent au travers de la vie des enfants. Puis, petit à petit, il est devenu de plus en plus réaliste, de plus en plus sévère avec le régime des ayatollahs et  les femmes ont pris de plus en plus d’importance, comme l’ont montré les 2 chefs d’œuvre iraniens de l’an dernier, Une séparation et Au revoir. Avec Une Famille respectable, c’est une étape supplémentaire qui est franchie : l’univers qu’il nous montre est totalement kafkaïen et le pays apparaît gangrené par la corruption, à la fois matérielle et morale. Seul espoir : les femmes, ces femmes iraniennes à qui Massoud Bakhshi a dédié son film lors sa présentation à Cannes et qui résistent de plus en plus au système patriarcal qui mine le pays. Cette façon frontale de montrer le pays tel qu’il est n’est pas sans danger pour les réalisateurs : le plus souvent cela se termine par la mise en résidence surveillée, par la prison (Jafar Panahi en est l’exemple) ou par l’exil (Kariostami et beaucoup d’autres). Quant aux films que l’on voit presque partout dans le monde, dans les festivals et dans les salles, ils sont le plus souvent interdits en Iran. Seules les copies DVD au noir permettent alors au public iranien de les voir.

Résumé

C’est un véritable pavé dans la mare iranienne que jette Massoud Bakhshi avec son film Une Famille respectable. Dans un film passionnant de bout en bout, il embrasse à la fois la guerre Iran-Irak, l’évolution de la famille iranienne, la corruption qui règne dans son pays, les excès engendrés par une recherche trop prononcée de la pureté religieuse. Devant une telle réussite, tant au niveau du fond que de la forme, on s’étonne que la Caméra d’Or ait pu être attribué à un autre film par un jury présidé par Carlos Diegues.

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