Test Blu-ray : Tropique du Cancer

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Tropique du Cancer

Italie : 1972
Titre original : Al tropico del cancro
Réalisateur : Giampaolo Lomi, Edoardo Mulargia
Scénario : Giampaolo Lomi, Edoardo Mulargia, Anthony Steffen
Acteurs : Anthony Steffen, Anita Strindberg, Gabriele Tinti
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h30
Genre : Thriller, Horreur
Date de sortie DVD/BR : 1 avril 2017

Vivant depuis de nombreuses années à Port-au-Prince, le Docteur Williams traîne une réputation de fabricant de drogue. Sa dernière création est un puissant hallucinogène permettant de plonger dans un univers érotique ouvrant sur ses désirs les plus secrets. Peacock, énorme fortune de l’île, pédophile notoire, convoite la formule, tout comme un certain Murdock, fraîchement arrivé en ville. Après avoir caché son invention, Williams voit débarquer un vieil ami, Fred Wright et son épouse, la sublime Grace. Commence alors une série de règlements de comptes de plus en plus violents, tandis que Grace, au son des tambours vaudous, découvre ses désirs enfouis…

Le film

[4/5]

Tropique du Cancer est un film absolument schizophrène. Tourné au début des années 70, ce pur film d’exploitation à la sauce italienne est un melting pot d’influences diverses, se situant à la croisée des chemins entre plusieurs genres très populaires à l’époque. Les deux influences les plus manifestes sur le film sont cependant assez clairement discernables, et ce dès les premières minutes du film. La première est celle du giallo : nous sommes en 1972, environ dix ans après les premières armes de Mario Bava dans le genre, et ce dernier explose véritablement dans le cœur du public avec L’oiseau au plumage de cristal de Dario Argento (1970) et des deux autres films de sa trilogie « animalière » (Le chat, Les mouches, 1971), qui donneraient à eux trois le « La » esthétique du genre, surtout au niveau des motifs hautement fétichistes qui inonderaient le cinéma d’exploitation rital durant la décennie 70. La deuxième influence la plus flagrante découle du fait que le film se déroule à Port-au-Prince (Haïti), et comporte de nombreuses séquences « typiques », très exotiques, affichant des velléités quasi-documentaires. Ceci évoque naturellement un genre un peu plus méconnu, et plus vite disparu, mais dont l’influence se fera sentir jusqu’au début des années 80 avec la vague de films cannibales dont le fer de lance est Cannibal holocaust : il s’agit du genre appelé mondo. Pour paraphraser Wikipédia, le mondo est un genre qui se caractérise par une approche pseudo-documentaire très crue, dont le montage et le choix des images mettent en avant un aspect racoleur ou choquant du thème (en privilégiant par exemple l’exotisme, le sexe et la violence).

Cette idée de bande schizophrène est encore renforcée par le générique de Tropique du Cancer, qui affiche deux réalisateurs, ayant cela dit à priori travaillé « ensemble », mais les suppléments du Combo Blu-ray / DVD édité par Le chat qui fume nous apprennent que les deux cinéastes revendiquent tous deux la paternité de la quasi-intégralité du film, l’un comme l’autre reléguant son collègue à un rôle très subalterne de « superviseur » ou de « réalisateur de seconde équipe ». On peut donc fort logiquement supposer que les séquences « narratives » ont été réalisées par Edoardo Mulargia, solide artisan du bis rôdé au western spaghetti (il en a tourné dix entre 1965 et 1971, et connaît par conséquent parfaitement son interprète Anthony Steffen), tandis que les scènes « documentaires » sont clairement revendiquées comme à 100% mises en scène par Giampaolo Lomi, ancien assistant réalisateur sur Les négriers (1971), un film des « maitres » incontestés du mondo, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi.

Le film enchaine donc sur un classique schéma de « whodunit » les péripéties et faux-semblants hérités du giallo, et le quota de mises à mort hautes en couleurs, perpétrées par un mystérieux tueur ganté de noir dont on suit l’évolution en caméra subjective, est pleinement respecté. Parallèlement à celles-ci, on assistera à d’étranges séquences naturalistes à visée documentaire (la cérémonie vaudou, la séquence de l’abattoir…), faisant brusquement surgir une diffuse impression de « réalité » au cœur du film, qui sera néanmoins contrebalancé par la présence d’une longue séquence de rêve éveillé particulièrement graphique, l’intrigue générale tournant autour de l’acquisition par le tueur d’un « hallucinogène hautement érotique » (sic) sur lequel tout le monde veut mettre la main.

Néanmoins, et malgré cet espèce de grand écart stylistique, changeant de tonalité d’une séquence à une autre, Tropique du Cancer fait preuve d’une étrange et fascinante homogénéité, le « liant » venant probablement en partie de la musique du film doucereuses et entêtante signée Piero Umiliani, mais aussi et surtout du charme de ses acteurs principaux, le film mettant en scène Anthony Steffen, une des grandes figures du western spaghetti, ou encore Anita Strindberg, actrice incontournable pour tous les fans de bis italien des années 70, puisqu’on l’a notamment vue dans La queue du scorpion (Sergio Martino, 1971), dans Le venin de la peur (Lucio Fulci, 1971), ou encore en petite amie (au destin funeste) de Tomas Milian dans La rançon de la peur (Umberto Lenzi, 1974). Au final, Tropique du Cancer s’impose donc comme un attachant giallo, original et plaisant, à côté duquel on aurait bien tort de passer.

Le Combo Blu-ray / DVD

[5/5]

Le Combo Blu-ray / DVD de Tropique du Cancer édité par Le chat qui fume contient donc un Blu-ray et deux DVD, le tout s’imposant dans un superbe digipack trois volets garni d’un sur-étui : une présentation parfaite, dans la droite lignée de leurs éditions précédentes de films italiens. Comme d’habitude avec l’éditeur, ce premier pressage est limité à 1000 exemplaires.

Côté Blu-ray, le film d’Edoardo Mulargia et Giampaolo Lomi s’impose d’entrée de jeu dans un master Haute Définition tout à fait resplendissant, affichant une définition et un niveau de détail assez bluffant, tout en respectant scrupuleusement la granulation d’origine de la pellicule. Si l’on excepte quelques plans à effets, l’image étonne par sa propreté (adieu tâches et autres poussières disgracieuses) et sa stabilité, et le rendu des couleurs et des contrastes semble avoir également bénéficié d’un soin tout particulier. Point de trace de DNR ou autres bidouilles numériques, on regrettera juste un grain peut-être un poil trop accentué lors des passages nocturnes ou en basse lumière. Côté son, nous aurons droit à des pistes DTS-HD Master Audio 2.0 en VO italienne et VF, le doublage de la version française s’avérant, il faut bien l’avouer, particulièrement suranné et réjouissant.

Du côté des suppléments, comme d’habitude, Le chat qui fume continue de nous proposer des suppléments riches et variés. On commencera donc avec les deux interviews des réalisateurs, Giampaolo Lomi et Edoardo Mulargia, présentés dans deux modules distincts. Si Lomi s’exprime face caméra pendant un peu plus d’une demi-heure, l’entretien avec Mulargia est en fait un entretien téléphonique entrecoupé d’interventions de journalistes et acteurs italiens, remettant le tournage du film en contexte. Comme on l’a déjà évoqué plus haut, l’élément le plus amusant de ces deux modules réside dans le fait que les deux cinéastes s’attribuent la paternité du film, mais au final, il semble bien que les deux cinéastes ont travaillé chacun dans leur coin sans vraiment communiquer avec l’autre. On poursuivra avec une très riche analyse du film par Françis Barbier, qui en l’espace de vingt-six minutes, transmettra au spectateur sa passion pour le film. Avec le module d’entretien avec Fathi Beddiar, Le chat qui fume continue sa série 3 gialli, inaugurée avec Olivier Père sur le Blu-ray de Terreur sur la lagune, qui consiste dans le fait de demander à une personnalité de dresser la liste de ses trois gialli préférés : généreux, Fathi Beddiar évoque avec passion les trois piliers du giallo selon lui : Les maitres (Gente di rispetto, Luigi Zampa, 1975), suivi par 6 femmes pour l’assassin (Bava) et Les frissons de l’angoisse (Argento). On notera tout de même que le scénariste de Colt 45 (un film que lui a renié, mais que l’on aime beaucoup sur critique-film) fait preuve de quelques tics de langage, employant, en un peu moins de 25 minutes, à vingt-neuf reprises l’expression « Si tu veux » et quarante-huit fois la locution « Tu vois ».

Enfin, comme à son habitude, l’éditeur nous propose de découvrir Tropique du Cancer en mode VHS, un transfert de la VHS du film, témoin s’il en fallait encore un de l’énorme bond qualitatif offert par le transfert Blu-ray présent dans cette édition. On terminera avec les traditionnelles bandes-annonces de l’éditeur, incluant notamment quelques films très attendus, à venir en 2017 chez Le chat qui fume.

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