Critique : Moonwalkers

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Moonwalkers

Royaume-Uni, 2015
Titre original : Moonwalkers
Réalisateur : Antoine Bardou Jacquet
Scénario : Dean Craig
Acteurs : Ron Perlman, Rupert Grint, Robert Sheehan
Distribution : Mars Distribution
Durée : 1h37
Genre : Comédie
Date de sortie : 2 mars 2016

Note : 2,5/5

La théorie du complot sous sa forme actuelle est née dans les années 1960. Il y a eu deux événements si exceptionnels, l’un tragique avec l’assassinat du président Kennedy, l’autre incroyable dans sa capacité de repousser les limites imposées à l’homme qui a marché pour la première fois sur la lune, que des esprits dubitatifs n’ont pas voulu croire en leur véracité. C’était trop gros pour être crédible, trop énorme pour que la paranoïa ambiante – passablement renforcée par la consommation de toutes sortes de drogues hallucinogènes – ne s’en saisisse. Le cinéma en a, lui aussi, tenu compte, notamment avec le pamphlet accusateur JFK de Oliver Stone dans le cas du drame de Dallas et indirectement par le biais de Capricorn One de Peter Hyams qui cherchait à miner notre perception de la vérité à travers le filtre des médias. Moonwalkers n’a donc strictement rien inventé, même si sa tentative d’aborder la thématique sous un angle comique mérite une certaine reconnaissance. Le problème est que le ton de la dérision subit beaucoup trop d’interruptions pour aboutir à un film convaincant.

Synopsis : En juillet 1969, la mission Apollo 11 s’apprête à partir pour la lune. L’état-major américain craint toutefois qu’elle soit un échec, au point de mettre en péril sa fragile suprématie au sein de la Guerre froide. Subjugué par les effets de 2001 L’odyssée de l’espace, il prévoit un plan B grâce auquel des images tournées en studio par Stanley Kubrick pourraient remplacer celles de la mission jugée trop imprévisible. L’agent de la CIA Tom Kidman, encore traumatisé par son séjour récent au Vietnam, est envoyé à Londres pour conclure un accord avec le célèbre réalisateur. Mais au lieu de l’agent de Kubrick, Kidman a affaire à son cousin maladroit Jonny, qui galère avec son seul client, un groupe de rock minable. Incapable de résister à la tentation de la forte somme d’argent que l’agent secret américain lui promet en cas de signature, Jonny fait passer Leon, son colocataire constamment défoncé, pour le cinéaste de génie.

Appelez moi Kubrick

Antoine Bardou Jacquet n’est pas Stanley Kubrick. Le réalisateur débutant ne prétend certes pas l’être, mais rien que la référence à son confrère adulé par des milliers de cinéphiles jusqu’à ce jour met la barre trop haut pour Moonwalkers. L’ambition de ce premier film passablement plaisant a en effet peu de choses en commun avec l’aspiration parfois clinique de Kubrick d’atteindre la perfection cinématographique. Ici, c’est au contraire le chaos qui prime sur une structure narrative finement étudiée, une observation qui inclut aussi les personnages, laissés de plus en plus en roue libre dans ce projet de moins en moins sérieux. L’anecdote autour de l’engagement de Kubrick pour sauver la peau du programme spatial américain n’est ainsi que le point de départ assez arbitraire pour un délire qui se perd progressivement dans les méandres d’une époque sensiblement plus bordélique et insouciante que la nôtre. Ce qui ne veut pas dire que nous n’aurions pas aimé un peu plus de volonté directive dans le contexte d’une intrigue, qui passe avec une trop grande désinvolture du coq à l’âne.

Deux porcelets tigres

Ces deux pauvres bêtes détournées pourraient sans peine servir de symbole à un récit qui met trop longtemps pour trouver sa voie, afin de mieux la quitter sans préavis. Alors que la longue introduction, qui traite de la rencontre improbable entre le tueur au bout du rouleau et le perdant qui cultive encore de grands rêves, a d’ores et déjà mis notre patience à rude épreuve, la suite ne se distingue pas non plus par son caractère mordant. Le tournage hautement désordonné dans un château à la campagne, qui sert accessoirement de lieu de débauche en tout genre, passe de plus en plus à l’arrière-plan au profit d’un portrait approximatif des trois personnages principaux. Le seul d’entre eux à réellement suivre une évolution notable est le vieil agent usé par toutes les horreurs qu’il a commises au fil de sa carrière irréprochable, campé avec son flegme habituel par Ron Perlman. Quant aux deux autres, Rupert Grint stagne dans une logique du surjeu fatigant, tandis que Robert Sheehan dans le rôle du meilleur ami tout à fait à l’ouest réussit à conférer une sensualité relative au rôle. Ce qui ne sert hélas pas à grand-chose, puisque, après une séquence psychédélique plutôt envoûtante, le ton change une fois de plus radicalement lors de la fusillade finale, supplantée à son tour par une conclusion sans verve.

Conclusion

Ce ne sont pas les bonnes petites idées qui font défaut à Moonwalkers, mais leur intégration cohérente et fluide dans un rythme narratif entraînant. Le réalisateur nous donne l’impression de ne pas trop savoir où il veut en venir avec cette fantaisie abracadabrante, alors que le choix ferme et sans équivoque du ton à adopter aurait pu rendre son premier film plus abouti.

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