Test Blu-ray : Série noire pour une nuit blanche + La féline

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La mort inattendue de David Bowie début janvier 2016 aura peut-être précipité les sorties en vidéo de films que personne ne s’attendait réellement à voir poindre le bout de leur nez en Blu-ray avant longtemps. Quelques semaines après L’homme qui venait d’ailleurs, sorti début mai chez Potemkine (lire notre article), voici donc arriver sur support Haute Définition deux films peut-être un peu rapidement estampillés « David Bowie », mais qu’Elephant Films a au moins le mérite de sortir de l’oubli : une sortie composée de Série noire pour une nuit blanche (John Landis, 1985) et de La féline (Paul Schrader, 1982). Deux films n’ayant à priori rien à voir l’un avec l’autre, mais pour lesquels l’éditeur propose des (superbes) visuels et (passionnants) suppléments couplés, se répondant l’un l’autre.

 

 

Série noire pour une nuit blanche


États-Unis : 1985
Titre original : Into the night
Réalisateur : John Landis
Scénario : Ron Koslow
Acteurs : Jeff Goldblum, Michelle Pfeiffer, David Bowie
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h55
Genre : Comédie, Policier
Date de sortie cinéma : 22 mai 1985
Date de sortie DVD/BR : 1 juin 2016

 

 

La vie d’Ed Okin est un cauchemar, son boulot est d’un ennui total, il souffre d’insomnies et sa femme le trompe. Une nuit pour se changer les idées, il se rend en voiture à l’aéroport. Alors qu’il est garé dans le parking, une jeune et belle femme, Diana, s’engouffre dans sa voiture. Poursuivie par des criminels, elle entraine Ed dans une fuite effrénée et la nuit risque d’être longue…

 

 

Comme le dit Jean-Pierre Dionnet dans son hommage au chanteur disparu, Bowie aimait le cinéma, mais le cinéma le lui rendait mal (« le cinéma n’a jamais voulu de lui » déclare l’ex-présentateur du Cinéma de quartier de Canal+). Il est vrai qu’en environ 40 ans de carrière au cinéma, et même s’il a côtoyé quelques grands noms du septième Art (Martin Scorsese, David Lynch, Nagisa Oshima, Christopher Nolan…), David Bowie n’a que finalement bien peu impressionné la mémoire des cinéphiles. Pour un Furyo ou un Labyrinthe que l’on retient encore quelques années plus tard, David Bowie semblait tourner dix nanars ou films très dispensables aujourd’hui oubliés. Série noire pour une nuit blanche n’est pas à proprement parler un « nanar », mais appartient clairement à cette catégorie de films oubliés, dont on se rappelle avoir eu le Laserdisc il y a vingt ans, et dont le vague souvenir nous demeurant en mémoire est probablement lié à la lecture/relecture au coin du feu de vieux numéros de Starfix, revue qui lui avait carrément consacré un édito assassin lors de sa sortie en 1985.

Comédie matinée de Film Noir, Série noire pour une nuit blanche est en effet la preuve indiscutable des limites du cinéma de John Landis. Contrairement à beaucoup de ses « collègues » cinéastes s’étant fait un nom dans les années 70/80 dans le cinéma fantastique, John Landis n’a rien d’un habile technicien. Sa réalisation reste désespérément plate, télévisuelle, et les quelques réussites qui émaillent sa carrière (Le loup garou de Londres, Les Blues Brothers…) sont essentiellement portées par des scénarios forts et surtout des acteurs emblématiques, imprimant à ces films leur énergie et leur rythme. Landis n’est pas non un directeur d’acteurs – il laisse ses acteurs « gérer », pour le meilleur et parfois pour le pire, et se contente de les regarder jouer. Pour ne citer qu’un exemple, Jeff Goldblum dans Série noire pour une nuit blanche affiche constamment l’œil qui frise et un petit sourire en coin, comme s’il était toujours sur le point d’éclater de rire. Difficile à imaginer de la part d’un personnage qui voit sa vie s’écrouler et sa situation empirer de minute en minute… Dans son genre, David Bowie aura d’avantage trouvé le ton juste pour son personnage dans le film, mais le tout pêche forcément un peu par manque d’homogénéité.

Le charme opère cependant par instants, certains gags ou punchlines fonctionnent, et les amateurs de l’esthétique 80’s y trouveront forcément leur compte… Pour les amateurs, le film porte par ailleurs tous les stigmates des films de John Landis (plans sexy totalement gratuits et caméos en pagaille, de David Cronenberg à Lawrence Kasdan en passant par Jim Henson ou Roger Vadim), mais le rythme est globalement tellement mal géré que le spectateur, même bienveillant, trouvera un peu le temps long. C’est là que l’on se dit que ce récit –le scénario n’est pas mauvais, loin de là– méritait d’être pris à bras le corps, malmené par un cinéaste qui aurait imposé une réelle « vision » en pensant sa mise en scène de façon à surprendre le spectateur. Sam Raimi proposait par exemple la même année (1985) le sublime Mort sur le gril, qui sur un postulat de départ similaire (le mélange comédie / Film Noir) et probablement avec un budget bien inférieur à celui de Série noire pour une nuit blanche, nous emportait littéralement avec lui du début à la fin de son film…

 

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La féline


États-Unis : 1982
Titre original : Cat people
Réalisateur : Paul Schrader
Scénario : DeWitt Bodeen, Alan Ormsby
Acteurs : Nastassja Kinski, Malcolm McDowell, John Heard
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h58
Genre : Fantastique
Date de sortie cinéma : 8 septembre 1982
Date de sortie DVD/BR : 1 juin 2016

 

 

Après la mort de ses parents adoptifs, Irena part pour la Nouvelle-Orléans retrouver Paul, son frère ainé qu’elle n’a pas revu depuis l’enfance. Encore vierge et s’éveillant à la sexualité, elle va au contact de son frère apprendre l’histoire de sa famille et ses ancêtres. Une histoire millénaire ou sexe et sang s’entremêlent, ou l’humain et la bête ne font qu’un

 

 

Un cinéaste doté d’une véritable « vision » de ce qu’il désirait faire, il y en a assurément un aux commandes de La féline en revanche. Avec ce remake du chef d’œuvre de Jacques Tourneur, Paul Schrader nous propose en effet un film inégal mais habité, riche de nombreux tableaux visuellement superbes, et résolument différent de son modèle. C’était d’ailleurs une bonne habitude pour la Universal de l’époque, qui outre celui-ci avait mis en chantier d’autres belles réussites à la même époque (The thing de John Carpenter également en 1982, Scarface de Brian De Palma en 83). Conte horrifico-érotique sur le thème de la frustration sexuelle, La féline version 1982 est naturellement, contexte oblige, beaucoup plus explicite que le film de 1942 : qu’il s’agisse de sexe ou de gore, rien ici ne sera laissé hors champ. Ce qui colle plutôt bien d’ailleurs avec cette esthétique vulgaire et tape à l’œil, très ancrée dans les années 80, choisie par Schrader pour illustrer son récit d’initiation.

Si Simone Simon dans le film de Tourneur éprouvait une peur panique du sexe, qui la transformait en panthère, Nastassja Kinski entretient ici une relation plus ambiguë vis-à-vis de l’acte charnel, une relation de peur mais d’attirance en même temps. Il y a aussi dans le film de Schrader une idée d’accomplissement dans la bestialité, comme le soulignent les nombreux plans sanglants pouvant évoquer les premières règles du personnage principal, et donc l’idée que le personnage de Kinski devient par ce biais une « vraie » femme.

Plastiquement assez superbe, proposant des séquences quasi-oniriques étranges et assez fascinantes, les images de La féline sont complétées de façon assez brillante par la bande originale du film, composée par Giorgio Moroder et… David Bowie, qui n’apparait pas « visuellement » dans le film.

 

 

Les Blu-ray

[4,5/5]

Comme à son habitude, Elephant Films nous propose de redécouvrir ces deux films par l’intermédiaire de galettes Haute Définition de très bonne qualité. La granulation d’origine a été préservée, et l’image pourra apparaître un poil douce sur certains plans, le piqué fait de sacrées merveilles sur d’autres. Série noire pour une nuit blanche et La féline sont deux films essentiellement nocturnes, et le rendu général des scènes de nuit est très correct, malgré une tendance à la baisse de définition. Quelques défauts de pellicule mineurs et très épars subsistent également. Côté son, l’éditeur nous propose des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 en VF sur les deux films. En VO, le film de John Landis compose avec son mixage d’origine en DTS-HD Master Audio 2.0, tandis que La féline a eu droit à un impressionnant mixage DTS-HD Master Audio 5.1. On notera que le niveau de son est nettement plus bas sur la VF de La féline, et que tous les mixages sont propres, nets et sans souffle.

Dans la partie suppléments, solidarité animale oblige, Elephant Films a tout particulièrement soigné La féline, en réunissant différents bonus issus de précédentes éditions afin de proposer l’édition « définitive » du film de Schrader. On commencera donc avec un commentaire audio du réalisateur, proposé avec sous-titres s’il vous plait, pour poursuivre avec plusieurs entretiens avec Paul Schrader, réalisés à différents moments de la « vie » du film. Le premier fut enregistré lors du tournage du film (20 min.), le second en 2000 (20 min.), et le troisième probablement en 2013, à l’occasion de la sortie du film en Blu-ray chez Shout Factory. L’éditeur nous propose également les entretiens avec l’équipe réalisées pour la galette américaine (Nastassja Kinski, John Heard, Gorgio Moroder, etc.). On poursuivra l’exploration de ces riches bonus avec la première partie du documentaire « Sound (and vision) » évoquant la carrière au cinéma de David Bowie, racontée par Christophe Conte, journaliste aux Inrockuptibles. La deuxième partie se trouve dans la partie suppléments de Série noire pour une nuit blanche, aux côtés d’un hommage à David Bowie par Jean-Pierre Dionnet et de quelques bandes-annonces. On notera également la présence au sein des deux éditions d’un livret de 24 pages rédigé par Stéphane du Mesnildot (Les cahiers du Cinéma) et intitulé « David Bowie et les années 80, la passion de la métamorphose ».

 

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