Critique : The Greatest Showman

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The Greatest Showman

États-Unis, 2017
Titre original : The Greatest Showman
Réalisateur : Michael Gracey
Scénario : Jenny Bicks et Bill Condon
Acteurs : Hugh Jackman, Zac Efron, Michelle Williams, Rebecca Ferguson
Distribution : 20th Century Fox France
Durée : 1h45
Genre : Comédie musicale
Date de sortie : 24 janvier 2018

Note : 3,5/5

La comédie musicale est de retour ! C’est Hugh Jackman, l’ambassadeur officieux à Hollywood de ce genre quelque peu désuet, qui l’a dit. Le hic, c’est que cette citation ne date pas vraiment d’hier, puisque elle faisait partie de la prestation de l’acteur en tant que maître de cérémonie des Oscars il y a neuf ans déjà. Depuis, cette célébration prématurée du retour substantiel des spectacles de danse et de chant sur grand écran ne s’est guère réalisée dans les faits, en dépit de rares comédies musicales, comme La la land de Damien Chazelle l’année dernière, qui ont su temporairement inverser la tendance d’une mort aussi lente qu’inéluctable. Soyons donc mesurés – ou tentons en tous cas de l’être – dans l’enthousiasme que nous inspire The Greatest Showman, un divertissement d’évasion dont seule l’intrigue relève de la vieille école, avec sa promotion d’une humanité tolérante et aimante, groupée en harmonie autour d’un noyau familial somme toute traditionnel. Pour le reste, c’est un bonheur hautement synthétique qui subit une cure de promotion complète ici, par le biais de chansons entraînantes et forcément anachroniques dans le contexte de la vie de P.T. Barnum, ainsi que de numéros de danse et d’acrobatie qui ne le sont pas moins. Bref, toute résistance s’avère futile face à ce spectacle de haut vol, qui ne prend en fin de compte qu’un seul risque apparent : celui de revenir au versant fondamentalement populaire de la comédie musicale, avec tout ce que cela implique en termes de poncifs efficaces et expéditifs. Son succès commercial inattendu aux États-Unis nous laisse espérer qu’un jour, nous verrons véritablement une renaissance de la comédie musicale au cinéma, plus soutenue que ces coups d’éclat isolés qui ont rythmé jusqu’à présent la production depuis le début du siècle !

Synopsis : Depuis son enfance, Phileas Taylor Barnum avait une imagination débordante. Orphelin et sans le sou, il a néanmoins réussi à conquérir le cœur de son amour de jeunesse Charity, une fille de bonne famille. Quand Barnum perd son emploi de comptable lors d’une crise financière, il décide de se mettre à son compte et ouvre une galerie de curiosités. Les affaires vont mal, jusqu’à ce qu’il engage des hommes et des femmes aux talents et aux dimensions exceptionnels. Décrié comme un escroc opportuniste, le père du show-business ne veut pourtant qu’être accepté à sa juste valeur par l’aristocratie américaine de la côte Est. L’occasion de produire enfin un spectacle légitime semble se concrétiser, lorsqu’il fait la connaissance en Angleterre de la célèbre chanteuse Jenny Lind.

Le bateleur des monstres

P.T. Barnum était moins un saint qu’un homme d’affaires talentueux et sans scrupules. Même si la vocation d’aucune comédie musicale n’est de refléter avec un sens aigu pour la réalité la vie de ses personnages, le premier film de Michael Gracey sait à peu près équitablement jongler avec la face sombre de son protagoniste plus grand que nature d’un côté et les besoins consensuels d’un genre où tout le monde est bon et gentil de l’autre. Les enjeux dramatiques du récit se laissent en effet aisément résumer en un va-et-vient jamais à bout de souffle entre diverses tentations et le retour sur le droit chemin, quitte à devoir épeler la leçon de morale dans les répliques des chansons globalement euphorisantes, composées par Benj Pasek et Justin Paul. Le cadre sucré du genre y est effectivement sauf, depuis l’enfance malheureuse du personnage principal, à laquelle il ne survit que grâce à l’amour pour sa dulcinée et la générosité d’inconnus – on ne le dira jamais assez : mangez des pommes –, jusqu’à sa consécration non pas en tant que roi de la roublardise, mais comme père de famille exemplaire. Entre-temps, il a dû traverser moult épreuves, toutes à peu près prévisibles, à la fois dans leur agencement et leur résolution, et toutes cohérentes dans le contexte d’une hagiographie vaguement nuancée, qui encense au moins autant P.T. Barnum que Hugh Jackman, éternellement souriant.

Je suis ce que je suis

Après avoir lu autant de réserves, vous seriez peut-être surpris d’apprendre que nous avons été subjugués par cette comédie musicale vigoureuse et parfaitement calibrée. D’abord parce que, malgré son statut de condensé post-moderne de la comédie musicale, qui n’a plus le temps de s’attarder sur quoique ce soit et qui nous sollicite donc sans cesse par des sensations faussement renouvelées à l’infini, The Greatest Showman arrive à nous arracher quelques émotions. La mise en scène de Michael Gracey, serviable et peu vendue aux effets voyants avec lesquels un réalisateur de la trempe de Baz Luhrmann aurait inondé pareille extravagance, est pour beaucoup dans le rythme soutenu, mais rarement poussif de la narration. Et puis, on y retrouve bien sûr la patte du co-scénariste Bill Condon, depuis longtemps l’un des défenseurs les plus puissants des ostracisés au sein de l’industrie du cinéma américain. Ce n’est certes pas que grâce à lui que la thématique de la revendication de styles de vie complémentaires y soit si fièrement affichée, avec en point d’orgue la chanson « This is me », fraîchement couronnée aux Golden Globes, en attendant les Oscars. Toujours est-il que le ton exubérant du film suscite carrément sa récupération passionnée de la part de toutes celles et de tous ceux, qui se sont sentis un jour rejetés à cause de leur différence visible ou honteusement cachée.

Conclusion

La présence de Zac Efron à l’affiche de The Greatest Showman est largement symptomatique du courant des comédies musicales de notre époque, clinquantes et aseptisées comme une production estampillée Disney, dans lequel il s’inscrit sans trop d’hésitations. Or, ce cirque filmique, pris dans un tourbillon enivrant de chansons et de danses endiablées, se laisse tout aussi bien lire et apprécier comme un divertissement, qui promeut explicitement une vie en communauté, où toutes les sensibilités auraient enfin leur place. Quelle douce utopie par les temps qui courent, puisqu’ils privilégient par leur morosité ambiante la fuite dans des univers aussi habilement enchantés que celui de P.T. Barnum, version Hugh Jackman !

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