Critique : Salt and fire

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Salt and fire

Allemagne, 2016
Titre original : Salt and fire
Réalisateur : Werner Herzog
Scénario : Werner Herzog, d’après une histoire de Tom Bissell
Acteurs : Veronica Ferres, Michael Shannon, Gael Garcia Bernal
Distribution : Potemkine Films
Durée : 1h38
Genre : Thriller écologique
Date de sortie : 7 décembre 2016

Note : 2,5/5

Le paradoxe du mysticisme naturaliste, d’habitude si cher à Werner Herzog, risque sans cesse de faire capoter son nouveau film de fiction. Principalement actif dans le domaine du documentaire ces dernières années, le réalisateur allemand revient en effet avec Salt and fire à une forme de récit, qui est avant tout vecteur de folie. Sauf que l’aspect énigmatique, mi-monstrueux et mi-apaisant, du film s’amenuise au fur et à mesure que son intrigue part vers les contrées du délire doux, sur un îlot de quiétude trompeuse dans un océan de dérèglement environnemental. L’emploi de symboles visuellement poignants y va certes bon train, mais hélas, cette prouesse plastique se met de plus en plus au service d’une histoire abracadabrante. Bien que nous ne nous attendions plus, de la part d’un film de Werner Herzog, à quelque forme de narration fluide et prévisible que ce soit, les bifurcations successives, prises par cette mise en garde gauche et pesante contre la destruction de notre habitat terrestre, ont bien trop souvent tendance à dévier vers l’incongruité pour rester au moins vaguement pertinentes.

Synopsis : La scientifique allemande Laura Sommerfeld se rend en Bolivie en tant que responsable d’une délégation des Nations Unies, qui doit y rendre compte de la catastrophe naturelle de Diablo Blanco. A l’aéroport, elle est accueillie par le mystérieux Krauss, qui l’invite à prendre un autre avion, afin de rencontrer les responsables ministériels. Or, une fois arrivés à destination, Laura et ses deux confrères sont pris en otage par des hommes armés. Ils sont conduits dans la résidence reculée de Matt Riley, l’inquiétant patron du conglomérat, responsable de la catastrophe écologique.

Au secours d’un monde en détresse

Un prodigieux observateur dans ses nombreux documentaires récents du monde naturel et social qui part en vrille, Werner Herzog peine à traduire cet engagement du témoin inquiet en des termes dramatiquement probants dans Salt and fire. La trame du thriller, avec sa prise d’otage musclée et ses abus de pouvoir face à un microcosme local et une surveillance internationale également impuissants, y est rapidement abandonnée, au profit d’un semblant de conte initiatique aux pieds d’argile. Le besoin d’insurrection reste à peu près palpable, pendant cette séquestration à vocation quasiment altruiste, mais la visée militante du scénario se dilue au fur et à mesure que les sources de panique se multiplient et que les réponses suggérées s’embrouillent. A quoi rime tout cela ? Même la mise en scène ne paraît plus trop le savoir. A tel point que la conclusion – sans doute la partie la plus problématique du film – fait figure de pétard mouillé, après une transformation assez savante de la tension, qui s’avère en fin de compte inutile.

De l’art anamorphique

Le ravisseur, auquel Michael Shannon tente vaillamment de conférer un minimum de crédibilité, est un homme instruit, qui se montre particulièrement admiratif devant des tableaux dont la force représentative varie en fonction de l’angle sous lequel on les regarde. Cette métaphore du sens, qui ne se dégage qu’à condition d’aborder différemment une situation en apparence évidente, aurait dû s’appliquer sur l’ensemble de l’histoire bancale du film. Malheureusement, nos pistes d’accès pour tourner cette improbable odyssée sens dessus-dessous dégagent avant tout une certaine antipathie, à l’image de la rigidité germanique tout à fait caricaturale du personnage principal, interprété sans verve par Veronica Ferres. Sans oublier le gâchis manifeste de Gael Garcia Bernal, dans un rôle très mineur, réduit à faire le beau, faire le lâche, puis faire le clown, sans que sa présence ne modifie le cours de l’intrigue. Cette dernière perd de toute façon le nord, au plus tard lorsque Laura se retrouve seule, au milieu de nulle part, avec deux garçons handicapés, selon la plus pure tradition du cinéma selon Werner Herzog, très adroit pour fourvoyer ses personnages dans l’embarras, mais toujours aussi désemparé, quand il s’agit de leur aménager une issue de secours tant soit peu censée.

Conclusion

De belles images, un décor naturel qui combine majestueusement l’immensité de l’espace et de l’horreur et puis une intrigue qui, à force de ne plus savoir où aller, finit par s’écrouler comme un château de cartes : il n’y a en fait rien de bien nouveau à constater dans l’univers de Werner Herzog, un réalisateur qui mérité néanmoins toutes nos sympathies pour tenter chaque fois l’impossible. Salt and fire doit être considéré au moins comme un semi-échec, surtout en raison de son incapacité à trouver une pirouette finale, susceptible de fonder tout ce qui lui a précédé sur un raisonnement lucide.

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