Critique : Conspiracy

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Conspiracy

Etats-Unis, 2016
Titre original : Unlocked
Réalisateur : Michael Apted
Scénario : Peter O’Brien
Acteurs : Noomi Rapace, Orlando Bloom, Michael Douglas, Toni Collette
Distribution : Paramount Pictures France
Durée : 1h38
Genre : Thriller d’espionnage
Date de sortie : 31 mai 2017

Note : 2,5/5

Le hasard du calendrier n’a vraiment pas fait de cadeau à ce thriller américain. De sortie sur les écrans français à peine une semaine après l’attaque terroriste de Manchester, Conspiracy laissera sans doute un arrière-goût quelque peu amer aux spectateurs, même si le cycle inlassable de l’attention médiatique a déjà trouvé d’autres points d’intérêt depuis. Avec l’emploi du temps des projections encore moins en notre faveur, nous l’avions découvert au lendemain de l’attentat, c’est-à-dire dans un état d’esprit général qui nous a rendu le cœur lourd face à ce divertissement. Car en dehors de tout contexte propre à l’actualité brûlante, le film de Michael Apted appartient à ce genre d’histoire qui tire au moins autant profit des sujets dans l’air du temps qu’il ne les reflète. Dans ce sens, il poursuit la lignée toujours aussi problématique de films comme Couvre-feu de Edward Zwick, qui avait poussé au paroxysme il y a près de vingt ans déjà la peur de l’autre – surtout s’il est de foi musulmane – et les outils les plus martiaux pour s’en protéger et préserver notre confort matériel, peu importe le nombre de valeurs sacrifiées sur l’autel d’une sécurité illusoire. Or, c’est justement toute considération morale qui est rapidement évacuée ici, pour mieux accentuer la dimension commerciale et fictive de ce thriller, certes investi d’une efficacité à l’ancienne, quoique plutôt oublieux à l’égard des causes réelles de la paranoïa ambiante.

Synopsis : Depuis qu’elle n’a pas pu éviter un attentat meurtrier à Paris, l’interrogatrice Alice Racine a mis en veille ses liens avec les services secrets américains. Installée à Londres, elle travaille comme assistante sociale et donne de temps en temps des indices sur des terroristes présumés aux agents britanniques. Quand un messager est arrêté, qui doit fournir des informations importantes de la part d’un imam radical à un fanatique sur le point d’agir, le statut d’Alice est réactivé malgré elle. A la course contre la montre s’ajoute alors une série d’imprévus, obligeant Alice de se méfier au plus haut point de ses anciens supérieurs et confidents.

Le terrorisme, quel beau spectacle !

Si nous ne vivions pas dans l’âge sombre de la menace terroriste omniprésente, Conspiracy aurait pu être un divertissement musclé, tellement loin de notre vécu au quotidien que les frasques d’espionnage et de contre-espionnage qui y sont relayées sans relâche auraient presque pu rivaliser avec les aventures d’un James Bond au féminin. Son pouvoir d’invitation à l’identification, par procuration bien entendu, va en effet assez loin pour qu’on se sente pousser des ailes de héros intouchable en sortant de la salle de cinéma, comme ce fut le cas dans le temps après la vision des blockbusters estivaux, qui n’étaient alors pas encore peuplés de super-héros inatteignables, mais d’humains en tous points exemplaires. Sauf que, précisément, l’époque a changé et que ce qui relevait d’une utopie vague, d’une chimère menaçante mais pas encore concrète dans les années 1990 est désormais pleinement arrivé dans les craintes et les contraintes du quotidien. Comment résoudre du coup le dilemme auquel nous confronte un film comme celui-ci, en premier lieu de nature commerciale et par conséquent prêt à exploiter sans scrupules une hantise collective, éveillée par chaque nouveau sursaut terroriste, dont nous n’avons sans doute pas encore vu la fin ? A cette interrogation, valide au moins dans le présent d’une lutte accrue contre le terrorisme, ni le scénario, ni la mise en scène de la part d’un réalisateur pourtant autant à l’aise du côté du documentaire que de celui du cinéma de fiction ne donne un début de réponse satisfaisant. Bien au contraire, les lacunes de plus en plus flagrantes de l’intrigue accentuent encore la sensation assez déplaisante d’une approche majoritairement mercantile.

London calling

Car même si on laissait de côté les parallèles douloureusement flagrants avec ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, l’histoire du film devient rapidement trop bancale pour y voir autre chose qu’un exercice de style seulement à moitié réussi. Tandis que la première partie de Conspiracy tient ainsi à peu près la route, avec des repères qui bougent savamment vers l’inconnu, la suite s’avère beaucoup moins supportable, la fragilité supposée de l’héroïne, surtout d’ordre psychologique, se muant sans préavis en un arsenal de ruses plus farfelues les unes que les autres. Le point de rupture entre la défensive plutôt sophistiquée et une offensive qui ne ressemble plus à grand-chose s’articule quelque part autour du personnage interprété avec nonchalance par Orlando Bloom. Cet homme aussi mystérieux que suspect deviendra un allié temporaire de cette femme de plus en plus téméraire, qui saura bientôt se passer de ses services, au détriment de l’ambiguïté dramatique du propos du film. Toutes les forces et les faiblesses du récit y sont réunies à échelle réduite, le jeu de Noomi Rapace dans un énième rôle de femme meurtrie mais coriace ne faisant guère preuve de la même finesse. Au moins, elle s’en sort toujours mieux que les vétérans de la distribution, puisque Toni Collette, John Malkovich et Michael Douglas y font à peine plus que de la figuration améliorée, si ce n’est carrément du cabotinage sans impact réel sur la tenue globale du film.

Conclusion

A une époque différente de la nôtre, Conspiracy aurait pu être un divertissement de haut vol. Hélas, par les temps qui courent, le rapprochement inévitable avec les atrocités qui ébranlent périodiquement le style de vie occidental l’enfonce dans une posture indélicate. Celle-ci conduit alors à l’interrogation cruciale sur la nécessité et surtout le timing adéquat d’un tel film. Puisque une réflexion, aussi approximative soit-elle, ne paraît pas figurer au cahier de charges de cette production, elle risque sérieusement de sombrer avec son bagage cupide et ses incongruités scénaristiques, de plus en plus difficiles à ignorer.

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