Critique : Mr Gaga Sur les pas d’Ohad Naharin

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Mr Gaga Sur les pas d’Ohad Naharin

Israël, 2015
Titre original : Mister Gaga Into the mind of Ohad Naharin
Réalisateur : Tomer Heymann
Scénario : Tomer Heymann
Distribution : Sophie Dulac Distribution
Durée : 1h39
Genre : Documentaire de danse
Date de sortie : 1er juin 2016

Note : 3/5

Les mouvements du corps sont sans limite. Alors que le ballet classique l’enferme dans le catalogue restreint des pas et des sauts autorisés, la technique mise au point par le chorégraphe Ohad Naharin vise au contraire à le libérer de toute contrainte pour guider ses danseurs vers une expression libre et instinctive de leur personnalité. Ses spectacles sont la preuve éclatante de la vivacité et de la vigueur de cette approche que le documentaire de Tomer Heymann cherche à capter. La partie la plus réussie de Mr Gaga Sur les pas d’Ohad Naharin est par conséquent un assemblage organique d’extraits des différentes créations de l’artiste, plus galvanisantes et belles les unes que les autres. Le rapport au corps y paraît affranchi de tout complexe, les danseurs évoluant dans l’espace avec une grâce et une fougue qui donnent immédiatement envie de découvrir dans leur intégralité ces numéros conçus par un génie. Ces bribes d’une œuvre qui a su révolutionner l’art de la danse sous sa forme actuelle fournissent de même le meilleur point d’accès à la personnalité d’Ohad Naharin. Car comme la plupart des créateurs d’exception, ce dernier préfère ne pas trop se livrer à la caméra, au profit d’une mise en abîme plutôt réussie avec sa façon viscérale de danser, mais au détriment d’un portrait personnel, qui serait instructif et révélateur à l’égard de son cheminement artistique.

Synopsis : La danse a depuis toujours fait partie de la vie d’Ohad Naharin. Ce chorégraphe israélien avait pourtant hésité longtemps avant d’en faire sa vocation, puis son métier. Après son enfance dans un kibboutz et son service militaire auprès du service des divertissements pendant la guerre du Kippour, il n’entre à la prestigieuse Batsheva Dance Company qu’à vingt ans passés. Engagé par les troupes de Martha Graham à New York, puis de Maurice Béjart à Bruxelles, il préfère retourner dans son pays natal pour développer son propre style de danse. En 1990, il prend la direction de son ancienne école, la Batsheva Dance Company, et y chorégraphie plus de trente spectacles, reconnus dans le monde entier pour leur esprit innovant. Il finit par mettre au point Gaga, une technique originale d’approche du mouvement.

Pour la beauté du geste

La danse telle qu’elle est pratiquée dans les ateliers d’Ohad Naharin est un véritable festin pour les yeux. Mieux encore, elle stimule les autres sens à tel point qu’on aurait presque envie de bondir de son fauteuil de cinéma pour se lancer à son tour dans les acrobaties dignes d’un tempérament animalier que l’objet de ce documentaire conçoit à la perfection. Il y a quelque chose de profondément ancré dans la conscience humaine depuis la nuit des temps que ces ballets, désordonnés seulement en apparence, font resurgir avec une force impressionnante. La géométrie des corps y est pulvérisée par des mouvements violents, quoique toujours au service d’une impression générale hautement poétique. Entraînés sans la moindre résistance par ces séquences de spectacles époustouflants, nous aurions pu regarder pendant des heures et comme dans un état de transe jubilatoire les créations d’Ohad Naharin. La symbiose quasiment parfaite entre le corps et l’espace, au rythme d’une musique plus futuriste que traditionnellement mélodieuse, suscite en effet une harmonie particulièrement étrange, mi-agressive, mi-soyeuse dans la souplesse caoutchouteuse des danseurs.

En quête de la chute parfaite

Le prix à payer pour atteindre de tels sommets de l’art de la danse doit être élevé. Malheureusement, le documentaire de Tomer Heymann ne fait pas preuve de la même minutie que les danseurs d’Ohad Naharin, lorsqu’il s’agit d’enquêter pour tenter de percer le mystère de cette légende de la culture israélienne. Les événements marquants de la vie privée et professionnelle du chorégraphe sont certes évoqués avec une certaine sobriété, comme sa relation fusionnelle à l’issue tragique avec sa consœur Mary Kajuwara ou ses déboires avec le gouvernement autour d’une tentative de censure. Mais l’établissement d’un lien probant entre son évolution artistique et ces points de repère biographiques demeure pour le moins incomplet. La mise en perspective ne se montre pas non plus sous un jour plus éclairant, quand il s’avère qu’au moins l’une des anecdotes était sortie tout droit de l’imagination du danseur, préoccupé avant tout à préserver sa sphère intime au lieu de justifier rétrospectivement sa passion pour la danse. Enfin, les témoignages des collaborateurs d’Ohad Naharin fournissent au mieux un aperçu partiel de ses méthodes de travail, s’ils ne relèvent pas carrément de l’opportunisme gratuit, comme dans le cas de la brève intervention de l’actrice Natalie Portman.

Conclusion

Les amateurs de la danse moderne seront aux anges, face à ce documentaire convenable, qui accorde une place importante aux prises des spectacles sublimes d’Ohad Naharin. Pour tous les autres, Mr Gaga Sur les pas d’Ohad Naharin permet une entrée en la matière pas inintéressante, dont le caractère d’amuse-gueule n’est cependant guère démenti par une approche de recherche de la part du réalisateur un brin trop superficielle.

2 Commentaires

  1. Effectivement, le documentaire est un hommage à la danse et à un chorégraphe hors du commun qui comprend mieux que quiconque le corps. Le mouvement Gaga traduit parfaiement sa vision de la danse.

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