Critique : Milla

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Milla

France, Portugal, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Valérie Massadian
Scénario : Valérie Massadian
Acteurs : Séverine Jonckeere, Luc Chessel, Ethan Jonckeere, Elizabeth Cabart
Distribution : JHR Films
Durée : 2h08
Genre : Drame
Date de sortie : 25 avril 2018

Note : 2,5/5

Ce ne sont pas les descendants directs de Bonnie et Clyde, mais il plane tout de même un air de marginalité autour du couple au cœur de Milla. Ils squattent, ils volent et quand leur quotidien commence à se conformer à un style de vie moins bohémien, l’aventure commune est d’ores et déjà terminée. Ce revirement en plein milieu de film fait partie de son rythme narratif plutôt déroutant, un étrange flottement dépourvu d’une finalité précise qui laisse une place importante à la contemplation d’une forme pas complètement repoussante d’oisiveté. Car même si au niveau de l’intrigue, le deuxième long-métrage de Valérie Massadian se montre difficile d’accès – officiellement, aucun scénariste n’est mentionné au générique, c’est pour dire –, il préserve une poésie esthétique assez fascinante et en fin de compte plus parlante que les poèmes que les personnages lisent de façon artificielle. En somme, c’est un film qui gère de manière inégale ses ambitions, sans doute un peu trop long pour l’histoire rudimentaire qu’il souhaite évoquer et en même temps porté par un talent visuel indéniable, qui nous empêche de décrocher définitivement.

Synopsis : Milla et Léo vivent dans leur voiture, selon un esprit vagabond qui les amène aux endroits les plus insolites. Ils finissent par s’installer dans une maison abandonnée, près d’une petite ville au bord de la Manche. Alors qu’ils ne font rien de bien concret de leurs journées, volant au marché et bouquinant dans les pièces vides de leur modeste demeure, Léo finit par chercher un travail auprès des pêcheurs qui partent tous les matins en mer.

La technique de la chaussure

En regardant Milla, une question essentielle à toute consommation cinématographique nous est revenue à l’esprit : que cela nous apporte-t-il de regarder ce film ? Il n’existe évidemment aucune réponse empirique à cette interrogation fort subjective et peut-être d’autant plus inutile que la réalisatrice paraît évoluer en dehors des sentiers battus, dévolus aux œuvres de fiction qui suivent un cahier de charges aussi conventionnel que prévisible. Or, il n’y a pas non plus d’élément de surprise notable ici, d’innovation formelle à proprement parler qui justifierait les choix artistiques passablement austères de la part de la mise en scène. Ces tranches de vie, filmées depuis une précarité matérielle plus stoïquement subie que fièrement revendiquée, s’appuient ainsi surtout sur l’évocation d’une atmosphère. Celle-ci s’articule d’abord autour d’un état d’esprit anticonformiste, un instant de grâce entre l’adolescence et la vie d’adulte dont les deux personnages principaux profitent amplement. Mais même dans un univers aussi socialement vague que celui de Milla, cette idylle étonnamment pudique ne peut pas durer, laissant alors la place à une réalité encore plus terne et peu engageante.

Un chat dans le frigo

En effet, une fois que le personnage interprété avec sa nonchalance habituelle par Luc Chessel, un acteur dont les faux airs de dandy nous avaient déjà considérablement irrités dans Low life de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval il y a six ans, a quitté le récit sans le moindre relent de morbidité, il ne reste plus qu’une lutte pour la survie passablement molle de la future mère. Là encore, pour apprécier tant soit peu ce film attaché plus à l’observation qu’à l’action, mieux vaudra se laisser porter par l’attention prêtée aux petits détails, aux gestes anodins, que par ses écarts davantage incompréhensibles, comme ce numéro de chant hystérique dans les couloirs d’un hôtel quasiment désert. De même, si la relation entre la mère et l’enfant respire l’authenticité – normal, me diriez-vous, puisque les personnages à l’écran ne font en fait que répéter leurs interactions de la vie réelle –, elle peine à apporter quoique ce soit de substantiel à un récit depuis longtemps à court de souffle. Ce qui nous ramènera tôt ou tard à notre dilemme du début, à savoir si toute cette détente existentielle, néanmoins encadrée par un sens visuel clairement déterminé, rime à quelque chose …

Conclusion

Pour les esprits les plus ouverts et courageux en termes d’épreuves cinématographiques, Milla pourrait exercer un certain pouvoir de fascination, notamment grâce à sa capacité de meubler presque gracieusement sa vacuité scénaristique très prononcée. Pour nous, sans être un calvaire insupportable, ce fut toutefois une expérience souvent proche de la frustration, à cause précisément de l’indécision manifeste de la part de la réalisatrice d’opter soit pour un réalisme social cru, soit pour une forme d’abstraction artistique plus en phase avec ses capacités de cadrage indiscutables.

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