Test Blu-ray : Opera / Terreur à l’opéra

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Opera (Terreur à l’opéra)

Italie : 1987
Titre original : Opera
Réalisateur : Dario Argento
Scénario : Dario Argento, Franco Ferrini
Acteurs : Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbano Barberini
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h47
Genre : Thriller, Horreur
Date de sortie DVD/BR : 20 octobre 2017

 

 

Suite à l’accident de la cantatrice principale, une jeune chanteuse lyrique, Betty, est choisie pour interpréter le rôle de Lady Macbeth dans l’opéra de Verdi, œuvre ayant la réputation de porter malheur. Commence une série de meurtres dans l’entourage de la jeune femme qui se voit poursuivie par un mystérieux fan possessif. Avec l’aide du metteur en scène, Marco, Betty cherche à comprendre si elle n’est pas liée à l’assassin qui parsème l’opéra de corps mutilés. Jusqu’où la malédiction de Macbeth frappera-t-elle ?

 

 

Le film

[4,5/5]

Bien que le film ait fêté cette année ses 30 ans, Terreur à l’opéra, que Le chat qui fume nous propose aujourd’hui de (re)découvrir dans un coffret Combo Blu-ray + DVD sous son titre original Opera, reste encore de nos jours l’un des films les plus méconnus en France du maestro Dario Argento. Les raisons de ce « désamour » relatif sont probablement liées au fait que malgré son budget élevé de sept millions de dollars, le film ne soit jamais sorti dans les salles françaises (il ne sortira qu’en VHS au début des années 90, et dans une copie incomplète), et devint par conséquent l’un des « grands oubliés » du format DVD. En effet, depuis presque 20 ans que les cinéphiles de l’hexagone ont adopté le format, le film de 1987 est inexplicablement resté inédit en DVD jusqu’à ce jour. Et pourtant, quel amateur de fantastique ne connaît-il pas les visuels d’exploitation du film, et notamment le fameux photogramme de cette jeune femme bâillonnée, deux rangées d’aiguilles scotchées sous les yeux ?

Dans d’autres pays d’Europe et aux États-Unis, le film a acquis depuis déjà bien longtemps une solide réputation. Sur le site de référence IMDb, avec une note globale de 7,1/10, Terreur à l’opéra occupe la quatrième place dans le cœur des amateurs de Dario Argento, talonnant de très peu L’oiseau au plumage de cristal (7,2), et d’avantage distancé par Suspiria (7,5) et Les frissons de l’angoisse (7,7). N’en déplaise aux mauvaises langues, Opera fait donc bel et bien –et on ne peut plus clairement– partie du « haut du panier » de la filmographie d’Argento, loin devant des films largement plus connus chez nous, tels que Ténèbres, Inferno ou même Phenomena. Au point même qu’on parle parfois du « dernier chef d’œuvre » de Dario Argento dans nombre de revues et de sites Internet outre-Atlantique. Bien sûr, les fans purs et durs du cinéaste transalpin auront bien du mal à établir un ordre de préférence derrière Suspiria et Profondo rosso (qui font généralement l’unanimité pour occuper le haut du podium), puisque son œuvre contiendra encore une poignée de pépites vénéneuses et déviantes après 1987 (Trauma, Le sang des innocents…), et que la carrière d’Argento est véritablement jalonnée, au moins jusqu’à 2001, d’excellents films. Mais le fait est que, trop méconnu et trop peu souvent cité, Terreur à l’opéra mérite clairement sa réhabilitation parmi les sommets de sa filmographie, et qu’il s’agit toujours, trente ans après sa sortie, d’un film extraordinaire, maitrisé, ambitieux et parfaite cohérence avec le reste de son travail.

A cette période de sa carrière, Argento avait entamé un « cycle » de films mettant en scène de très jeunes filles ; on a l’impression diffuse qu’il était à la recherche d’une actrice au faciès le plus innocent possible –un visage de poupée en quelque sorte– dans le but à demi-avoué (et donc pardonné) de lui faire subir les derniers outrages. Si le cinéaste finira par trouver cette actrice en la personne de sa propre fille Asia, qu’il fera souffrir plus que de mesure dans Trauma et Le syndrome de Stendhal, il a enchainé durant les années 80 les expériences avec des actrices aux yeux clairs et au visage poupin, qui ne travailleront en général qu’une seule fois avec lui (Ania Pieroni, Lara Wendel, Jennifer Connelly…) : Opera marquera donc sa seule et unique collaboration avec Cristina Marsillach, avec qui l’entente sur le plateau ne fut pas très bonne. Qu’à cela ne tienne : les tensions entre le réalisateur et son actrice ne seront pas perceptibles dans le film terminé, et la prestation de Marsillach s’avère plutôt convaincante. A ses côtés, on retrouvera bien sûr l’inusable Daria Nicolodi, collaboratrice et partenaire de vie de Dario Argento durant de nombreuses années, ainsi que Urbano Barberini, que les amateurs de bis connaissent bien puisqu’il a joué dans Démons et dans les nanars sublimes Gor (1987) et Les bannis de Gor (1988). Plus étonnant, le britannique Ian Charleson, connu pour de « grands » films à Oscars tels que Les chariots de feu ou Gandhi, prêtera également son visage buriné au personnage de Marco, le metteur en scène.

 

 

On l’a dit et on le répète : Terreur à l’opéra est un grand cru. Sa trame ambitieuse télescope une classique intrigue de « whodunit » (un poil éventé d’ailleurs, surtout en VF, le tueur ayant la voix fort reconnaissable de Luq Hamet, doubleur habituel de Michael J. Fox) à des éléments issus de MacBeth, la pièce mise en scène dans le théâtre au cœur de l’intrigue du film. Et le boulot de Dario Argento, en collaboration avec Franco Ferrini (qui fut son coscénariste attitré pendant une vingtaine d’années, de 1985 à 2005), nous livre au final un script assez malin, évoquant visions et fantômes du passé, le tout se mêlant à une intrigue de meurtres suivant des rituels sadomasochistes orchestrés par un tueur traumatisé par les manipulations perverses d’une véritable Lady MacBeth du SM. Mais le scénario s’avère également pétri de diverses influences : on sent par exemple poindre la tentation de l’autocitation, avec des passages rappelant Les frissons de l’angoisse (le trauma de la jeune héroïne) ou Phenomena (la fin du film, qui se situe dans le même décor bucolique suisse), et toujours cette obsession pour des personnages exerçant des métiers artistiques (après les écrivains, les poètes, les musiciens ou les danseurs, voici donc une troupe de théâtre au grand complet) mais aussi pour les animaux, les corbeaux tenant une place toute particulière dans l’intrigue. On sent aussi confusément une nette influence de Dragon rouge, le roman de Thomas Harris, notamment sur la fin de l’intrigue, durant l’affrontement entre Betty et le tueur – on évitera de trop en dire ici pour ne pas gâcher le plaisir aux spectateurs n’ayant pas encore eu la chance de voir Opera. Par ailleurs, et si Manhunter avait modifié la fin du roman de Harris, on a également l’impression tenace que le look d’Urbano Barberini est calqué sur celui de William Petersen dans le film de Michael Mann, réalisé l’année précédente.

Derrière la caméra, Dario Argento fait preuve d’une maestria rarement atteinte, d’une virtuosité vraiment impressionnante. Sa caméra est plus mobile que jamais, les plans-séquences se bousculent, de même que les trouvailles visuelles les plus folles et les plus sidérantes : plans sur le cerveau du tueur, séquence (célèbre au demeurant) mettant en scène des corbeaux survolant le théâtre en point de vue subjectif, gros plans sur des yeux fous cloitrés derrière une rangée d’aiguilles, tête explosée à travers un judas… Toute la folie et la démesure du cinéma d’Argento se retrouvent au cœur de ce film baroque et fou, tourné dans un Scope flamboyant (Super 35) et photographié de main de maitre par Ronnie Taylor, qui travaillerait encore avec le cinéaste à deux reprises par la suite, sur Le fantôme de l’opéra et Le sang des innocents, avant de prendre sa retraite. Tour de force technique, délire baroque et expérimental, mais aussi et surtout pur plaisir de cinéma : Opera est un film immanquable.

 

 

Le Combo Blu-ray + 2 DVD

[5/5]

Enchaînant les coffrets Blu-ray + DVD avec une belle régularité depuis quelques années maintenant, Le chat qui fume est devenu un des acteurs majeurs de l’édition vidéo en France, en termes de qualité et de contenu éditorial. Personne ne sera donc surpris à l’annonce du verdict concernant cette édition d’Opera : une fois de plus, le chat fume toute la concurrence en nous offrant une expérience « Home Cinema » en tous points parfaite.

Côté packaging déjà, l’éditeur nous propose à nouveau une édition à tiragé limite et numéroté, qui s’affiche dans un sublime digipack à trois volets, surmonté d’un sur-étui cartonné du plus bel effet. Bien sûr, ce nouveau Combo s’accordera harmonieusement avec les Blu-ray déjà sortis par l’éditeur depuis quelques années. Le visuel est signé Phraid Domont, qui a de nouveau fort bien travaillé à partir de l’affiche du film et de quelques photos d’exploitation. Au sein du coffret, le film est proposé en Blu-ray et en DVD, et on trouvera également un deuxième DVD contenant les bonus : trois galettes donc, pour satisfaire à coup sûr tous les cinéphiles.

 

 

Côté Blu-ray, la copie est globalement d’une très belle propreté, malgré quelques légers outrages liés au temps qui demeurent un peu visibles. Cela dit, on préférera toujours quelques imperfections n’ayant pu être gommées numériquement que le lissage abusif que pratiquent, encore aujourd’hui, certains éditeurs, sans même se rendre compte à quel point ils dénaturent parfois les œuvres. Ici, le grain argentique est respecté à la lettre, le piqué est d’une finesse et d’une précision vraiment étonnantes, la profondeur de champ est remarquable, bref, c’est du très beau boulot, naturellement proposé en version intégrale et 1080p. Bref, on est en présence d’un très beau Blu-ray. Côté son, c’est la grande classe également : la VF d’époque, ainsi que la VO anglaise (probablement pas mal post-synchronisée) et la piste italienne sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 d’origine. La version française est assez frontale et un poil étouffée, surtout pendant le premier quart d’heure ; l’éditeur a été obligé de composer avec les éléments existants – pour les amateurs de VF, on a reconnu au casting vocal les voix de Luq Hamet, Daniel Russo et Céline Monsarrat, pour un résultat typique de la fin des années 80. Petite curiosité supplémentaire, Le chat qui fume nous propose également une deuxième version anglaise, sous le nom de « piste cannoise » (Dolby Digital 2.0). Il s’agit en fait de la version anglaise ayant été proposée au Marché du film en 1987, qui fut modifiée par la suite ; le doublage du personnage incarné par Urbano Barberini est notamment complètement différent (et un peu à l’ouest).

 

 

Dans la section suppléments, l’éditeur nous gâte vraiment, avec plus de quatre heures de suppléments, faisant intervenir une grande partie de l’équipe technique du film, dans des entretiens se révélant le plus souvent passionnants. Dans « Le rideau rouge sang » (entretien avec Dario Argento), le réalisateur évoque son attachement pour le film et son amour du théâtre, et revient brièvement sur les défis techniques qu’Opera représentait. L’entretien avec Daria Nicolodi, intitulé « Femme Fatale », même s’il compte parmi les suppléments les plus courts du coffret (17 minutes), est sans doute l’une des pièces maitresses de cette interactivité. En effet, l’actrice et ex-compagne de Dario Argento reviendra finalement assez peu sur ce film précis, mais évoquera longuement sa contribution aux scénarios de Suspiria, Inferno et Ténèbres, et la façon dont son nom a été sciemment écarté du générique en tant que scénariste. Elle raconte que Mario Bava l’a beaucoup soutenu dans ces moments difficiles, et revient ensuite sur les multiples fois où elle a réalisé des cascades dangereuses dans les films de Dario Argento : inattendu, bien mené, et littéralement passionnant, cet entretien est une vraie réussite. Nettement plus long (37 minutes) et très riche en anecdotes, l’entretien avec Franco Ferrini, intitulé « L’identité du Killer », permet au co-scénariste d’Opera de revenir sur les débuts de sa collaboration avec Argento, leurs méthodes de travail concernant l’écriture en commun, mais également sur les relations du maestro avec son équipe (et ses actrices), et, plutôt amusant, sur plusieurs séquences imaginées par Argento ou Ferrini ayant été abandonnées, pour une raison X ou Y. On poursuivra avec « Des notes et des cauchemars », un intéressant entretien avec Claudio Simonetti, compositeur (31 min), au cœur duquel ce dernier revient sur les origines de leur collaboration, et plus particulièrement sur le score d’Opera. La parole est ensuite donné au responsable des effets spéciaux : « La vengeance des corbeaux » est un entretien avec Sergio Stivaletti, qui revient sur les défis que lui avait lancé Dario Argento sur ce film, et sur son désir de rompre nettement avec ses films précédents. Dernier intervenant, mais pas des moindres : dans « La malédiction de MacBeth », Le chat qui fume nous propose un entretien avec Enrico Lucherini, attaché de presse, qui revient sur un tournage très mouvementé, sur la légende de la « malédiction » évoquée par le film, et sur sa réception critique. Entre deux anecdotes, il s’enorgueillit d’avoir travaillé avec Argento sur quasiment tous ses films, mais avoue ses réserves concernant son petit dernier, le très décrié Dracula (2012).

Mais Le chat ne s’arrête pas là : garanti sans phosphates, l’éditeur nous propose toujours une propreté éclatante, et la contribution à un meilleur environnement. Pour preuve, on en veut ce dernier sujet consacré à Terreur à l’opéra : « Les yeux ouverts », entretien avec Fabrizio Spurio, historien du cinéma, qui nous livre en environ 37 minutes une très riche analyse du film, en s’arrêtant sur une série de séquences précises. Comme le titre du sujet l’indique, son axe est celui du « regard » – il revient entre autres sur les différentes occurrences de ce thème dans le film, et souligne très justement la passivité du personnage principal. Captivant, cohérent et très loin de la simple « branlette » intellectuelle, l’italien prouve par A + B que le film du grand Dario comporte mille sens cachés.

Mais Le chat ne s’arrête toujours pas là : le reste des suppléments sera en mode « vintage », en 4/3 et définition standard, mais toujours assez passionnant pour les amoureux du film. On commence avec « Panique à l’opéra », une session de questions / réponses enregistrées en 2006 avec Dario Argento, Franco Ferrini et Lamberto Bava (26 min), et on poursuivra avec un making of d’Opera, making of pour le moins old-school car il ne présente que des moments pris sur le vif durant le tournage, sans commentaire ni le moindre insert nous proposant les habituels entretiens auto-satisfaits avec l’équipe du film, comme on aime à le faire aujourd’hui. Autrement dit, trois quarts d’heure de bonheur aux côté d’un Dario Argento très dynamique et des tonnes d’images du plateau et de la mise en place de nombreuses séquences…

On terminera (car il le faut bien un jour) avec deux clips vidéo de Claudio Simonetti et Daemonia, qui sont, autant être honnêtes, d’un kitsch assez hallucinant, ainsi que par les traditionnelles et indispensables bandes-annonces de l’éditeur, qui nous annonce de belles sorties pour la fin d’année et pour 2018. Plus d’infos très prochainement dans une news qui récapitulera les sorties à venir du Chat qui fume, meilleur éditeur du monde. Nuff said !

 

3 Commentaires

  1. La version anglaise a été mixé en Dolby Stereo , c’est même indiqué sur le générique de fin.

    Et l’éditeur ne propose que du mono , DTS-HD Master Audio 2.0 ne veux dire du tout, ça peu être autant du dual mono que de la stéréo .

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