Critique : Primary colors

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Primary colors

Etats-Unis, 1998
Titre original : Primary colors
Réalisateur : Mike Nichols
Scénario : Elaine May, d’après le livre de Anonymous
Acteurs : John Travolta, Emma Thompson, Adrian Lester
Distribution : UFD
Durée : 2h23
Genre : Satire politique
Date de sortie : 13 mai 1998

Note : 3/5

Qu’est-ce qui a rendu la présidence de Bill Clinton exquise au point de générer une série de films, pendant les années 1990, globalement destinés à mettre en valeur l’homme le plus puissant des Etats-Unis ? Entre le Rambo en costard interprété par Harrison Ford dans Air Force One de Wolfgang Petersen et le séducteur né sous le traits de Michael Douglas dans Le Président et Miss Wade de Rob Reiner, en passant accessoirement par la biographie sur les excès de Nixon de Oliver Stone, les exemples ne manquent pas pour remarquer une empreinte du côté de la fiction, soutenue et principalement positive, de l’occupant de la Maison blanche – sans oublier bien sûr la série à succès légèrement ultérieure à cette époque-là avec Martin Sheen en président. Le film de Mike Nichols pousse l’hommage encore un peu plus loin, puisqu’il s’inspire directement du linge sale lavé en public lors de la première campagne du futur président Clinton. Primary colors n’est pas pour autant un pamphlet bassement voyeuriste, ni un monument filmique dédié au génie visionnaire d’un politicien au bilan en fin de compte très mitigé. Il s’agit plutôt d’un regard à points de vue multiples sur la folie du cirque électoral, qui atteint tous les quatre ans tel une maladie la population américaine. Contre toute attente, au vu de la réunion du tandem Mike Nichols – Elaine May, des comiques de légende dans les années ’60 dont l’un se trouve à la réalisation et l’autre au scénario, la part humoristique de cette aventure au vitriol reste assez faible. Ce qui ne veut pas dire que leur approche ne fait pas preuve d’une intelligence et d’une lucidité très appréciables.

Synopsis : Henry Burton, petit-fils d’un célèbre activiste pour les droits des Afro-américains, hésite de rejoindre la campagne de Jack Stanton, gouverneur d’un Etat du Sud des Etats-Unis qui rêve de devenir président. Dès qu’il le voit sur le terrain, en apparence sincèrement concerné par les soucis des électeurs, il tombe pourtant sous le charme de son message optimiste. Le travail s’annonce néanmoins rude, puisque le politicien ne dispose que de peu de moyens et d’une notoriété faible au niveau national. Alors que les sondages se montrent de plus en plus favorables à l’égard de Stanton, des histoires embarrassantes sur son passé de coureur de jupons refont surface. Henry est alors chargé d’anticiper les coups bas que les médias pourraient porter à la campagne, qui est sinon en bonne voie. A la demande de Susan, l’épouse ambitieuse du candidat, il fait appel à Libby Holden, une fidèle depuis longtemps du camp Stanton, qui a déjà payé cet engagement avec plusieurs accès de folie.

La vérité si je mens

Le monde des politiciens traverse une crise de confiance durable. A quelques élans d’espoir vite déçus près, comme l’arrivée du président Obama, célébré il y a huit ans comme le messie de Washington et rapidement démystifié par la lourdeur des institutions, les hommes et les femmes qui sont censés nous représenter dans les pays démocratiques jouissent au mieux d’une réputation de bureaucrates sans charisme. Chaque élection ne propose en fait que le choix du moindre mal, à moins de tomber sur le cas d’un candidat extrême, soit lumineux, soit ténébreux. Après quelques brefs instants initiaux d’idéalisme, le protagoniste de Primary colors doit se rendre, lui aussi, à l’évidence que son poulain est loin d’être parfait, que les belles paroles de ses discours plein d’émotions font partie d’un spectacle de séduction mûrement élaboré. Le point faible de Jack Stanton, ce sont les femmes, qu’il ne peut pas s’empêcher d’attirer dans son lit, voire de mettre enceinte. Autour de ce machisme maladif, le scénario agence tout un réseau de mensonges, qui englobent de façon représentative la duplicité du monde politique en général et de ce prototype de politicien en particulier. Que l’accent soit mis sur cet aspect-là des frasques supposées du président Clinton s’avère aussi arbitraire que probant, car la place laissée par conséquent au message de fond se réduit comme une peau de chagrin.

Chacun pour sa pomme

Avec l’un de ses derniers films majeurs pour le cinéma, Mike Nichols fait honneur à sa réputation de réalisateur au style soigné, qui ne cherche guère la provocation gratuite. Le récit de Primary colors se distingue ainsi par un rythme soutenu et une intelligence du propos qui participent, au moins indirectement, à noyer le poisson. La répartition quasiment chorale des personnages, tous fiévreusement à pied d’œuvre pour tenir à flots une campagne plus qu’une fois en mauvaise posture, vise clairement à souligner l’absurdité de cet univers, plutôt qu’à mettre sur un piédestal un rôle en particulier. Notre point d’identification privilégié est certes Henry, interprété avec une dose de naïveté nécessaire par Adrian Lester, mais ce dispositif narratif finit par produire aucun éclat. Au contraire, il instaure le genre de distance pas toujours très adroit pour nous faire adhérer corps et âme au parcours de Phénix du candidat faussement imaginaire. D’ailleurs, le futur couple présidentiel joué par John Travolta et Emma Thompson reste étonnamment terne, comme une coquille vide dans laquelle leurs conseillers projetteraient toutes sortes de rêves maintes fois déçus. Les deux seuls à finalement tirer leur épingle du jeu, côté interprétation, ce sont Kathy Bates et Larry Hagman, dans des rôles qui cherchent à rompre avec l’hypocrisie nauséabonde du monde politique américain, mais qui finissent par y laisser leur peau, doublés par des opportunistes plus rusés qu’eux.

Conclusion

Le règne du président Bill Clinton, d’ores et déjà passablement effacé par le passage du temps, risque de prendre un coup supplémentaire par l’ascension au pouvoir de son épouse et probable future présidente Hillary. Or, aura-t-elle le même retentissement médiatique du côté de Hollywood que son mari, un honneur à double tranchant dont n’avait même pas bénéficié Barack Obama, au rayonnement a priori plus lumineux que le clan Clinton ? On le saura bien assez tôt. Toujours est-il que Primary colors reste une satire politique certes pas hilarante, mais suffisamment astucieuse pour refléter avec ironie et désormais nostalgie le paysage politique dans l’Amérique des années ’90.

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