Âge de raison cette année pour le Grand Lyon Film Festival ou Festival Lumière pour les intimes qui fête sa septième édition avec un nouveau lauréat prestigieux pour le Prix lumière créé par Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier «afin de célébrer à Lyon un metteur en scène ou une personnalité du septième art, à l’endroit même où le Cinématographe a été inventé par Louis et Auguste Lumière [… et] exprimer notre gratitude envers les artistes qui habitent nos vies [avec cette] distinction qui repose sur le temps, la reconnaissance et l’admiration.»
Après Clint Eastwood (2009), Milos Forman (2010), Gérard Depardieu (2011), Ken Loach (2012), Quentin Tarantino (2013) et Pedro Almodóvar (2014), c’est le réalisateur de 23 longs métrages (et acteur occasionnel) américain Martin Scorsese qui recevra le 7ème Prix Lumière, honoré, selon le communiqué officiel, «pour l’ensemble de son œuvre, pour sa cinéphilie généreuse, pour son inlassable combat en faveur de la sauvegarde du cinéma du passé, pour ses fictions, pour ses documentaires, pour son amour de la musique, pour sa bienveillance à l’égard des jeunes cinéastes du monde entier, et aussi pour son rire tonitruant.»
Martin Scorsese fera ses premiers pas à Lyon et devrait ajouter son nom non seulement à cette liste prestigieuse mais aussi sur le mur extérieur de la rue du Premier-Film où se trouve l’Institut Lumière avec toutes ces plaques de grands noms du cinéma inaugurées systématiquement en leur présence, ne citons que Stanley Donen, Roger Corman ou Dario Argento, ou plus récemment Tim Robbins, la liste complète est ici. Le réalisateur s’est exprimé avec ces quelques mots sur cette invitation : « Ce que signifie le festival Lumière est très important et il représente beaucoup pour moi. Je suis fier d’y être invité et de recevoir le Prix Lumière. »Martin Scorsese sera célébré en parallèle à la Cinémathèque Française avec une exposition du 14 octobre 2015 au 14 février 2016, conçue par la Deutsche Kinemathek de Berlin, couplée à une rétrospective. On imagine déjà les allers-retours entre Lyon et Paris en compagnie de spectateurs médusés de partager un sandwich SNCF au wagon restaurant avec le réalisateur de Taxi Driver. On a le droit de rêver…
Né en 1942, il a tourné son premier court-métrage en 1959 (Vesuvius VI vu d’à peu près personne) mais c’est The Big Shave en 1968 qui fut son réel premier coup d’éclat précédé de peu par son premier long Who’s That Knocking at My Door avec celui qui fut son premier acteur fétiche, Harvey Keitel, avant Robert De Niro puis Leonardo di Caprio. Il a ensuite marqué l’histoire du cinéma contemporain avec Mean Streets, Alice n’est plus ici, New York, New York, Raging Bull, La Valse des pantins, Les Affranchis, Casino, Aviator, Hugo Cabret ou Le Loup de Wall Street. Après plusieurs citations non transformées, il a remporté son premier et unique Oscar du meilleur réalisateur en 2007 pour Les Infiltrés. En 1976 il recevait la Palme d’or pour Taxi Driver considéré par beaucoup comme son chef d’oeuvre et en 1986 le prix de la mise en scène pour After hours, sa dernière participation à Cannes au sein de la compétition.
Il fut le Président du Jury en 1998, remettant une Palme d’or à Theo Angelopoulos (L’éternité et un jour) et le Grand Prix à Roberto Benigni (La Vie est belle). Il est encore lié à la Croisette via la Cinéfondation dont il est le Président d’honneur et la World Cinema Foundation fondée avec Gian Luca Farinelli (de la Cinémathèque de Bologne, voir interview fleuve ici) et Thierry Frémaux, destinée à financer la restauration de films venus d’Asie, d’Amérique latine, d’Europe de l’Est ou d’Afrique, par exemple Touki Bouki de Djibril Diop Mambéty, Un été sans eau de Metin Erksan ou La Loi de la frontière de Lütfi Akad pour ne citer que trois des plus beaux exemples présentés au sein de la sélection Cannes Classics.
C’est ainsi non seulement sa carrière d’auteur et de cinéaste qui est saluée mais son implication dans la préservation de celle des autres, sans oublier ses interventions de cinéphile qui se reflète dans les documentaires comme ses voyages dans le cinéma américain (avec le regretté Michael Wilson) ou le cinéma italien ou son hommage au cinéaste Elia Kazan (A Letter to Elia). Martin Scorsese vient d’achever le tournage de son nouveau long-métrage Silence (news).
La programmation 2015 inclut notamment un hommage à Scorsese (doublée d’une carte blanche), des restaurations récentes, des rétrospectives Akira Kurosawa (les années Toho dont 4 inédits) et Julien Duvivier en 7 films, un hommage à Pixar pour ses 30 ans en présence de John Lasseter, les 100 ans du Technicolor, une invitation à Sophia Loren avec Nicolas Winding Refn qui viendra présenter sa riche collection d’affiches dédiée au cinéma d’exploitation (cinéma érotique particulièrement), un hommage à la firme à la marguerite (Gaumont), d’autres hommages à Jean Yanne, au compositeur Maurice Jaubert, à la réalisatrice soviétique Larissa Chepitko dans le cadre de l’Histoire permanente des femmes cinéastes ou à la réalisatrice Jacqueline Audry à l’occasion de la publication du passionnant texte de Brigitte Rollet (La femme à la caméra), la 2ème partie du Voyage dans le cinéma français 1930-1950 par Bertrand Tavernier, une célébration du premier oscar du compositeur Alexandre Desplat, une redécouverte du cinéaste du muet Fred Niblo (1874-1948), de grandes projections (Blade Runner de Ridley Scott, Ran d’Akira Kurosawa, Out of Africa de Sydney Pollack et Docteur Jivago de David Lean), des cinés-concerts dont un autour de La Passion de Jeanne d’Arc et enfin une « Nuit de la peur » à la Halle Tony Garnier avec The Thing de John Carpenter, La Nuit des morts-vivants de George A. Romero, Insidious de James Wan et Evil Dead de Sam Raimi.
La septième édition du Grand Lyon Film Festival aura lieu du 12 au 18 octobre, le prix Lumière sera remis à Martin Scorsese le vendredi 16 octobre au Centre de Congrès – salle 3000, un jour après la master class le jeudi 15 octobre au Théâtre des Célestins. Les places pour la soirée d’ouverture et d’autres séances sont déjà en vente et partent généralement très vite, c’est ici.
