Livre : Le Festival n’aura pas lieu (Gilles Jacob)

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Le Festival n’aura pas lieu

France, 2015
Titre original : –
Auteur : Gilles Jacob
Collection : –
Editeur : Grasset
283 pages
Genre : Roman
Date de parution : 29 avril 2015

Note : 2,5/5

Gilles Jacob goes to Africa. C’est en tout cas l’impression que donne à première vue son livre, un roman paru l’année dernière, qui démarre avec la visite d’un journaliste français et directeur débutant du Festival de Cannes sur le plateau de Mogambo, l’aventure exotique réalisée en 1953 par John Ford. Or, « Le Festival n’aura pas lieu » se distingue assez rapidement de « African Queen ou comment je suis allée en Afrique avec Bogart, Bacall et Huston et faillis perdre la raison », l’hilarant récit de première main que l’actrice Katharine Hepburn faisait en 1987 d’un tournage pas moins rocambolesque, qui s’est déroulé pratiquement à la même époque dans la jungle africaine. Pour commencer, l’histoire du livre de Gilles Jacob relève autant de la réalité que de la fiction. Si certains faits qui y sont contés ont réellement eu lieu, le personnage principal, Lucien Fabas, un Suisse aussi passionné de cinéma que maladroit dans ses rapports avec les femmes, est une invention de celui qui fut pendant près de quarante ans d’abord le délégué général, puis le président du plus célèbre festival de cinéma. Néanmoins, le ressenti personnel de cet ancien haut fonctionnaire de la cause cinématographique se retrouve largement dans cette biographie partielle de son prédécesseur imaginaire. Car après les cent premières pages autour de l’excursion dépaysante, le livre évoque le reste de la carrière de Fabas jusqu’au début des années ’70, avec en point d’orgue bien sûr la fameuse 21ème édition du Festival de Cannes, qui a dû être interrompue à cause des événements de mai ’68.

Synopsis : Début octobre 1952, le journaliste Lucien Fabas se rend sur le plateau du film Mogambo au Kenya, afin d’y faire un reportage sur l’équipe assemblée autour du réalisateur John Ford et de voir si cette production prestigieuse de la MGM se prêterait éventuellement en tant que film d’ouverture du prochain Festival de Cannes qu’il dirige depuis peu. Sur place, il devient le témoin de l’ambiance particulière qui règne dans le campement, entre l’exubérante mangeuse d’hommes Ava Gardner qui vient de prendre congé de son mari Frank Sinatra, la relation romantique naissante du couple improbable que forment le vieux Clark Gable et la toute jeune Grace Kelly, ainsi que les maintes tentatives de la part du réalisateur d’esquiver l’inévitable entretien contractuel. L’aspect de ce voyage qui changera la vie de Fabas de fond en comble est pourtant sa rencontre avec Bappie, la sœur aînée et secrétaire de Ava Gardner, avec laquelle il entretiendra pendant des années une affaire de cœur, soumise aux exigences du poste prestigieux de directeur de festival.

C’est du cinéma !

Gilles Jacob est une figure incontournable du cinéma international. Même s’il n’accueille plus chaque mois de mai le gratin du cinéma mondial en haut des marches du palais, il a su garder vivant son lien avec une production filmique dont il a été le sculpteur indirect pendant de longues années. Il est forcément d’une génération ultérieure à celle du protagoniste de son roman, qui a déjà la quarantaine dans les années ’50 alors que le jeune Gilles faisait tout juste ses premiers pas dans le métier, mais les deux hommes se démarquent par un amour inconditionnel du Septième art. Cette passion se traduit dans « Le Festival n’aura pas lieu » par quelques anecdotes savoureuses, dont le degré de véracité varie sans doute, mais qui font chacune preuve d’une compréhension hors norme de ce microcosme qui fait injustement rêver les fans. Les personnalités qui font une apparition plus ou moins brève au fil de l’intrigue sont en effet nombreuses, même si l’inclusion d’un monument français comme le général De Gaulle, sur le chemin du retour de son escapade à Baden-Baden, pose la question de la vanité du propos de Jacob, qui ne cesse de jongler entre éblouissement bling-bling et pragmatisme quotidien. Car c’est le regard d’initié derrière les coulisses de la machine cannoise, à l’époque encore presque confidentielle, qui transforme en fin de compte ce projet un brin narcissique en une lecture agréablement instructive.

No sex last night

Le style littéraire de Gilles Jacob ne pose aucune difficulté notable, grâce à une écriture très fluide. Cette dernière nous paraît tout à fait adaptée à ce type de livre conçu pour un public en quête de retournements dignes d’un roman de gare issu de la vieille école. Le fil rouge du roman n’est ainsi point l’activité au jour le jour du commercial en chef des talents filmiques à dénicher et à défendre ensuite, mais son indécision constante du côté de la vie privée de franchir le pas avec Bappie Gardner. La banalité manifeste avec laquelle cet aspect essentiel du livre est traité relativise irrémédiablement son versant plus mondain. A moins que l’un comme l’autre ne soient les deux faces d’une même médaille, à savoir l’imbrication quasiment inconsciente de l’auteur dans le mélange douteux entre l’art et le commerce, entre les ragots de la presse et le désordre guère plus reluisant causé par un parcours personnel aux priorités floues. Si l’envergure du roman avait été plus ambitieuse, si Gilles Jacob avait réellement souhaité mettre en question le rôle arbitraire du directeur d’un festival exceptionnel comme Cannes, « Le Festival n’aura pas lieu » aurait pu devenir un règlement de comptes fascinant. En l’état, nous avons plutôt l’impression que le vieux tsar du cinéma français voulait se faire plaisir en couchant ces près de trois cents pages sur papier. Un plaisir qui n’est hélas partagé par le lecteur qu’à un niveau superficiel.

Conclusion

C’est l’été, le moment idéal dans l’année de se changer les idées avec quelques lectures sans pesanteur ! Le dernier livre de l’éminent Gilles Jacob pourrait alors vous tenter, léger et un peu trop inconsistant qu’il est, une sorte de complément pas totalement dépourvu de charme du plus essentiel « La Vie passera comme un rêve », qui, lui, revenait sur de vrais souvenirs du capitaine du navire cannois. Celui-ci est désormais à la retraite, mais il s’investit toujours autant dans le projet existentiel de la transmission de son patrimoine filmique personnel, constitué avant tout de souvenirs.

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