Critique : Sleepless

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Sleepless

Etats-Unis, 2016
Titre original : Sleepless
Réalisateur : Baran Bo Odar
Scénario : Andrea Berloff, d’après le scénario de Frédéric Jardin, Nicolas Saada & Olivier Douyère
Acteurs : Jamie Foxx, Michelle Monaghan, Scoot McNairy, Dermot Mulroney
Distribution : Paramount Pictures France
Durée : 1h35
Genre : Policier
Date de sortie : 9 août 2017

Note : 3,5/5

On connaît au moins depuis les années ’80 et le remake d’une comédie familiale en panne de mère la manie du cinéma hollywoodien de refaire à l’américaine des succès du cinéma hexagonal. Le dernier exemple en date est la reprise des rôles interprétés il y a six ans par François Cluzet et Omar Sy dans la version en anglais par Bryan Cranston et Kevin Hart : tout un programme. Il est par contre beaucoup plus rare que les grands studios d’outre-Atlantique s’intéressent de près à des films, qui n’ont pas vraiment prouvé leur potentiel commercial lors de leur sortie chez eux. Sleepless fait donc un peu figure de curiosité, puisque l’original dont il s’inspire, Nuit blanche de Frédéric Jardin, n’avait guère mis en émoi le box-office lors de sa sortie sur les écrans français en novembre 2011. Nous étions également passés à côté à l’époque, en dépit de la présence du craquant Tomer Sisley en haut de l’affiche. Quoiqu’il en soit, nous ne pensons pas avoir perdu au change, puisque le premier film américain du réalisateur suisse Baran Bo Odar est un film de genre convenablement divertissant. Comme c’est souvent le cas avec ces histoires de policiers incroyablement coriaces, il vaut mieux ne pas être trop regardant sur la cohérence de l’intrigue et encore moins sur son enracinement dans une quelconque réalité urbaine. Mais dans l’ensemble, il n’y a vraiment pas de quoi bouder notre plaisir face à ce spectacle d’évasion rondement mené.

Synopsis : Les flics ripoux Vincent Downs et son coéquipier Sean interceptent à leur compte une grosse livraison de cocaïne. Ce qu’ils ignorent, c’est que la marchandise était destinée au baron des casinos de Las Vegas Rubino, qui voulait s’en servir pour améliorer ses rapports avec le chef de la pègre locale Novak. En plus, la commissaire Bryant de la police des polices est mise sur l’affaire, empressée de rétablir sa réputation après le cafouillage lors d’une descente dans l’un des laboratoires gérés par le gang de Novak. Alors que Downs envisageait déjà de rendre la drogue au plus vite à son propriétaire, son fils Thomas est enlevé par les hommes de main de Rubino.

Showboys

Ce qui se passe à Vegas, reste à Vegas. Le dicton n’a jamais été plus vrai que dans le cas de Sleepless, qui déplace l’action imaginée au début de la décennie par Frédéric Jardin et consorts dans un décor français lambda vers la métropole la plus étincelante des Etats-Unis. La caméra de Baran Bo Odar paraît même un peu trop sous l’emprise de la topographie des lieux, puisque elle démultiplie les plans et autres mouvements panoramiques pour la mettre en valeur. Il n’est cependant pas sûr qu’un film comme celui-ci soit en mesure de faire efficacement de la publicité pour le paradis des joueurs, en raison de l’image guère flatteuse qu’il renvoie de ce microcosme régi en termes sociaux par l’argent. Toute réflexion tant soit peu profonde sur les implications plus sournoise d’une telle aventure est de toute façon vite balayée par l’engrenage redoutable de l’action. Celle-ci se déroule assez tôt et dès lors presque exclusivement dans les coulisses du casino, où les adversaires se tournent autour dans un jeu savoureux du chat et de la souris. Les fusillades et les bastons vont en effet bon train, et dans le garage, et dans la cuisine, la boîte de nuit, les chambres d’hôtel, voire le spa. Avec un tel enchaînement ininterrompu de coups de théâtre et de combats musclés, on peut se demander qui a encore besoin d’une logique mûrement réfléchie du côté du scénario.

Bad cop, good cop

Une vacuité relative est effectivement à noter, une fois qu’on essaye d’analyser de plus près les tenants et les aboutissants de cette histoire abracadabrante, peu importe qu’elle soit conçue par une plume française ou américaine. Car si la bifurcation principale de l’intrigue s’inscrit encore dans la grande tradition – rarement prise en défaut et par conséquent usée jusqu’à la corde – du héros qui peut être tout sauf un salaud, il y a d’autres instances dans Sleepless qui fonctionnent sensiblement moins, tel que cette porte de la chambre froide restée ouverte comme par miracle. La première victime de ce fil narratif un brin poussif est évidemment un manichéisme sophistiqué ou plus concrètement les personnages des bons, investis sommairement d’une aura d’exemplarité caricaturale. Au moins, les méchants y sont vraiment méchants : Jamie Foxx tant que l’on ne sait pas trop à quoi s’en tenir avec son flic véreux, Dermot Mulroney en patron de casino mielleux et, en guise de cerise sur le gâteau, Scoot McNairy en gangster psychopathe hautement inquiétant. Cela suffit amplement à tenir à flot un récit, qui aurait pu sinon courir le risque d’entrer en situation de surchauffe. Pour le meilleur et pour le pire, la vitesse y sert de béquille cruciale à la mise en scène, concentrée principalement sur la forme clinquante de cet exercice de style somme toute réussi.

Conclusion

Si vous êtes fans de Jamie Foxx et si vous êtes friands, de temps en temps, d’un divertissement dépourvu d’ambitions démesurées en cette période estivale, Sleepless est fait pour vous. Nous n’irons pas jusqu’à cautionner sans réserve la pratique mercantile des remakes américains à tout va, mais dans le cas présent, le résultat est loin d’être honteux et sans doute plus prestigieux que le film français dont il s’inspire de près. Un constat que vous relativiseriez bien entendu vous-mêmes, si vous avez pu voir et apprécier Nuit blanche.

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